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03/06/2015 | FRANCE | N°14-16424

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 03 juin 2015, 14-16424


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M X..., propriétaire d'un cheval dont M. Y... est l'entraîneur, s'est inscrit auprès de l'association France galop (l'association) au Grand Steeple Chase de Paris ; que l'animal n'a pas pu participer à la course, son jockey ayant été désarçonné dès le départ ; que soutenant que la faute d'un préposé de l'association était à l'origine de cet incident, MM. X... et Y... ont, le premier, sur un fondement contractuel, et, le second, sur un fondement délictuel, ass

igné cette dernière en réparation de leurs préjudices ; que celle-ci a so...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M X..., propriétaire d'un cheval dont M. Y... est l'entraîneur, s'est inscrit auprès de l'association France galop (l'association) au Grand Steeple Chase de Paris ; que l'animal n'a pas pu participer à la course, son jockey ayant été désarçonné dès le départ ; que soutenant que la faute d'un préposé de l'association était à l'origine de cet incident, MM. X... et Y... ont, le premier, sur un fondement contractuel, et, le second, sur un fondement délictuel, assigné cette dernière en réparation de leurs préjudices ; que celle-ci a soulevé l'incompétence des juridictions judiciaires au profit des juridictions administratives ;
Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :
Attendu que MM. X... et Y... font grief à l'arrêt de déclarer les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître du litige et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir alors, selon le moyen :
1°/ que l'entrée en vigueur des dispositions législatives dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ; que si l'article 69 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 prévoyait l'entrée en vigueur immédiate de la loi et son article 65 que les sociétés de courses de chevaux dont les statuts sociaux auront été approuvés par le ministre de l'agriculture participent à une mission de service public, le dernier alinéa de cet article précisait que « les obligations de service public incombant aux sociétés-mères et les modalités de leur intervention sont définies par décret », ce dont il résultait que la participation des sociétés de courses de chevaux, dont l'association France galop, à une mission de service public dépendait de l'entrée en vigueur du décret prévu pris le 2 novembre 2010 (n° 2010-1314) ; qu'en décidant dès lors que la loi du 12 mai 2010 était applicable à l'instance engagée, fondée sur des faits antérieurs au décret, et en déterminant la compétence pour connaître du litige relatif à l'organisation du départ de cette course sur le fondement de ces dispositions législatives, pourtant inapplicables car conditionnées à l'adoption d'un décret ultérieur, la cour d'appel a violé l'article 1er du code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
2°/ qu'en affirmant que «le respect des règles contenues dans le code des courses, la bonne organisation du départ des courses, mettent en cause des prérogatives de puissance publique reconnues à l'association France galop » pour en déduire l'incompétence de la juridiction judiciaire quand le code des courses applicable à la course litigieuse du 30 mai 2010 était antérieur au décret n° 2010-1314 du 2 novembre 2010 comportant un «cahier des charges relatif aux missions de service public dont sont chargés les sociétés-mères de courses de chevaux » et ne pouvait donc traduire l'exercice de prérogatives de puissance publique par l'association France galop, la cour d'appel a derechef violé l'article 1er du code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la course s'était déroulée le 30 mai 2010, soit après l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, la cour d'appel a énoncé à bon droit que cette loi ne dépendait pas, pour la mise en oeuvre immédiate de ses principes, de son décret d'application intervenu le 2 novembre 2010, de sorte qu'elle était applicable au litige ; qu'elle en a exactement déduit que l'association était investie d'une mission de service public et que le respect des règles contenues dans le code des courses et la bonne organisation du départ des courses mettaient en cause l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu la loi des 16-24 août 1790, ensemble l'article 2 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 ;
Attendu que, pour déclarer les juridictions judiciaires incompétentes pour connaître du litige, l'arrêt retient que l'examen des fautes éventuellement commises par les préposés de l'association n'est pas détachable des pouvoirs dont celle-ci dispose pour organiser la course ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que les dommages allégués résultaient d'une décision prise par l'association dans le cadre de sa mission de service public et manifestant l'exercice d'une prérogative de puissance publique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne l'association France galop aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour M. Y... et autre
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR infirmé l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Nanterre le 22 février 2013 et, statuant à nouveau sur l'exception d'incompétence soulevée par FRANCE GALOP, déclaré celle-ci recevable en sa demande, déclaré le tribunal de grande instance de Nanterre incompétent pour connaître de l'instance et renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que la loi du 12 mai 2010 investit officiellement les sociétés de course de chevaux d'une mission de service public en précisant "qu'elles participent, notamment au moyen de l'organisation des courses de chevaux, au service public d'amélioration de l'espèce équine et de promotion de l'élevage, à la formation dans le secteur des courses et de l'élevage chevalin ainsi qu'au développement rural" ; que cette affirmation d'une mission d'intérêt général des sociétés de course de chevaux justifie mieux les pouvoirs très importants dont disposaient déjà, particulièrement les sociétés mères (comme France Galop), pour organiser les courses : sanctions disciplinaires à l'égard des propriétaires, jockeys, entraîneurs, selon des règles pré-établies, précises, et contenues dans des codes des courses élaborés par ces sociétés ; pouvoirs juridictionnels ; délivrance et retrait d'autorisations de faire courir, d'entraîner, de monter¿ pouvoirs que la Cour de cassation qualifiait (cass. crim., 21 juillet 1955) de "pouvoir réglementaire" et de "pouvoir disciplinaire lesquels s'étendent à tous les hippodromes et à toutes les personnes affiliées ou non auxdites sociétés" ; que M. Y... et M. X... ont cependant invoqué la non-application de cette loi, dans la mesure où la course s'est déroulée antérieurement à son décret d'application ; que la course s'est déroulée le 30 mai 2010 soit après l'entrée en vigueur de la loi du 12 mai 2010, dont il n'est pas démontré qu'elle dépendait, pour la mise en oeuvre immédiate de ses principes, de son décret d'application intervenu le 2 novembre 2010 ; que ce décret, compte tenu de la jurisprudence antérieure, est sans incidence particulière sur le problème de la compétence des juridictions judiciaires telle que soumise au juge de la mise ne état puis à la cour d'appel ; que le fait est que la loi du 12 mai 2010, antérieure à la course litigieuse, est applicable à la présente instance engagée très postérieurement à son entrée en vigueur ; que le décret n'apporte en effet aucun élément supplémentaire par rapport à la loi, quant à la question de savoir si la faute éventuellement commise par un juge commissaire, préposé de FRANCE GALOP, dans l'organisation du départ de la course, entre dans la compétence du juge judiciaire ;mais au regard des termes très généraux dans lesquels la loi de 2010 définit la mission de service public des sociétés mère de courses de chevaux, il convient de dire que l'examen des fautes éventuellement commises par les préposés de FRANCE GALOP, n'est pas détachable des pouvoirs dont dispose l'association pour organiser la course ; que l'ensemble des charges pesant sur les sociétés de course au titre de l'organisation des courses, relève en effet de l'exécution du service public ; que le respect des règles contenues dans le code des courses, la bonne organisation du départ des courses, mettent en cause les prérogatives de puissance publique reconnues à FRANCE GALOP ; qu'il convient ainsi infirmant l'ordonnance du juge de la mise en état en date du 22 février 2013, d'accueillir l'exception d'incompétence soulevée par FRANCE GALOP et de renvoyer les parties à mieux se pourvoir ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'entrée en vigueur des dispositions législatives dont l'exécution nécessite des mesures d'application est reportée à la date d'entrée en vigueur de ces mesures ; que si l'article 69 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 prévoyait l'entrée en vigueur immédiate de la loi et son article 65 que les sociétés de courses de chevaux dont les statuts sociaux auront été approuvés par le ministre de l'agriculture participent à une mission de service public, le dernier alinéa de cet article précisait que « les obligations de service public incombant aux sociétés-mères et les modalités de leur intervention sont définies par décret », ce dont il résultait que la participation des sociétés de courses de chevaux, dont l'association FRANCE GALOP, à une mission de service public dépendait de l'entrée en vigueur du décret prévu pris le 2 novembre 2010 (n° 2010-1314) ; qu'en décidant dès lors que la loi du 12 mai 2010 était applicable à l'instance engagée, fondée sur des faits antérieurs au décret, et en déterminant la compétence pour connaître du litige relatif à l'organisation du départ de cette course sur le fondement de ces dispositions législatives, pourtant inapplicables car conditionnées à l'adoption d'un décret ultérieur, la Cour d'appel a violé l'article 1er du Code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en affirmant que « le respect des règles contenues dans le code des courses, la bonne organisation du départ des courses, mettent en cause des prérogatives de puissance publique reconnues à FRANCE GALOP » pour en déduire l'incompétence de la juridiction judiciaire quand le code des courses applicable à la course litigieuse du 30 mai 2010 était antérieur au décret n° 2010-1314 du 2 novembre 2010 comportant un « cahier des charges relatif aux missions de service public dont sont chargés les sociétés-mères de courses de chevaux » et ne pouvait donc traduire l'exercice de prérogatives de puissance publique par l'association FRANCE GALOP, la Cour d'appel a derechef violé l'article 1er du Code civil, ensemble la loi des 16-24 août 1790 ;

