Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Alfred X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 19 février 2014, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à six mois d'emprisonnement avec sursis et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 6 mai 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chaubon, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CHAUBON, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général GAUTHIER ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1741 du code général des impôts, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de fraude fiscale ;
" aux motifs que M. X... ne conteste pas l'élément matériel de l'infraction, qui a consisté à ne pas mentionner sur ses déclarations de revenus des années 2007 et 2008 des dividendes qu'il admet cependant avoir perçus à hauteur respectivement de 509 966 euros et 599 960 euros ; qu'il conteste en revanche l'élément intentionnel, en rappelant qu'il appartient à l'administration fiscale et au ministère public de rapporter la preuve que cette omission présente un caractère volontaire, lequel ne saurait être déduit ni de la réitération deux années de suite « d'une omission », ni du montant des droits éludés ; que, de première part, il fait valoir, qu'il n'a « pas su trop comment faire pour s'acquitter de ces obligations fiscales » et qu'il s'est contenté de recopier, comme à l'accoutumée, les données envoyées par sa banque, parmi lesquelles ne figurait pas de somme au titre des dividendes ; mais qu'il lui incombe, comme à chaque contribuable, de remplir sa déclaration de revenus, sans pouvoir se réfugier derrière une prétendue « ignorance de la loi », au prétexte « qu'il aurait comme d'autres membres de sa famille », comme il le fait plaider devant la cour, « un tempérament artiste » ; qu'en effet sa déclaration de revenus était particulièrement simple, puisque seuls y figuraient jusque-là les salaires perçus par lui de la société Aldreuf et par sa femme, qui gère un golf, qui constitue une part de l'actif de la société Aldreuf ; que, quelle que soit la fortune de M. X..., le dossier révèle que les dividendes des années 2007 et 2008 représentaient pour chacune des années 77 % de ses revenus ; que, même si comme il le soutient, il avait pour habitude de remplir sa déclaration au vu des seuls documents envoyés par la banque Neuflize, où il avait d'ailleurs déposé son chèque de dividendes, il ne saurait davantage se réfugier derrière l'absence de renseignements envoyés par sa banque, alors qu'il appartient à chaque citoyen de remplir personnellement sa déclaration ; qu'ayant lui-même déposé le chèque représentant ses dividendes à cette banque, chèque qu'il avait signé, il n'avait pas à attendre que sa banque lui communique une quelconque information ; que par ailleurs sa déclaration, à supposer même que comme il le dit, il l'ait remplie sans conseil de son entourage familial, cependant très averti, prévoit expressément une rubrique intitulée « revenus des capitaux mobiliers imposables », laquelle ne pouvait manquer de l'interroger, d'autant qu'il venait, selon lui pour la première fois en 2007, de s'octroyer et de recevoir des dividendes ; qu'à supposer qu'il fut réellement dans l'incertitude au moment de souscrire sa déclaration de revenus, c'est à lui qu'il revenait de prendre l'initiative de se renseigner auprès de son conseiller de patrimoine à la banque Neuflize ; qu'il fait valoir de deuxième part que, président de la société Aldreuf, il a, sur indication du comptable de la société, adressé la déclaration récapitulative des opérations sur valeurs mobilières et revenus de capitaux mobiliers, qui a précisément fait apparaître que des dividendes lui avaient été distribués, ce qui exclurait toute intention de frauder ; mais que cette démarche, accomplie par les comptables de la société Aldreuf, n'est pas de nature à établir qu'il n'avait pas eu l'intention de dissimuler les dividendes par lui perçus à l'administration au titre de l'impôt sur le revenu, alors qu'au contraire, cette déclaration indique sans ambiguïté que ces sommes doivent figurer dans la déclaration au titre de l'impôt sur le revenu et à quelle rubrique ; que d'autre part, M. X..., président de la société Aldreuf et actionnaire très majoritaire, a lui-même décidé de la distribution de dividendes, signé les chèques émis par la société à ses deux actionnaires, dont lui, puis porté ce