LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 12 décembre 2013), que Mmes Danielle et Annie X... et M. Y..., propriétaires de parcelles cadastrées section D n° 1175 et 1174 grevées d'une servitude de passage, mentionnée dans l'acte de donation-partage du 26 décembre 1959, au profit de la parcelle cadastrée section D n° 1193, devenue D n° 3142, ont assigné son propriétaire, M. Régis Z..., en extinction de la servitude du fait de l'acquisition par celui-ci d'un fonds contigu ayant accès à la voie publique ; M. Alexandre Z..., ayant acquis le fonds dominant, et M. A..., le fonds servant, sont intervenus à l'instance ;
Attendu que les consorts Z... font grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ qu'une servitude de passage instituée à titre perpétuel est une servitude conventionnelle excluant que le propriétaire du fonds servant puisse invoquer son extinction sur le fondement de l'article 685-1 du code civil ; qu'en décidant le contraire, pour affirmer que la servitude aurait eu comme cause déterminante l'état d'enclave et décider que la servitude était éteinte, quand son caractère perpétuel manifestait la volonté des parties d'en assurer le maintien en toutes circonstances, même en cas de cessation de l'état d'enclave, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 685-1 du code civil ;
2°/ qu'en affirmant que la servitude perpétuelle instituée à l'acte de donation partage du 26 décembre 1959 au profit de la parcelle cadastrée n° 1193 devenue 3142 aurait eu comme cause déterminante l'état d'enclave, quand cet acte ne faisait pas référence à l'enclavement du fonds, ne mentionnait pas l'assiette de la servitude ni ses modalités d'exercice et ne visait qu'à accorder au fonds dominant une commodité en le faisant bénéficier d'un droit de passage sur un chemin qui existait antérieurement à la division du fonds, la cour d'appel a dénaturé cet acte et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ qu'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la mention que la servitude de passage avait été instituée à perpétuité n'excluait pas l'application de l'article 685-1 du code civil, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de ce texte ;
Mais attendu qu'ayant relevé, recherchant la commune intention des parties, que la clause de servitude insérée à l'acte du 26 décembre 1959 avait pour objet d'en fixer l'assiette et les modalités, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, a, par une interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, des termes ambigus de l'acte de donation-partage, retenu que l'état d'enclave était la cause déterminante de la servitude et en exactement déduit que l'article 685-1 du code civil était applicable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des consorts Z..., les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mmes Danielle et Annie X... et MM. Y... et A... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour les consorts Z...
MOYEN DE CASSATION ;
II est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué D'AVOIR dit que la cause déterminante de la servitude de passage bénéficiant à la parcelle cadastrée section D n° 3142, lieudit..., sur la commune de Gonfaron et grevant les parcelles cadastrées section D n° 1174 et 1175 situées lieudit... sur la même commune, instituée par l'acte de donation partage reçu le 26 décembre 1959 par Me Georges-Raoul C... et reprise à l'acte de vente reçu le 29 août 2008 par Me Richard D..., notaire à Pignans, était la situation d'enclave de la parcelle cadastrée D n° 3142 et D'AVOIR dit que cette situation d'enclave avait cessé et constaté en conséquence l'extinction de la servitude de passage bénéficiant à la parcelle susvisée ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur l'extinction de la servitude de passage, aux termes de l'article 685-1 du code civil, en cas de cessation de l'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682 ;
Que les dispositions de l'article 685-1 sont applicables aux servitudes conventionnelles si l'état d'enclave a été la cause déterminante de la clause qui a fixé l'assiette et les modalités d'exercice du passage mais n'a pas eu pour effet d'en modifier le fondement légal ;
Que, par ailleurs, le fonds dominant n'est plus enclavé à la suite de l'acquisition par le propriétaire du fonds enclavé d'un fonds contigu ayant accès à la voie publique ;
Que, dans le cas présent suivant acte reçu le 26 décembre 1959 par Me C..., notaire à Pignans (Var), il a été procédé au partage des biens composant la succession de Jules X... et de son épouse Jeanne B..., il a été attribué :
- à Jean X..., le premier lot comprenant la terre située à Gonfaron, cadastrée section D n° l 193 ;
- à Albert X..., le second lot comprenant les parcelles cadastrées commune de GONFARON section D n° 1174 et 1175 ;
Qu'il est mentionné à l'acte : «// est précisé ici que la terre n° 1193 du cadastre lieu-dit... bénéficie à perpétuité d'un droit de passage pour charrettes sur le chemin existant dans la partie attribuée à M. Albert X... n° 1174 et 1175 du cadastre lieu-dit..., ledit chemin conduit au cabanon du lot de M. Albert X... et dessert la partie attribuée à M. Jean X..., parcelle n° 1193 du cadastre » ;
Que les consorts X... viennent aux droits d'Albert X... et M. Z... aux droits de Jean X... ;
Que le titre de M. Z... contient rappel de la servitude de passage instituée par l'acte de partage du 26 décembre 1959 ;
Qu'il résulte des extraits de plans cadastraux qu'à la suite de la division de la propriété
X...
