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17/06/2015 | FRANCE | N°14-14372

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 juin 2015, 14-14372


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2014), rendu en matière de référé, que M. et Mme X... ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec la société Babeau Seguin ; qu'à la demande des maîtres d'ouvrage, un précédent arrêt a annulé le contrat et condamné la société Babeau Seguin à leur restituer les sommes qu'ils avaient versées ; que cette société a assigné M. et Mme X... pour obtenir l'organisation d'une expertise visant à déterminer la valeur de la maison c

onservée par les maîtres de l'ouvrage et le versement d'une provision ;
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 2014), rendu en matière de référé, que M. et Mme X... ont conclu un contrat de construction de maison individuelle avec la société Babeau Seguin ; qu'à la demande des maîtres d'ouvrage, un précédent arrêt a annulé le contrat et condamné la société Babeau Seguin à leur restituer les sommes qu'ils avaient versées ; que cette société a assigné M. et Mme X... pour obtenir l'organisation d'une expertise visant à déterminer la valeur de la maison conservée par les maîtres de l'ouvrage et le versement d'une provision ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de déclarer recevables les demandes de la société Babeau Seguin, alors, selon le moyen, qu'il incombe aux parties de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause et qu'elles ne peuvent invoquer dans une instance postérieure un fondement juridique qu'elles s'étaient abstenues de soulever en temps utile ; qu'en jugeant, après avoir constaté que la cour d'appel avait statué sur la demande de restitution des époux X... et condamné le constructeur à leur verser, à ce titre, la somme de 114 646, 50 euros, qu'ils ne pouvaient opposer à la société Babeau Seguin « le principe de concentration des moyens dès lors que la société adverse n'invoque pas un nouveau moyen à l'appui d'une demande mais une nouvelle demande qui n'a pas été présentée dans le cadre de l'instance en nullité du contrat ayant abouti à l'arrêt de la cour d'appel » du 13 juin 2012 ni « aucune autorité de chose jugée », bien qu'il eût appartenu au constructeur de présenter cette demande, relative à la nullité et aux restitutions, pour s'opposer à la demande de restitution formulée par les maîtres de l'ouvrage dans cette instance et fonder ses demandes indemnitaires, la cour d'appel a violé les articles 1351 du code civil et 480 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la cour d'appel n'avait statué que sur la demande de nullité du contrat de construction de maison individuelle et la demande de restitution des sommes versées au constructeur en exécution du contrat et ne s'était pas prononcée sur le remboursement éventuel des prestations fournies par la société Babeau Seguin et retenu que cette société, qui sollicitait le versement d'une provision à valoir sur le coût de ses prestations, n'invoquait pas un nouveau moyen à l'appui d'une demande, mais formait une nouvelle demande, la cour d'appel en a exactement déduit, sans violer le principe de l'autorité de la chose jugée, que les demandes de la société Babeau Seguin étaient recevables ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'ordonner une expertise pour évaluer le coût des matériaux, de la main d'oeuvre, et de la maîtrise d'oeuvre exposé par la société Babeau Seguin et de les condamner à lui verser une somme provisionnelle, alors, selon le moyen, que la nullité d'un contrat de construction de maison individuelle prononcée en raison de la violation de règles d'ordre public protectrices du maître de l'ouvrage lui ouvre le droit de solliciter la restitution des sommes versées en exécution de celui-ci sans indemnité pour le constructeur ; qu'en condamnant les époux X... à verser à la société Babeau Seguin une provision de 75 000 euros aux motifs que « le fait que (la) nullité ait été prononcée pour des violations de règles d'ordre public est sans effet sur le droit à paiement des sommes déboursées par le constructeur pour la réalisation de l'ouvrage », la cour d'appel a violé les articles L. 230-1 du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1304 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que M. et Mme X... avaient conservé l'ouvrage dont ils n'avaient pas sollicité la démolition, relevé que la demande de la société Babeau Seguin de remboursement des sommes exposées lors de la construction de l'immeuble était liée à la remise en état des parties dans la situation antérieure au contrat annulé et exactement retenu que le prononcé de la nullité pour violation des règles d'ordre public régissant le contrat de construction de maison individuelle était, en l'absence de démolition, sans effet sur le droit à restitution des sommes déboursées par le constructeur, la cour d'appel en a exactement déduit que les demandes de la société Babeau Seguin devaient être accueillies ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. et Mme X... à payer la somme de 3 000 euros à la société Babeau Seguin ; rejette la demande de M. et Mme X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille quinze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevables les demandes de la société Babeau Seguin, d'AVOIR ordonné une expertise afin d'évaluer le prix des matériaux, de la main d'oeuvre et de la maîtrise d'oeuvre exposé par la société Babeau Seguin pour la construction des époux X... et d'AVOIR condamné les époux X... à payer à la société Babeau Seguin la somme de 75. 000 euros à titre de provision ;