chèque au crédit de son unique compte bancaire tenu dans les livres d'une banque privée ; que ce faisant il était au coeur de l'ensemble de l'opération qui a abouti à ce qu'il reçoive des dividendes en 2008, puis en 2008 ; que par ailleurs, signataire du chèque tiré sur la société Aldreuf puis porté au crédit de son compte, il avait tout loisir de demander au comptable de cette société, comment traiter cette somme ; qu'il ajoute que tant l'impôt sur la fortune au titre de l'année 2009 que l'impôt sur le revenu 2010 ont donné lieu à d'importants dégrèvements, élément dont il est constant qu'ils sont sans lien avec la présente espèce, étant observé que pour sa déclaration au titre de l'impôt sur la fortune, M. X... a précisé être entouré de conseils ; que le fait qu'informé de sa dette, M. X... l'a sans délai réglée, s'analyse en un repentir actif, qui n'a pas pour effet de remettre en cause les éléments constitutifs de l'infraction à la date de sa commission ; qu'il peut en être tenu compte pour l'appréciation de la sanction ; que les éléments ci-dessus démontrent qu'en dissimulant les dividendes perçus par lui de la société Aldreuf en 2007 et 2008, dont il ne pouvait méconnaître l'existence, M. X... a manifesté une réelle volonté de frauder ;
" 1°) alors que l'existence de la déclaration régulière à l'administration fiscale par la société dont le prévenu est président et actionnaire majoritaire des dividendes qui lui ont été versés fait obstacle à ce que soit retenu à son encontre l'existence de l'élément matériel du délit de fraude fiscale au seul motif qu'il ne conteste pas avoir omis, par le fruit d'une erreur, de reporter sur sa déclaration personnelle de revenus les sommes correspondantes ;
" 2°) alors que la cour d'appel, qui constatait expressément que sur les déclarations récapitulatives des opérations sur valeurs mobilières et revenus de capitaux mobiliers qui avaient été régulièrement adressées à l'administration fiscale par la société Aldreuf dont M. X... est président ¿ et donc nécessairement sous sa responsabilité ¿ figuraient en clair tous les éléments qui permettaient à l'administration fiscale d'imposer au titre de l'impôt sur le revenu l'ensemble des dividendes versés au contribuable pour les années concernées par la prévention, ne pouvait, sans se contredire, déclarer établie à l'encontre de celui-ci l'existence de l'élément matériel du délit de fraude fiscale ;
" 3°) alors que dans la mesure où il résulte sans ambiguïté des énonciations de la proposition de rectification adressée à M. X... par l'administration fiscale le 28 novembre 2013, qui fait partie des éléments de la procédure soumise à la cour d'appel, que le siège de la société Aldreuf se situe à Paris, tout comme le domicile personnel de celui-ci, grâce à l'informatique dont sont équipés aujourd'hui les services fiscaux, l'administration fiscale se trouvait en mesure, au seul vu de la déclaration fiscale qui lui avait été régulièrement adressée par la société Aldreuf de rectifier les carences de la déclaration personnelle de revenus du contribuable et de fixer avec exactitude le revenu imposable personnel de celui-ci pour les années concernées par la prévention, excluant l'existence matérielle de toute dissimulation de sommes sujettes à l'impôt " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 1741 du code général des impôts, préliminaire, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de fraude fiscale ;
" aux motifs que M. X... ne conteste pas l'élément matériel de l'infraction, qui a consisté à ne pas mentionner sur ses déclarations de revenus des années 2007 et 2008 des dividendes qu'il admet cependant avoir perçus à hauteur respectivement de 509 966 euros et 599 960 euros ; qu'il conteste en revanche l'élément intentionnel, en rappelant qu'il appartient à l'administration fiscale et au ministère public de rapporter la preuve que cette omission présente un caractère volontaire, lequel ne saurait être déduit ni de la réitération deux années de suite « d'une omission », ni du montant des droits éludés ; que, de première part, il fait valoir, qu'il n'a « pas su trop comment faire pour s'acquitter de ces obligations fiscales » et qu'il s'est contenté de recopier, comme à l'accoutumée, les données envoyées par sa banque, parmi lesquelles ne figurait pas de somme au titre des dividendes ; mais qu'il lui incombe, comme à chaque contribuable, de remplir sa déclaration de revenus, sans