LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 924-2, 1004 et 1005 du code civil ;
Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, l'indemnité de réduction doit être calculée d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet ; qu'il résulte des deux derniers qu'en présence d'héritiers réservataires, à défaut d'une demande de délivrance dans l'année du décès, le legs ne prend effet que du jour de la demande en justice ou de celui de la délivrance volontairement consentie ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Jean X... est décédé le 23 juillet 2007, laissant pour lui succéder ses enfants Bruno et Micheline, ainsi que, par représentation de sa fille prédécédée, son petit-fils William ; que, par un testament olographe daté du 12 juillet 2007, il avait institué Mme Y... légataire universelle ; que les héritiers ont assigné celle-ci aux fins, notamment, de réduction de ce legs ;
Attendu que, pour fixer à une certaine somme la valeur, à l'époque du décès, de l'immeuble situé à Avon, en vue de la détermination de l'indemnité de réduction due par Mme Y..., l'arrêt retient que la libéralité a pris effet au jour du décès du testateur, peu important que la légataire ait été tenue, en vertu de l'article 1004 du code civil, de demander la délivrance de son legs aux héritiers réservataires ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé à 420 000 euros la valeur du bien immobilier sis à Avon entrant dans la succession, l'arrêt rendu le 27 novembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme B..., MM. X... et C... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour les consorts Y...
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR fixé la valeur de la maison d'habitation sise à Avon... à la somme de 420. 000 euros ;
AUX MOTIFS QU'au soutien de son appel, Mme Y... prétend que la valeur du bien légué, fixée par le tribunal à 420. 000 euros sur la base d'une estimation de 2007, ne correspond plus à sa valeur actuelle, de l'ordre de 350. 000 à 360. 000 euros compte tenu de son état de dégradation, et sollicite que soit retenu le prix de l'offre de vente en cours, de 360. 000 euros ; qu'elle développe qu'en vertu de l'article 829 du code civil, le bien doit en effet être évalué au jour le plus proche du partage et qu'elle ne saurait se voir imputer sa dégradation dès lors qu'elle a été contrainte de solliciter son envoi en possession et n'était pas seule à détenir les clés ; que Mme B... et M. X... font valoir que du fait de leur silence, les légataires universels et particuliers ont opté pour une réduction en valeur et qu'en retenant l'évaluation du bien faite courant 2007, le tribunal a pris une décision conforme à la réalité factuelle et au droit applicable, Mme Y..., qui n'était pas tenue de solliciter un envoi en possession et a conservé les clés, étant pleinement en possession depuis 2007 du bien objet du legs universel, qui s'est dégradé sous sa seule responsabilité ; que Mme B... et M. X... poursuivant la réduction des libéralités excessives faites par M. X..., qui a légué l'universalité de ses biens à Mme Y... et ses meubles meublants et objets mobiliers à titre particulier aux parents de celle-ci, en présence de trois héritiers réservataires, leur action est régie non par l'article 829 du code civil applicable aux opérations de partage mais par les articles 918 et suivants du même code ; que Mme B... et M. X... sollicitent depuis à tout le moins leurs dernières conclusions récapitulatives de première instance du 13 mars 2012, valant mise en demeure, la réduction en valeur des legs telle que prévue par l'article 924 du code civil ; que les légataires n'ayant pas pris parti pour l'exécution en nature de la réduction, cette faculté doit être tenue pour éteinte en application de l'article 924-1 du même code, de sorte qu'il y a bien lieu à réduction en valeur ; que selon l'article 922 du code civil « la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur » ; que la masse de calcul ainsi prévue se compose des biens existants au jour du décès d'après leur valeur à l'ouverture de la succession ; qu'aux termes de l'article 924-2 du même code, « le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet » ; qu'en l'espèce la libéralité à cause de mort dont Mme Y... a été gratifiée a pris effet au jour du décès du testateur, peu important qu'elle ait été tenue en vertu de l'article 1004 du code civil de demander aux héritiers réservataires la délivrance de son legs ; que l'agence immobilière Arthur Loyd de Fontainebleau avait évalué en juillet 2007, époque du décès de Jean X..., la valeur de la maison léguée à Mme Y... dans une fourchette située entre et 420. 000 euros ; qu'il ressort de l'estimation faite le 17 octobre 2012 par cette même agence immobilière que la valeur de la maison ne se situait plus alors que dans une fourchette de 350. 000 à 360. 000 euros, estimation conforme à l'offre d'achat au prix de 360. 000 euros reçue début juillet 2013 par l'agence immobilière mandatée par Mme Y... pour vendre le bien ; que les parties s'accordant à imputer cette perte de valeur à la dégradation de la maison, inoccupée depuis six ans, force est de constater que Mme Y... ne rapporte pas la preuve, qui lui incombe, que ce bien aurait aujourd'hui une valeur inférieure à celle de 420. 000 euros retenue par le tribunal s'il était demeuré dans l'état qui était le sien au jour du décès de Jean X... ; que sa demande n'est donc pas fondée ;
ALORS QUE le montant de l'indemnité de réduction doit être calculé en fonction de la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet, ce jour devant être nécessairement fixé, lorsqu'un legs à titre universel a été consenti à une personne qui n'a pas la qualité d'héritier réservataire en présence d'héritiers ayant cette qualité, au regard de la date de la délivrance du legs ou de sa demande en justice avant laquelle le légataire ne peut prétendre à aucun droit sur les biens légués ; qu'en fixant néanmoins la valeur de l'immeuble ayant appartenu au testateur à la somme de 420. 000 ¿ après avoir énoncé que la valeur à prendre en compte était celle du bien à la date de son aliénation et en fonction de son état au jour du décès, peu important que la légataire à titre universel ait été tenue de demander aux héritiers réservataires la délivrance de son legs, la Cour d'appel a violé les articles 924-2, 1004 et 1005 du code civil.