AUX MOTIFS QUE l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 13 juin 2012 n'a statué que sur la demande de nullité du contrat de construction de maison individuelle signé entre les parties ; que la nullité qui a été prononcée a pour conséquence l'anéantissement rétroactif du contrat et la remise en état des parties en l'état où elles se trouvaient avant la passation du contrat ; que la Cour a décidé de la restitution par le constructeur des sommes qui lui ont été versées au titre du contrat ; que les époux X... n'ont ni sollicité ni fait procéder à la démolition de l'ouvrage ; qu'ils l'ont conservé ; que dès lors, ils peuvent être tenus de payer la valeur des prestations réalisées par la société Babeau Seguin afin de remettre celle-ci dans la situation où elle se trouvait avant le contrat qui a fait l'objet de l'annulation ; que la Cour ne s'est pas prononcée sur le remboursement éventuel des prestations fournies par le constructeur ; qu'il ne peut être opposé à la société Babeau Seguin aucune autorité de chose jugée ; que la demande d'expertise se situe donc avant tout procès au fond sur cette question, la société Babeau Seguin entendant agir ultérieurement en paiement à l'encontre des époux X... ; que la société Babeau Seguin a un motif légitime de solliciter une expertise aux fins de déterminer le coût de prestations qu'elle a réalisées pour la construction de la maison des époux X... ; que les époux X... ne sauraient opposer le principe de concentration des moyens dès lors que la société adverse n'invoque pas un nouveau moyen à l'appui d'une demande mais une nouvelle demande qui n'a pas été présentée dans le cadre de l'instance en nullité du contrat ayant abouti à l'arrêt de la Cour d'appel précité (...) ;
ALORS QU'il incombe aux parties de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause et qu'elles ne peuvent invoquer dans une instance postérieure un fondement juridique qu'elles s'étaient abstenues de soulever en temps utile ; qu'en jugeant, après avoir constaté que la Cour d'appel avait statué sur la demande de restitution des époux X... et condamné le constructeur à leur verser, à ce titre, la somme de 114. 646, 50 €, qu'ils ne pouvaient opposer à la société Babeau Seguin « le principe de concentration des moyens dès lors que la société adverse n'invoque pas un nouveau moyen à l'appui d'une demande mais une nouvelle demande qui n'a pas été présentée dans le cadre de l'instance en nullité du contrat ayant abouti à l'arrêt de la Cour d'appel » du 13 juin 2012 ni « aucune autorité de chose jugée », bien qu'il eût appartenu au constructeur de présenter cette demande, relative à la nullité et aux restitutions, pour s'opposer à la demande de restitution formulée par les maîtres de l'ouvrage dans cette instance et fonder ses demandes indemnitaires, la Cour d'appel a violé les articles 1351 du Code civil et 480 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné une expertise afin d'évaluer le prix des matériaux, de la main d'oeuvre et de la maîtrise d'oeuvre exposés par la société Babeau Seguin pour la construction des époux X... et d'AVOIR condamné les époux X... à payer à la société Babeau Seguin la somme de 75. 000 euros à titre de provision ;
ALORS QUE la nullité qui a été prononcée a pour conséquence l'anéantissement rétroactif du contrat et la remise en état des parties en l'état où elles se trouvaient avant la passation du contrat ; que la Cour a décidé de la restitution par le constructeur des sommes qui lui ont été versées au titre du contrat ; que les époux X... n'ont ni sollicité ni fait procéder à la démolition de l'ouvrage ; qu'ils l'ont conservé ; que dès lors, ils peuvent être tenus de payer la valeur des prestations réalisées par la société Babeau Seguin afin de remettre celle-ci dans la situation où elle se trouvait avant le contrat qui a fait l'objet de l'annulation (...) ; que la société Babeau Seguin a un motif légitime de solliciter une expertise aux fins de déterminer le coût de prestations qu'elle a réalisées pour la construction de la maison des époux X... (...) ; qu'il convient de confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a désigné un expert afin d'examiner l'ouvrage et d'évaluer le prix des matériaux et de la main d'oeuvre exposés par la société Babeau Seguin pour la construction de la maison des époux X... ; qu'il y a lieu d'ajouter à la mission de l'expert le chiffrage du coût de maîtrise d'oeuvre, la juridiction ultérieurement saisie d'une demande en paiement de la somme due au constructeur appréciant alors l'étendue des prestations fournies par celui-ci et leur coût ; que la valeur de la maison est indifférente à la solution du litige ; qu'aux termes de l'article 809 du Code de procédure civile, le Président du Tribunal de grande instance, statuant en référé, peut dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier ; que la hauteur de la provision susceptible d'être ainsi allouée n'a d'autre limite que celui du montant de la dette alléguée ; qu'aux termes de l'article 1315 du Code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ; que le moyen des époux X... fondé sur l'existence d'une faute grave opposable à la société adverse dans le cadre d'une action de in rem verso (enrichissement sans cause) est inopérant ; qu'en effet, la demande de remboursement de sommes présentée par la société Babeau Seguin n'est pas sans cause mais liée à la nullité du contrat et à la nécessaire remise en état des parties dans la situation antérieure à la passation dudit contrat ; que le fait que cette nullité ait été prononcée pour des violations de règles d'ordre public est sans effet sur le droit à paiement des sommes déboursées par le constructeur pour la réalisation de l'ouvrage ; dès lors l'obligation à paiement d'une provision n'est pas sérieusement contestable ; que l'ordonnance doit être infirmée en ce qu'elle a rejeté cette demande de la société Babeau Seguin ; qu'il ressort des éléments versés aux débats par la société Babeau Seguin que la provision peut être en l'état arrêtée à la somme de 75. 000 euros ; qu'il convient de condamner les époux X... au règlement de cette somme à la société Babeau Seguin ;
ALORS QUE la nullité d'un contrat de construction de maison individuelle prononcée en raison de la violation de règles d'ordre public protectrices du maître de l'ouvrage lui ouvre le droit de solliciter la restitution des sommes versées en exécution de celui-ci sans indemnité pour le constructeur ; qu'en condamnant les époux X... à verser à la société Babeau Seguin une provision de 75. 000 € aux motifs que « le fait que (la) nullité ait été prononcée pour des violations de règles d'ordre public est sans effet sur le droit à paiement des sommes déboursées par le constructeur pour la réalisation de l'ouvrage », la Cour d'appel a violé les articles L. 230-1 du Code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1304 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 14-14372
Date de la décision : 17/06/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONSTRUCTION IMMOBILIERE - Maison individuelle - Contrat de construction - Construction avec fourniture de plan - Règles d'ordre public - Violation - Sanction - Nullité relative - Effet - Détermination