opérée par l'acte de partage du 26 décembre 1959, la parcelle 1193 a été privée de toute issue sur la voie publique et s'est trouvée enclavée ;
Que la clause insérée à l'acte avait pour objet de fixer l'assiette et les modalités de la servitude rendue nécessaire par cet état d'enclave, ainsi qu'il résulte des énonciations de l'acte qui précise que le droit de passage a pour objet de desservir la parcelle 1193 ;
Qu'en conséquence, l'état d'enclave étant la cause déterminante de la servitude instituée par l'acte de partage, les dispositions de l'article 685-1 du code civil sont applicables ;
Qu'il n'est pas contesté que M. Z... a acquis les parcelles D 3329, 3143, 1194 et 3002 qui sont contiguës à la parcelle 1193 et que cette unité foncière dispose d'un accès direct à la voie publique ;
Que l'état d'enclave ayant ainsi cessé, c'est ajuste titre que le premier juge a constaté l'extinction de la servitude de passage instituée par l'acte du 26 décembre 1959 et a ordonné la publication du jugement ;
Que, sur les conséquences de la vente du 19 janvier 2013, aux termes de l'article 684 du code civil, si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes ;
Que, suivant acte reçu le 19 janvier 2013 par Me D..., notaire à Pignans, M. Régis Z... a vendu la parcelle D 3142 (anciennement D 1193) à son frère, M. Alexandre Z... ;
Que la division de l'unité foncière ayant appartenu à M. Régis Z... se trouve à l'origine de l'état d'enclave actuel de la parcelle D 3142, de sorte que les dispositions de l'article 684 du code civil ont vocation à s'appliquer et que la vente du 19 janvier 2013 ne saurait faire revivre la servitude prévue à l'acte de partage du 26 décembre 1959 qui se trouve éteinte ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 685-1 du code civil dispose que :
« En cas de cessation de l'état d'enclave et quelle que soit la manière dont l'assiette et le mode de la servitude ont été déterminés, le propriétaire du fonds servant peut, à tout moment, invoquer l'extinction de la servitude si la desserte du fonds dominant est assurée dans les conditions de l'article 682.
A défaut d'accord amiable, cette disparation est constatée par une décision de justice » ;
Que ces dispositions ne sont pas applicables aux servitudes conventionnelles ;
Qu'en revanche, l'article 685-1 est applicable si l'état d'enclave a été la cause déterminante de la clause qui a fixé l'assiette et les modalités d'exercice du passage, mais n'a pas eu pour effet d'en modifier le fondement légal ;
Qu'ainsi, les juges du fond ne peuvent refuser de faire application de ce texte au motif qu'il ne concerne pas les servitudes conventionnelles, sans rechercher si la servitude litigieuse, visée dans un acte authentique, n'était pas fondée sur l'état d'enclave du fonds dominant et si cet acte ne s'était pas borné à fixer l'assiette et l'aménagement de cette servitude ;
Qu'enfin, l'article 685-1 est applicable en cas d'enclave résultant de la division d'un fonds par acte de partage, l'enclave constituant le titre légal de la servitude de desserte du fonds et la convention afférente au titre n'ayant eu pour fin que la fixation de l'assiette et l'aménagement du passage ;
Qu'en l'espèce, la servitude de passage dont Mme Danielle X..., Mlle Annie X... et M. Julien Y... demandent au tribunal de constater l'extinction a été instituée par acte de donation partage en date du 26 décembre 1959 reçu par Me Georges-Raoul C..., notaire à PIGNANS ;
Que cet acte avait pour objet notamment le partage de la parcelle cadastrée section D n° 1174, 1175 et 1193 ;
Que les parcelles n° D 1174 et 1175 ont été attribuées à M. Albert X... et la parcelle n° 1193 à M. Jean X... ;
Que l'acte de donation partage a alors prévu une servitude de passage au bénéfice de la parcelle cadastrée section D n° 1193 ;
Qu'il ressort des extraits cadastraux versés aux débats que les parcelles cadastrées section D n° 1174 et 1175 bénéficient d'un accès à un chemin public ;