ALORS, ENFIN et en toute hypothèse, QUE même à supposer l'association FRANCE GALOP investie au jour de la course litigieuse du 30 mai 2010 d'une mission de service public, prive sa décision de base légale au regard de la loi des 16-24 août 1790, la Cour d'appel qui se borne à affirmer que la bonne organisation du départ des courses met en cause les prérogatives de puissance publique pour retenir la compétence de la juridiction administrative, sans préciser la nature des prérogatives ainsi mises en oeuvre à cette occasion.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-16424
Date de la décision : 03/06/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Exclusion - Cas - Litige relatif à un service public géré par un organisme de droit privé - Conditions - Exercice de prérogatives de puissance publique - Applications diverses - Action en responsabilité engagée par le propriétaire d'un cheval et son entraîneur contre une société de courses

Ne donne pas de base légale à sa décision une cour d'appel qui, pour décliner la compétence des juridictions judiciaires pour connaître de l'action en responsabilité engagée par le propriétaire d'un cheval et son entraîneur contre une société de courses, statue par des motifs impropres à caractériser que les dommages allégués résultent d'une décision prise par cette société dans le cadre de sa mission de service public et manifestant l'exercice d'une prérogative de puissance publique


Références :

Sur le numéro 1 : loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne
Sur le numéro 2 : loi des 16-24 août 1790

décret du 16 fructidor an III

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 13 mars 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 03 jui. 2015, pourvoi n°14-16424, Bull. civ. n° 2015 n° 6, I, n° 129
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles n° 2015 n° 6, I, n° 129

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Rapporteur ?: Mme Canas
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boutet-Hourdeaux

Origine de la décision
Date de l'import : 27/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.16424
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