pouvoir se réfugier derrière une prétendue « ignorance de la loi », au prétexte « qu'il aurait comme d'autres membres de sa famille », comme il le fait plaider devant la cour, « un tempérament artiste » ; qu'en effet sa déclaration de revenus était particulièrement simple, puisque seuls y figuraient jusque-là les salaires perçus par lui de la société Aldreuf et par sa femme, qui gère un golf, qui constitue une part de l'actif de la société Aldreuf ; que, quelle que soit la fortune de M. X..., le dossier révèle que les dividendes des années 2007 et 2008 représentaient pour chacune des années 77 % de ses revenus ; que, même si comme il le soutient, il avait pour habitude de remplir sa déclaration au vu des seuls documents envoyés par la banque Neuflize, où il avait d'ailleurs déposé son chèque de dividendes, il ne saurait davantage se réfugier derrière l'absence de renseignements envoyés par sa banque, alors qu'il appartient à chaque citoyen de remplir personnellement sa déclaration ; qu'ayant lui-même déposé le chèque représentant ses dividendes à cette banque, chèque qu'il avait signé, il n'avait pas à attendre que sa banque lui communique une quelconque information ; que par ailleurs sa déclaration, à supposer même que comme il le dit, il l'ait remplie sans conseil de son entourage familial, cependant très averti, prévoit expressément une rubrique intitulée « revenus des capitaux mobiliers imposables », laquelle ne pouvait manquer de l'interroger, d'autant qu'il venait, selon lui pour la première fois en 2007, de s'octroyer et de recevoir des dividendes ; qu'à supposer qu'il fut réellement dans l'incertitude au moment de souscrire sa déclaration de revenus, c'est à lui qu'il revenait de prendre l'initiative de se renseigner auprès de son conseiller de patrimoine à la banque Neuflize ; qu'il fait valoir de deuxième part que, président de la société Aldreuf, il a, sur indication du comptable de la société, adressé la déclaration récapitulative des opérations sur valeurs mobilières et revenus de capitaux mobiliers, qui a précisément fait apparaître que des dividendes lui avaient été distribués, ce qui exclurait toute intention de frauder ; mais que cette démarche, accomplie par les comptables de la société Aldreuf, n'est pas de nature à établir qu'il n'avait pas eu l'intention de dissimuler les dividendes par lui perçus à l'administration au titre de l'impôt sur le revenu, alors qu'au contraire, cette déclaration indique sans ambiguïté que ces sommes doivent figurer dans la déclaration au titre de l'impôt sur le revenu et à quelle rubrique ; que d'autre part, M. X..., président de la société Aldreuf et actionnaire très majoritaire, a lui-même décidé de la distribution de dividendes, signé les chèques émis par la société à ses deux actionnaires, dont lui, puis porté ce chèque au crédit de son unique compte bancaire tenu dans les livres d'une banque privée ; que ce faisant il était au coeur de l'ensemble de l'opération qui a abouti à ce qu'il reçoive des dividendes en 2008, puis en 2008 ; que par ailleurs, signataire du chèque tiré sur la société Aldreuf puis porté au crédit de son compte, il avait tout loisir de demander au comptable de cette société, comment traiter cette somme ; qu'il ajoute que tant l'impôt sur la fortune au titre de l'année 2009 que l'impôt sur le revenu 2010 ont donné lieu à d'importants dégrèvements, élément dont il est constant qu'ils sont sans lien avec la présente espèce, étant observé que pour sa déclaration au titre de l'impôt sur la fortune, M. X... a précisé être entouré de conseils ; que le fait qu'informé de sa dette, M. X... l'a sans délai réglée, s'analyse en un repentir actif, qui n'a pas pour effet de remettre en cause les éléments constitutifs de l'infraction à la date de sa commission ; qu'il peut en être tenu compte pour l'appréciation de la sanction ; que les éléments ci-dessus démontrent qu'en dissimulant les dividendes perçus par lui de la société Aldreuf en 2007 et 2008, dont il ne pouvait méconnaître l'existence, M. X... a manifesté une réelle volonté de frauder ;