Qu'ainsi, avant le partage, les parcelles cadastrées section D n° 1174, 1175 et 1193, qui ne formaient qu'une seule parcelle et appartenaient à un seul propriétaire, bénéficiaient d'un accès à la voie publique ;
Qu'en revanche, après l'acte de partage, la parcelle n° 1193 attribuée à M. Jean X... ne disposait plus d'aucun accès à la voie publique dès lors qu'elle confrontait les parcelles D n° 1174, 1175, 1205 appartenant à un tiers et les parcelles n° 3329, 3143, 1194 et 3002 qui, si elles bénéficient d'un accès à la voie publique, appartenaient à des propriétaires différents ;
Que la parcelle n° 1193 était ainsi enclavée et la clause insérée à l'acte de donation partage avait pour objet de procéder au désenclavement de cette parcelle en instituant un passage sur les fonds résultant de la division des parcelles, afin de permettre un accès à la voie publique ;
Que la clause de servitude a été reprise intégralement dans l'acte de vente du 29 août 2008 au profit de M. Régis Z... ;
Qu'il n'est pas contesté que M. Régis Z... est devenu propriétaire des parcelles cadastrées D n° 3329, 3143, 1194 et 3002 confrontant la parcelle cadastrée D n° 3142, parcelles qui bénéficient d'un accès à la voie publique ;
Que M. Z... ne peut valablement arguer de ce que les parties avaient parfaitement connaissance de cet accès lors de la régularisation de l'acte de vente dès lors que, d'une part, il n'est pas établi qu'à cette date il était déjà propriétaire de l'ensemble des parcelles précitées et que, d'autre part, l'extinction de la servitude visée à l'article 685-1 du code civil ne peut être que constatée par une décision de justice en l'absence d'accord amiable des parties ;
Que la situation d'enclave de la parcelle cadastrée D n° 3142 ayant été la cause déterminante de la servitude de passage instituée par acte du 26 décembre 1959 et reprise dans l'acte de vente du 29 août 2008 et cette situation d'enclave ayant disparu, la parcelle cadastrée section D n° 3142 bénéficiant désormais d'un accès à la voie publique en passant sur les parcelles voisines cadastrées section D n° 3329, 3143, 1194 et 3002 appartenant également à M. Régis Z..., il convient de constater l'extinction de la servitude de passage bénéficiant à la parcelle cadastrée D n° 3142 et grevant les parcelles cadastrées D n° 1174 et 1175 instituée par l'acte de donation partage en date du 26 décembre 1959 et mentionnée à l'acte de vente en date du 29 août 2008 ;
1°/ ALORS QU'une servitude de passage instituée à titre perpétuel est une servitude conventionnelle excluant que le propriétaire du fonds servant puisse invoquer son extinction sur le fondement de l'article 685-1 du code civil ; qu'en décidant le contraire, pour affirmer que la servitude aurait eu comme cause déterminante l'état d'enclave et décider que la servitude était éteinte, quand son caractère perpétuel manifestait la volonté des parties d'en assurer le maintien en toutes circonstances, même en cas de cessation de l'état d'enclave, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 685-1 du code civil ;
2°/ ALORS OU'en affirmant que la servitude perpétuelle instituée à l'acte de donation partage du 26 décembre 1959 au profit de la parcelle cadastrée n° 1193 devenue 3142 aurait eu comme cause déterminante l'état d'enclave, quand cet acte ne faisait pas référence à l'enclavement du fonds, ne mentionnait pas l'assiette de la servitude ni ses modalités d'exercice et ne visait qu'à accorder au fonds dominant une commodité en le faisant bénéficier d'un droit de passage sur un chemin qui existait antérieurement à la division du fonds, la cour d'appel a dénaturé cet acte et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ ALORS QU'en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, si la mention que la servitude de passage avait été instituée à perpétuité n'excluait pas l'application de l'article 685-1 du code civil, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de ce texte.