LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 7 novembre 2013), que Mme X... et M. Y... se sont mariés le 21 septembre 1991, sans contrat préalable ; que, sur l'assignation en séparation de corps pour faute, délivrée par l'épouse le 4 mai 2012, le mari a, par conclusions du 30 août 2012, formé reconventionnellement une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en séparation de corps aux torts exclusifs du mari et de prononcer le divorce pour altération définitive du lien conjugal alors, selon le moyen, que l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation en divorce ; qu' est assimilable à l'assignation en divorce, l'assignation en séparation de corps qui, existant seulement pour répondre à des convictions morales et religieuses faisant obstacle à la dissolution du lien matrimonial, n'en constitue pas moins un mode légal de séparation des époux pouvant être sollicité dans les mêmes cas que le divorce et obéissant à une procédure identique ; que pour prononcer le divorce des époux, l'arrêt retient que pour apprécier si les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal sont remplies, il convient de se placer à la date de la demande reconventionnelle de l'époux en divorce formulée dans ses conclusions déposées le 30 août 2012 et non à la date de l'assignation en séparation de corps de l'épouse délivrée le 4 mai 2012 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 238 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt énonce exactement qu'aux termes de l'article 297-1, alinéa 1er, du code civil, lorsqu'une demande en divorce et une demande en séparation de corps sont concurremment présentées, le juge examine en premier lieu la demande en divorce et prononce celui-ci dès lors que les conditions en sont réunies et que, selon l'article 238, alinéa 1er, du même code, l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux lorsqu'ils vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation en divorce ; qu'après avoir relevé que l'épouse avait assigné son mari en séparation de corps pour faute, c'est à bon droit que, pour apprécier la durée de la cessation de communauté de vie, la cour d'appel s'est placée à la date de la demande reconventionnelle en divorce du mari ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. Y... une somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit mai deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande tendant à ce que soit prononcée la séparation de corps aux torts exclusifs de M. Y... et en ce qu'il a prononcé le divorce des époux pour altération définitive du lien conjugal ;
Aux motifs que « M. Y... a quitté le domicile conjugal le 14 août 2010 ; que c'est un fait constant et non contesté ; qu'il a déposé le 03/11/2010 une requête en divorce ; qu'une ordonnance de non conciliation est intervenue le 01/02/2011 ; que le 04/05/2012 Mme Y... a fait délivrer à son mari une assignation en séparation de corps pour faute ; que M. Y... a donc formé une demande reconventionnelle en divorce pour altération du lien conjugal ; qu'aux termes de l'article 297 du code civil l'époux contre lequel est présenté une demande en séparation de corps peut former une demande reconventionnelle en divorce ; que lorsqu'une demande en divorce et une demande en séparation de corps sont conjointement présentées le juge examine en premier lieu la demande en divorce ; qu'il convient donc d'examiner si les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal sont remplies ; qu'en application de l'article 238 du code civil l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation en divorce ; que nonobstant ces dispositions, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal dans le cas prévu au second alinéa de l'article 246, dès lors que la demande présentée sur ce fondement est formée à titre reconventionnel ; que Mme Y... relève que lors de l'assignation en séparation de corps les époux n'étaient pas séparés depuis deux ans, que la demande reconventionnelle en divorce de son époux est donc irrecevable ; que M. Y... soutient que sa demande est recevable car il l'a formée par conclusions du 30/08/2012 soit deux ans après son départ du domicile conjugal ; qu'il soutient qu'en application des dispositions de l'alinéa 2 de l'article 238 du code civil c'est à la date de la demande reconventionnelle qu'il convient de se situer pour apprécier la durée de la séparation ; que la cour relève que Mme Y... n'a pas assigné son époux en divorce mais en séparation de corps ; que dès lors pour apprécier si les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal sont remplies, c'est à la date de la demande en divorce qu'il convient de se placer ; qu'en l'espèce la demande en divorce a été formulée par les conclusions déposées par l'époux le 30/08/2012 ; qu'il est constant que l'époux a quitté le domicile conjugal le 14/08/2010 ; que les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal sont remplies et il convient en conséquence d'y faire droit ; que la demande en séparation de corps ne sera donc pas examinée » (arrêt attaqué, page 3) ;