" 1°) alors que l'élément matériel et l'élément intentionnel du délit de fraude fiscale constituent deux questions distinctes et qu'en déduisant, dès lors, expressément l'existence de l'élément intentionnel de l'infraction de la seule omission par le contribuable de remplir une rubrique de sa déclaration personnelle de revenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 2°) alors que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que compte tenu de sa situation particulière décrite par l'arrêt, la volonté de M. X... de frauder l'administration fiscale supposait in concreto pour être constituée qu'il ait existé une collusion entre les dirigeants de la société Aldreuf distributrice des dividendes et celui-ci pris en sa qualité de contribuable tenu de déclarer au titre de ses revenus personnels les dividendes qu'il avait perçus en vue de tromper l'administration fiscale et que la cour d'appel, qui constatait expressément dans sa décision que M. X..., pris en sa qualité de président et d'associé majoritaire de ladite société, avait pris soin de faire déclarer par les comptables de celle-ci à l'administration fiscale les dividendes qu'il avait perçus personnellement par des mentions dépourvues d'ambiguïté, circonstance excluant par elle-même toute collusion de nature à égarer l'administration fiscale sur la réalité de sa situation fiscale personnelle, ne pouvait, sans se contredire, affirmer que l'omission de reporter dans sa déclaration personnelle de revenus les dividendes qu'il avait perçus, procédait d'une réelle volonté de frauder ;
" 3°) alors que la cour d'appel, dont les constatations impliquaient l'absence de toute collusion entre la société Aldreuf et M. X... en vue de dissimuler les dividendes perçus par lui, ne pouvait, sans méconnaître le principe de la présomption d'innocence, déduire l'existence de l'élément intentionnel du délit de fraude fiscale poursuivi à l'encontre du prévenu de ce que « la démarche accomplie par les comptables de la société Aldreuf n'était pas de nature à établir qu'il n'avait pas eu l'intention de dissimuler les dividendes perçus par lui à l'administration au titre de l'impôt sur le revenu », motif impliquant un renversement de la charge de la preuve au bénéfice de l'administration fiscale, partie poursuivante ;
" 4°) alors que selon l'article 1741 du code général des impôts, la volonté de frauder l'administration fiscale ne saurait se déduire de simples fautes de négligence et qu'en déduisant l'existence de l'élément intentionnel du délit de ce qu'il pouvait être reproché à M. X... d'avoir négligé de prendre l'initiative de se renseigner auprès de son conseiller de patrimoine à la banque Neuflize et d'avoir négligé de demander au comptable de la société Aldreuf comment traiter les sommes perçues par lui au titre de dividendes, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
" 5°) alors que l'équilibre entre les droits de l'administration fiscale, partie poursuivante, et les droits du contribuable, élément essentiel tant du droit fiscal que de la procédure pénale, implique que les erreurs du contribuable en sa faveur et en sa défaveur doivent être traitées au regard de l'élément intentionnel de manière équivalente et que dès lors la cour d'appel, qui constatait expressément que bien que M. X... ait été entouré de conseils pour faire sa déclaration d'impôt sur la fortune au titre de 2009, ait commis dans cette déclaration des erreurs en sa défaveur entraînant d'importants dégrèvements (se montant selon les motifs des premiers juges à 201 520 euros), ne pouvait, sans méconnaître le principe susvisé, refuser, comme elle y était expressément invitée par les conclusions régulièrement déposées devant elle par M. X..., de tirer de l'existence de ces erreurs du contribuable à son détriment, les conséquences qui s'imposaient quant à la nécessaire existence de sa bonne foi relativement aux erreurs commises en sa faveur dans sa déclaration de revenus où, selon les propres constatations de la cour d'appel, il n'avait pas bénéficié de l'assistance d'un conseil " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que M. X..., président et associé majoritaire de la société Aldreuf, est poursuivi pour avoir omis de faire figurer dans sa déclaration personnelle de revenus les sommes qu'il a perçues au titre des dividendes pour les années 2007 et 2008 ; que le tribunal l'a relaxé au motif qu'il existait un doute sur l'existence de l'élément intentionnel ;
Attendu que, pour dire établi le délit de fraude fiscale, l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle, et qui n'a pas renversé la charge de la preuve, a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelle invoquées ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept juin deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.