LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 6 février 2014), que les consorts X..., aux droits de qui se trouvent Mme Y... et M. Y..., ont donné à bail à la société Kerjean des locaux commerciaux ; que le 29 avril 2004, un arrêté de péril a enjoint les bailleurs de faire réaliser des travaux, de manière à faire cesser le péril au 17 juin 2004 ; que Mme Y... et M. Y... ont délivré à leur locataire une sommation, visant la clause résolutoire, de prendre toutes mesures pour exécuter les travaux lui incombant ; que suivant devis accepté par les bailleurs, la locataire a effectué les travaux ; que la société Eiffel Ségur se trouvant aux droits de la société Kerjean, a assigné Mme Y... et M. Y... en nullité de la sommation et en remboursement des travaux effectués ;
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé qu'aux termes du bail, le preneur devait « satisfaire à toutes les charges de ville et de police dont les locataires et les propriétaires sont ordinairement tenus, notamment en ce qui concerne le balayage, l'arrosage, le curage d'égout, l'enlèvement des neiges et le ramonage des cheminées, comme aussi de se conformer à toutes prescriptions de l'autorité pour cause d'hygiène et de salubrité et à faire leur affaire personnelle de tous travaux qui seraient prescrits à ce sujet » et retenu que cette clause ne visait pas les travaux de mise en sécurité ordonnés par l'administration, la cour d'appel en a exactement déduit, sans dénaturation des clauses du bail, ni inversion de la charge de la preuve, que ces travaux étaient à la charge des bailleurs ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Y..., les condamne à payer la somme de 3 000 euros à la société Eiffel Ségur ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nulle et de nul effet la sommation visant la clause résolutoire délivrée le 14 juin 2004 par les consorts Y... à la société Hôtel Eiffel Ségur, et condamné solidairement les consorts Y... à lui verser la somme de 16. 827, 72 euros TTC, majorée des honoraires d'architecte à hauteur de 1. 682, 77 euros TTC en remboursement des travaux dont elle avait supporté la charge, outre intérêts au taux légal à compter de la décision ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont retenu, sur le fondement de l'article 1719-2° du code civil, que le bailleur était tenu d'entretenir la chose louée en l'état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, en l'absence de stipulation expresse, les travaux prescrits par l'autorité administrative sont à la charge du bailleur ; que la clause du bail invoquée par M. et Mme Y... qui oblige le preneur « à satisfaire à toutes les charges de ville et de police dont les locataires et les propriétaires sont ordinairement tenus, notamment en ce qui concerne le balayage, l'arrosage, le curage d'égout, l'enlèvement des neiges et le ramonage des cheminées, comme aussi de se conformer à toutes prescriptions de l'autorité pour cause d'hygiène et de salubrité et à faire leur affaire personnelle de tous travaux qui seraient prescrits à ce sujet » ne vise pas les travaux de mise en sécurité ordonnés par l'administration ; qu'à supposer que la cause des désordres serait la vétusté, ce qui ne ressort pas précisément des pièces du dossier, les bailleurs ne produisent aucun élément qui permettrait de retenir que cet état de vétusté invoqué pour le haut du pignon de l'immeuble est imputable à un défaut d'entretien du preneur ; qu'en effet, la circonstance que les désordres ont été révélés, selon le rapport de la préfecture, dès octobre 2002, ne suffit pas à établir qu'ils résulteraient d'un défaut d'entretien ; que l'obligation de délivrance par le bailleur d'un local en état de servir à l'usage contractuellement prévu s'exerçant tout au long de l'exécution du contrat, en l'absence de clause expresse du bail mettant à la charge du preneur les travaux rendus nécessaires par la vétusté, de tels travaux incombent aux bailleurs ; qu'enfin, en application des dispositions des articles 1134 et 1156 du code civil, en présence de stipulations claires et précises comme le sont, en l'espèce, celles du bail relatives aux obligations respectives des parties, dénuées de toute ambiguïté, il n'appartient pas au juge de les écarter ou de les dénaturer ; qu'en conséquence, le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, « aux termes de l'article 1719-2° du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, d'entretenir la chose louée en l'état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ; qu'il en résulte que, sauf stipulation contraire expresse, les travaux prescrits par l'autorité administrative sont à la charge du bailleur ; qu'en l'espèce, il n'a pas été trouvé au bail de stipulations mettant à la charge du preneur les travaux prescrits par l'administration ; qu'il n'est pas contestable que les travaux dont s'agit ont été prescrits par l'administration et qu'il s'agissait de travaux de mise en sécurité du bâtiment ; que dès lors, la charge de ces travaux incombe au bailleur ; qu'il convient donc de déclarer nulle et de nul effet la sommation visant la clause résolutoire du bail délivrée le 14 juin 2004 et de condamner les consorts Y... à rembourser à la société Hôtel Eiffel Ségur le coût des travaux, de mise en conformité des locaux, soit la somme de 16. 827, 72 euros TTC, majorée des honoraires au taux légal courant sur cette somme à compter du présent jugement » ;