Alors que l'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation en divorce ; qu' est assimilable à l'assignation en divorce, l'assignation en séparation de corps qui, existant seulement pour répondre à des convictions morales et religieuses faisant obstacle à la dissolution du lien matrimonial, n'en constitue pas moins un mode légal de séparation des époux pouvant être sollicité dans les mêmes cas que le divorce et obéissant à une procédure identique ; que pour prononcer le divorce des époux, l'arrêt retient que pour apprécier si les conditions du divorce pour altération définitive du lien conjugal sont remplies, il convient de se placer à la date de la demande reconventionnelle de l'époux en divorce formulée dans ses conclusions déposées le 30 août 2012 et non à la date de l'assignation en séparation de corps de l'épouse délivrée le 4 mai 2012 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 238 du code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Y... à payer à Mme X... une prestation compensatoire d'un montant de 65 000 € ;
Aux motifs que « Mme Y... n'a pas fait en première instance de demande de prestation compensatoire sa réclamation ne portant que sur la séparation de corps ; que le premier juge n'a pas rouvert les débats conformément à l'article 1076-1 du code civil sic pour inviter Mme Y... à conclure sur ce point ; que l'article 270 du code civil prévoit que "l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation compensatoire destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives" ; que l'article 271 du même code, ajoute que "la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible" ; qu'à cet effet il est énuméré de manière non exhaustive les éléments à prendre en considération dans la détermination des besoins et des ressources, il convient de retenir les points suivants : 1°) durée du mariage : 22 ans ; 2°) aucun enfant issu de cette union ; 3°) patrimoine de communauté : ce patrimoine est relativement important ; qu'il est composé : 1°) d'une maison à Preignan acquise au prix de 245 000 € en 2009. Elle est estimée par l'époux à 270 000 €. Il reste dû au titre du prêt 99 000 € ; 2°) de trois appartements évalués à 273 500 € pour lesquels il reste dû à titre de prêt environ 53 000 € ; que l'actif net communautaire à partager se monte à 383 500 ¿ sachant que Mme Y... demande un droit à récompense à hauteur de 74 % sur l'un des appartements qu'elle a contribué à financer à l'aide de capitaux propres ; que les époux perçoivent trois loyers d'un montant de 1 500 € et remboursent 1 000 € d'emprunt ; que s'agissant de la situation de l'épouse, Mme Y... est âgée de 56 ans ; qu'elle est vendeuse dans un commerce de vêtements ; qu'elle a un salaire mensuel net de 1 211 € ; qu'elle indique que son employeur vient de lui annoncer une baisse de ses horaires de 35 à 28 H en sorte qu'elle ne percevra plus que 928 € par mois ; que la cour relève que ce fait arrive très opportunément à la veille de la clôture du dossier ; qu'elle perçoit également un complément de revenus égal à celui de son époux (500 €) du fait du caractère bénéficiaire de leurs revenus fonciers ; qu'elle prétend avoir dû sacrifier sa carrière professionnelle pour suivre son mari lors de ses mutations tous les deux ou trois ans qu'ainsi sa pension de retraite sera très faible : 438,22 € par mois ; que son époux ajoute qu'elle percevra en outre une retraite complémentaire ce que Mme Y... conteste ; que la cour relève qu'il résulte de son bulletin de salaire qu'elle cotise à une caisse de retraite complémentaire "T1 Mornay" ; qu'elle indique également qu'elle a dû arrêter de travailler deux ans pour soigner une longue maladie ; qu'elle ne fait état d'aucun patrimoine propre ; que M. Y... indique sans être démenti qu'elle possède au moins 40 000 € de placements ; que sommée de communiquer le relevé de ses divers comptes, elle n'en a jamais justifié alors que son époux justifie qu'elle détenait en avril 2011 au Crédit Agricole un PEA, un livret de développement durable et un compte épargne logement ; qu'il indique qu'elle a également un compte à la Caisse d'épargne qu'elle n'a pas communiqué et est titulaire d'une assurance-vie à la Banque Populaire ; qu'enfin elle acquitte actuellement le prêt de la maison de communauté qu'elle habite ; qu'il est enfin relevé que les droits de Mme Y... dans la communauté seront plus élevés que ceux de son mari car elle a financé à hauteur de 110 000 € l'un des biens de communauté dont elle demande l'attribution ; que s'agissant de la situation de l'époux, M. Y... âgé de 49 ans est salarié à la Banque Populaire ; qu'il a un revenu net mensuel de 3 824 € (bulletin de salaire de décembre 2012) ; que ce montant inclus des primes dont M. Y... indique qu'elles sont irrégulières et n'ont jamais été aussi importantes qu'en 2012 ; qu'il acquitte un impôt sur le revenu mensuel de 216 € ainsi qu'un loyer de 612 € ; qu'il partage ses charges avec sa compagne dont on ignore si elle travaille ; qu'il justifie posséder des avoirs à la Banque Populaire d'un montant de 20 000 € ; que Mme Y... indique qu'il dispose d'un véhicule de fonction ce que conteste M. Y... qu'il s'agit d'un véhicule de service qui ne lui est pas exclusif et dont l'utilisation est limitée aux heures de travail ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner d'expertise patrimoniale la cour étant suffisamment informée de la situation de l'époux alors que l'épouse demanderesse à l'expertise n'a communiqué à la cour, bien que sommée de le faire aucun des éléments patrimoniaux qui lui étaient réclamés ; que l'expertise n'est pas destinée à pallier la carence des parties dans l'administration de la preuve qui leur incombe ; que par ailleurs l'époux a fourni des évaluations des biens immobiliers ; qu'il ressort de cette analyse l'existence d'une disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives, justifiant la fixation d'une prestation compensatoire au profit de Mme Y... ; qu'elle sera déboutée de sa demande de versement d'une rente ni son âge, ni son état de santé ne lui interdisant de subvenir à ses besoins ; qu'il est certes justifié qu'en 2010 elle a été soignée pour un cancer, mais aucun élément médical versé à ce jour ne justifie que cette maladie soit à nouveau réactivée ; qu'elle travaille et dispose en outre d'un patrimoine immobilier lui permettant de faire face à ses besoins ; que la prestation compensatoire sera donc versée sous la forme d'un capital d'un montant de 65 000 € » (arrêt attaqué, pages 4 à 6) ;