CONSTRUCTION IMMOBILIERE - Maison individuelle - Contrat de construction - Construction avec fourniture de plan - Règles d'ordre public - Violation - Sanction - Nullité relative - Effets - Absence de demande de démolition - Restitution des sommes exposées pour l'édification de l'immeuble par le constructeur - Absence d'influence

Le prononcé de la nullité pour violation des règles d'ordre public régissant le contrat de construction de maison individuelle est, en l'absence de demande de démolition, sans effet sur le droit à restitution des sommes exposées par le constructeur pour l'édification de l'immeuble conservé par le maître de l'ouvrage


Références :

article 1304 du code civil

article L. 230-1 du code de la construction et de l'habitation

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 janvier 2014

Sur les conséquences de la nullité du contrat de construction de maison individuelle pour violation des règles d'ordre public, à rapprocher :3e Civ., 26 juin 2013, pourvoi n° 12-18121, Bull. 2013, III, n° 83 (cassation partielle)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 jui. 2015, pourvoi n°14-14372, Bull. civ. 2015, n°833, 3e Civ., n°1246 2015 n° 6, III, n° 59
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015, n°833, 3e Civ., n°1246 2015 n° 6, III, n° 59

Composition du Tribunal
Président : M. Terrier
Avocat général : M. Sturlèse
Rapporteur ?: M. Jardel
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Coutard et Munier-Apaire

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.14372
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