1°/ ALORS QUE les travaux prescrits par l'autorité administrative sont à la charge du bailleur, sauf stipulation expresse contraire concernant ces travaux ; que pour l'application de ce principe, « les travaux prescrits par l'autorité administrative » s'entendent uniquement des travaux de mise aux normes ayant pour objet de rendre les biens loués conformes à la règlementation applicable au regard de leur destination contractuelle ; qu'en l'espèce, l'arrêté de péril du 20 avril 2004 visait un rapport du 21 octobre 2002, aux termes duquel il était constaté que « le mur pignon de l'immeuble exploité à usage d'hôtel à l'enseigne Ségur au 31 Bld Garibaldi à Paris 15ème (¿) présente des désordres en partie haute, au niveau du 4ème étage, tels que crevasses et fissures verticales en angle », que « deux conduits de cheminée en terre cuite adossée à chaque extrémité du mur séparant le n° 32 et le n° 34 se dégradent en raison de l'absence d'enduit de protection et des infiltrations d'eau », et enfin « l'absence de couverture de protection en tête des conduits » ; qu'il visait également un rapport du 15 octobre 2003 constatant que les mesures préconisées en 2002 n'avaient pas été suivies d'effet, des mises en demeure des 7 février et 15 décembre 2003 « en vue de procéder à la réalisation des mesures de sécurité nécessaires pour remédier aux désordres précités », et un rapport du 8 avril 2004 constatant que les travaux n'étaient toujours pas réalisés et que des morceaux d'enduit s'étaient décollés en-dessous de la corniche de la toiture ; que les travaux de sécurité prescrits pas l'administration n'avaient donc pas pour objet la mise aux normes des biens loués à destination d'hôtel meublé afin de les rendre conformes à la règlementation applicable, mais de remédier à des désordres résultant d'un défaut d'entretien et de réparation de l'immeuble ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles 1134 et 1719 du code civil ;
2°/ ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en l'espèce, aux termes du bail du 1er avril 1988, il était expressément stipulé que le preneur s'engageait à « satisfaire à toutes les charges de ville et de police dont les locataires et les propriétaires sont ordinairement tenus (¿), comme aussi se conformer à toutes prescriptions de l'autorité pour cause d'hygiène et de salubrité et de faire leur affaire personnelle de tous travaux qui seraient prescrits à ce sujet » ; que l'arrêté de péril du 20 avril 2004 visait un rapport du 21 octobre 2002, aux termes duquel il était constaté que « le mur pignon de l'immeuble exploité à usage d'hôtel à l'enseigne Ségur au 31 Bld Garibaldi à Paris 15ème (¿) présente des désordres en partie haute, au niveau du 4ème étage, tels que crevasses et fissures verticales en angle », que « deux conduits de cheminée en terre cuite adossée à chaque extrémité du mur séparant le n° 32 et le n° 34 se dégradent en raison de l'absence d'enduit de protection et des infiltrations d'eau », et enfin « l'absence de couverture de protection en tête des conduits » ; qu'il visait également un rapport du 15 octobre 2003 constatant que les mesures préconisées en 2002 n'avaient pas été suivies d'effet, des mises en demeure des 7 février et 15 décembre 2003 « en vue de procéder à la réalisation des mesures de sécurité nécessaires pour remédier aux désordres précités », et un rapport du 8 avril 2004 constatant que les travaux n'étaient toujours pas réalisés et que des morceaux d'enduit s'étaient décollés en-dessous de la corniche de la toiture ; qu'il résultait de ces termes clairs et précis que la société Hôtel Eiffel Ségur s'était contractuellement engagée à prendre en charge les travaux prescrits par l'administration, notamment les travaux de sécurité et de salubrité destinés à remédier à des désordres résultant d'un défaut d'entretien et de réparation de l'immeuble ; qu'en décidant que cette clause ne visait pas les travaux de mise en sécurité ordonnés par l'administration, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ ALORS QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'aux termes du bail du 1er avril 1988, il était expressément stipulé que le preneur s'engageait à « faire faire à l'immeuble loué toutes les réparations de quelque nature qu'elles soient, y compris les grosses réparations stipulées à l'article 606 du code civil », et « d'entretenir les constructions actuelles et celles qui pourront être élevées par la suite en bon état de ces réparations » ; que l'arrêté de péril du 20 avril 2004 visait un rapport du 21 octobre 2002, aux termes duquel il était constaté que « le mur pignon de l'immeuble exploité à usage d'hôtel à l'enseigne Ségur au 31 Bld Garibaldi à Paris 15ème (¿) présente des désordres en partie haute, au niveau du 4ème étage, tels que crevasses et fissures verticales en angle », que « deux conduits de cheminée en terre cuite adossée à chaque extrémité du mur séparant le n° 32 et le n° 34 se dégradent en raison de l'absence d'enduit de protection et des infiltrations d'eau », et enfin « l'absence de couverture de protection en tête des conduits » ; qu'il visait également un rapport du 15 octobre 2003 constatant que les mesures préconisées en 2002 n'avaient pas été suivies d'effet, des mises en demeure des 7 février et 15 décembre 2003 « en vue de procéder à la réalisation des mesures de sécurité nécessaires pour remédier aux désordres précités », et un rapport du 8 avril 2004 constatant que les travaux n'étaient toujours pas réalisés et que des morceaux d'enduit s'étaient décollés en-dessous de la corniche de la toiture ; qu'en conséquence, la société Hôtel Eiffel Ségur était tenue, en vertu des stipulations contractuelles, des travaux de sécurité prescrits pas l'administration qui n'avaient pas pour objet de rendre les biens loués à destination d'hôtel meublé conformes à la règlementation applicable, mais de remédier à des désordres résultant d'un défaut d'entretien et de réparation de l'immeuble ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
4°/ ALORS QUE s'il n'a pas été fait d'état des lieux, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives, et doit les rendre tels, sauf preuve contraire ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que les bailleurs ne produisaient aucun élément qui permettait de retenir que l'état du haut du pignon du mur était imputable à un défaut d'entretien du preneur, quand il appartenait au contraire à la société Hôtel Eiffel Ségur, qui était présumée avoir reçu le bien loué en bon état de réparations, d'établir que les désordres constatés n'étaient pas dus à un manquement à son obligation d'entretien, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 et 1731 du code civil.