LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 551 et 555 du code civil ;
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Limoges, 8 juillet 2013), rendu en dernier ressort, que les consorts X... sont propriétaires d'une parcelle entourée de terrains appartenant au groupement forestier Les Trois Etangs (le groupement forestier) ; qu'après un bornage amiable établi entre les parties le 31 août 2010, il est apparu que des arbres avaient été plantés par les auteurs du groupement forestier sur le fonds des consorts X... ; que ces derniers ont assigné le groupement forestier en réparation du préjudice causé par l'abattage de quatre arbres et le passage d'engins d'exploitation dégradant leur terrain ; que le groupement forestier a demandé reconventionnellement, sur le fondement de l'article 555 du code civil, le paiement d'une indemnité correspondant à la valeur des plantations subsistant sur la parcelle des consorts X... ;
Attendu que pour accueillir ces demandes et ordonner la compensation, le jugement retient que les arbres plantés par les auteurs du groupement forestier au cours des années 1968-1969 ont été incorporés dès leur plantation à la parcelle acquise le 25 septembre 1976 par les consorts X... et qu'ultérieurement, la propriété forestière avoisinante a été cédée le 28 décembre 2006 au groupement forestier et ce, avec tous les droits et actions qui y sont attachés, et notamment la qualité de « tiers » prévue à l'article 555 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le droit à indemnisation du tiers évincé n'est pas attaché à la propriété d'un fonds mais à la personne qui a accompli l'acte de planter, le tribunal a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné les consorts X... à payer au groupement forestier Les Trois Etangs la somme de 691,40 euros, le jugement rendu entre les parties le 8 juillet 2013 par le tribunal d'instance de Limoges ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
REJETTE la demande reconventionnelle du groupement forestier Les Trois Etangs ;
Condamne le groupement forestier Les Trois Etangs à payer aux consorts X... la somme de 1 638,60 euros ;
Dit n'y avoir lieu de modifier la charge des dépens de première instance ;
Condamne le groupement forestier Les Trois Etangs aux dépens du présent arrêt ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne le groupement forestier Les Trois Etangs à payer aux consorts X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat aux Conseils pour MM. François et Jean-Louis X...
Il est fait grief au jugement attaqué d'avoir fixé la dette des consorts X... à l'égard du Groupement Forestier Les Trois Etangs à la somme de 2.330 €, et, ordonnant la compensation légale entre cette somme et la condamnation précédemment prononcée au détriment du groupement forestier et au bénéfice des consorts X..., d'avoir condamné les consorts X... à payer au Groupement Forestier Les Trois Etangs la somme de 691,40 € ;
AUX MOTIFS QU'il est constant que la plantation d'arbres (résineux), qui fut réalisé par les auteurs du Groupement Forestier Les Trois Etangs a été datée par l'expert M. Y... aux années 1968-1969. Ainsi, les arbres litigieux ont effectivement été incorporés, dès leur plantation, à la parcelle enclavée cadastrée section A n° 5, acquise le 25 septembre 1976 par les consorts X.... Ultérieurement, la propriété forestière avoisinante, composé de 15 parcelles, a été cédée le 28 décembre 2006 par ses auteurs au Groupement Forestier Les Trois Etangs, et ce, avec tous les droits et actions qui sont attachés, et notamment la qualité de « tiers » prévue à l'article 555 du code civil. S'agissant de la prescription trentenaire de l'article 2272 du code civil opposée par les consorts X..., elle ne s'applique exclusivement qu'en matière d'acquisition de la propriété immobilière. Par conséquent, cette prescription ne peut être opposée à l'action en revendication indemnitaire d'un tiers, en l'occurrence le Groupement Forestier Les Trois Etangs, qui ne vise à obtenir, non pas un droit sur la propriété voisine, mais uniquement le remboursement de la valeur supplémentaire apportée à la propriété X... par les plantations (arbres) incorporées à ce fonds. En effet, seules les dispositions de l'article 2204 du code civil stipulant : « les actions personnelles mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » sont applicables à la demande indemnitaire formulée par le Groupement Forestier Les Trois Etangs. En outre, il est établi que ledit groupement forestier n'a pu avoir connaissance de l'exacte limite séparative des fonds et, par voie de conséquence, de l'existence de son droit à indemnisation fondé sur les dispositions de l'article 555 du code civil, qu'en date du 31 août 2010 à l'occasion des opérations de bornage amiable organisées en présence des parties par Mme Vincent, géomètre expert. Dans ces conditions, le groupement forestier défendeur sera donc déclaré recevable et bien fondé dans sa demande reconventionnelle en indemnisation, et les consorts X... condamnée à lui payer la somme de 2330 € correspondant au remboursement de la plus-value apportée à leur fonds par la plantation des arbres litigieux (valeur marchande des bois), selon les conclusions chiffrées (en page 9) de M. Y..., expert de justice, dont le détail est le suivant : 10,2 m³ de Douglas (exploité en 2010) = 580,00 €, 30 m³ de Douglas restants x 50 € = 1500,00 €, 8 m³ de Grandis restants x 25 € = 250,00 €, Total = 2330,00 € » (jugement, p. 6 § 5 à p. 7 § 4) ;
1) ALORS QUE l'action tendant à l'indemnisation du tiers par le propriétaire du fonds, du coût des matériaux et du prix de la main d'oeuvre des plantations faites sur son fonds et qu'il entend conserver, est une action personnelle et mobilière et partant intransmissible aux acquéreurs de la parcelle ayant appartenu à ce tiers ; qu'en décidant que le Groupement Forestier Les Trois Etangs était titulaire de cette action pour avoir acquis la propriété des parcelles antérieurement exploitées par le GF du Puy Haut, tiers auteur des plantations litigieuses, le tribunal a violé par fausse application les articles 551 et 555 du code civil ;
2) ALORS QUE, subsidiairement, l'action tendant à l'indemnisation, par le propriétaire du fonds bénéficiant de l'accession, du coût des matériaux et du prix de la main d'oeuvre des plantations faites sur son fond et qu'il entend conserver, est une action personnelle et mobilière, se prescrivant par trente ans à compter de la plantation ; qu'en décidant que l'action du Groupement Forestier Les Trois Etangs n'était pas prescrite motif pris de ce que le bornage des parcelles n'avait eu lieu qu'en août 2010, cependant que l'action du tiers tendant à l'indemnisation de plantations effectués sur un terrain dont il n'était pas propriétaire, était prescrite au moins depuis 1999, le tribunal a violé l'article 2272 du code civil, en sa version applicable aux faits, par défaut d'application, ensemble l'article 2224 du code civil par fausse application ;
3) ALORS QUE, subsidiairement encore, si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages ; que le Groupement Forestier Les Trois Etangs avait demandé à être indemnisé à hauteur de la plus-value apportée au fonds suivant l'estimation de l'expert ; qu'en faisant droit à cette demande, sans rechercher quel avait été le choix des consorts X..., qui avaient pourtant soutenu qu'ils ne sauraient être condamnés à rembourser plus que « le coût de quelques plants et de leur mise en terre » (conclusions, p. 7, § 5), le Tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article 555 du code civil.