Alors, premièrement, que la prestation compensatoire, destinée à compenser la disparité dans les conditions de vie respectives des époux après la disparition du lien conjugal, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; qu'à cet effet, le juge prend notamment en considération la situation respective des époux en matière de pensions de retraite ; que pour fixer le montant de la prestation compensatoire due à Mme X..., l'arrêt se borne à retenir que si l'épouse prétend qu'elle ne percevra qu'une faible retraite, d'un montant mensuel de 438,22 €, parce qu'elle a dû sacrifier sa carrière pour suivre son mari lors de ses fréquentes mutations, il résulte de son bulletin de salaire qu'elle cotise à une caisse de retraite complémentaire ; qu'en se déterminant ainsi, sans envisager, comme elle y était pourtant invitée, la situation de M. Y... en matière de pensions de retraite, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 270 et 271 du code civil ;
Alors, deuxièmement, que la prestation compensatoire, destinée à compenser la disparité dans les conditions de vie respectives des époux après la disparition du lien conjugal, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que pour fixer le montant de la prestation compensatoire due à Mme X..., l'arrêt retient notamment, au titre de ses ressources, qu'elle perçoit un complément de revenu égal à celui de son époux du fait du caractère bénéficiaire de leur revenus fonciers ; qu'en prenant ainsi en considération les revenus locatifs procurés par des immeubles dépendant de la communauté, bien que, pendant la durée du régime, ces revenus entrent en communauté et qu'après sa dissolution, ils accroissent à l'indivision, la cour d'appel a violé les articles 270 et 271 du code civil ;
Alors, troisièmement, que la liquidation du régime matrimonial des époux étant égalitaire, il n'y a pas lieu, en l'absence de circonstances particulières, de tenir compte, pour apprécier la disparité créée par la rupture du lien conjugal, de la part de communauté devant revenir à chacun des époux ; que pour fixer le montant de la prestation compensatoire due à Mme X..., l'arrêt retient, après avoir relevé que les époux s'étaient mariés sans contrat préalable, que les droits de Mme Y... dans la communauté seront plus élevés que ceux de son mari car elle a financé à hauteur de 110 000 € l'un des biens de communauté dont elle demande l'attribution ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui a pris en compte la part de communauté devant revenir à l'épouse pour apprécier la disparité dans les conditions de vie respectives, a violé les articles 270 et 271 du code civil ;
Alors, quatrièmement, que la prestation compensatoire, destinée à compenser la disparité dans les conditions de vie respectives des époux après la disparition du lien conjugal, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que pour fixer le montant de la prestation compensatoire due à Mme X..., l'arrêt retient que si l'épouse ne fait état d'aucun patrimoine propre, M. Y... allègue, d'abord, sans être démenti qu'elle possède 40 000 € de placements, justifie, ensuite, qu'elle détenait en avril 2011 un PEA, un livret de développement durable et un compte épargne logement et indique, enfin, qu'elle a en outre un compte et est titulaire d'une assurance-vie à la Banque populaire ; qu'en se déterminant ainsi, sans préciser qu'il était prouvé que les capitaux énumérés étaient propres à l'épouse et ne pouvaient donc pas être réputés acquêt de communauté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 270, 271 et 1402 du code civil ;
Alors, cinquièmement, que la prestation compensatoire, destinée à compenser la disparité dans les conditions de vie respectives des époux après la disparition du lien conjugal, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que pour fixer le montant de la prestation compensatoire due à Mme X..., l'arrêt retient notamment que l'épouse acquitte actuellement le prêt de la maison de communauté qu'elle habite ; qu'en statuant ainsi, quand l'attribution à l'épouse de la jouissance du domicile conjugal par l'ordonnance de non conciliation et le paiement par l'intéressée des échéances de l'emprunt corrélatif n'avaient qu'un caractère provisoire, la cour d'appel s'est fondée sur des circonstances antérieures au prononcé du divorce pour apprécier la disparité dans les conditions de vie respectives, en violation des articles 270 et 271 du code civil ;
Alors, sixièmement, que dans ses conclusions d'appel, Mme X... soutenait, non seulement avoir dû lutter contre un cancer récidivant, mais aussi souffrir désormais d'ostéoporose, une maladie de plus en plus handicapante l'exposant à un risque de fracture élevé et bouleversant son quotidien ; qu'en omettant de répondre à ce moyen pertinent, de nature à influer sur l'appréciation de la disparité créée par la rupture du mariage dans les conditions de vie respectives des époux, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile.