LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé à l'encontre du ministre chargé de la sécurité sociale ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles R. 315-2 et D. 315-3 du code de la sécurité sociale ;
Attendu, selon le premier de ces textes, qu'à l'issue de l'analyse de l'activité d'un professionnel de santé à laquelle peut procéder le service du contrôle médical en application du IV de l'article L. 315-1, la caisse notifie au professionnel concerné les griefs retenus à son encontre par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, l'intéressé pouvant demander à être entendu par le service de contrôle médical dans le délai d'un mois qui suit la notification des griefs ; qu'en application du second, la caisse est réputée avoir renoncé à poursuivre le professionnel de santé contrôlé si elle ne l'informe pas des suites qu'elle envisage de donner aux griefs initialement notifiés dans un délai de trois mois à compter de l'expiration des délais prévus au second alinéa de l'article D. 315-2 ou, à défaut, du délai d'un mois mentionné à l'article R. 315-1-2 ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, que M. X..., chirurgien-dentiste d'exercice libéral, a été l'objet, en 2011, d'un contrôle de son activité par le service du contrôle médical du régime général ; que ce contrôle ayant révélé des anomalies dans la tarification de certains des soins dispensés, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne (la caisse) lui a notifié un indu, le 29 février 2012 ; que l'intéressé a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour accueillir ce dernier et dire la caisse irrecevable à poursuivre le recouvrement de l'indu litigieux, le jugement retient, après avoir rappelé les dispositions de l'article D. 315-3 du code de la sécurité sociale, que celles-ci sont destinées à garantir le respect des droits de la défense et le principe de sécurité juridique dans le cadre de la procédure d'analyse de l'activité et qu'elles impliquent, pour être effectives, que la notification de suites contentieuses adressée au professionnel de santé lui permette, dans le délai de trois mois prévu par le règlement, d'être clairement informé de la nature et de la cause des griefs finalement retenus contre lui ; qu'il relève qu'un entretien a eu lieu le 25 juillet 2011 à propos de plus de sept cents anomalies constatées dans l'activité de M. X... ; que le compte-rendu de cet entretien a été adressé par la caisse le 1er août 2011 et retourné par M. X... le 12 août 2011, date à laquelle le délai de trois mois prévu par l'article D. 315- 3 a commencé à courir ; que par courrier du 30 août 2011, la caisse a informé M. X... qu'elle entendait donner des suites contentieuses aux anomalies retenues à l'issue de l'entretien, sans en préciser clairement la nature et la cause ; qu'un tel courrier, impropre à garantir les droits de la défense, ne saurait être considéré comme suffisant à satisfaire la règle prévue par l'article susvisé ; que ce n'est que par la notification du 29 février 2012 relative à un indu ne portant, en définitive, que sur soixante-cinq anomalies pour un montant total de 1 218,76 euros, que M. X... a été effectivement informé de la nature et de la cause des griefs retenus contre lui par la caisse et mis en mesure de préparer sa défense ; que cette notification étant intervenue plus de trois mois après l'expiration des délais prévus à l'article D. 315- 2, il s'ensuit que la caisse est réputée avoir renoncé à poursuivre le professionnel de santé contrôlé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les griefs n'ont à être notifiés au professionnel de santé qu'à l'issue de l'analyse de son activité, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Evry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... et le condamne à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Essonne
Le jugement attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a annulé la décision de la commission de recours amiable du 9 novembre 2012 et déclaré la CPAM irrecevable à poursuivre le recouvrement notifié le 29 février 2012 à l'égard de Monsieur Philippe X... ;
AUX MOTIFS QUE « conformément aux dispositions de l'article L 315-1, IV, in fine, du code de la sécurité sociale, « la procédure d'analyse de l'activité des professionnels de santé se déroule dans le respect des droits de la défense selon des conditions définies par décret » ; qu'en application de ce texte, le décret n°2007-146 du 1er février 2007 a inséré dans le même code un article D 315-3 aux termes duquel « à l'expiration des délais prévus au second alinéa de l'article D 315-2 ou, à défaut, à l'expiration du délai d'un mois mentionné à l'article R 315-1-2, la caisse informe dans un délai de trois mois le professionnel de santé des suites qu'elle envisage de donner aux griefs initialement notifiés. À défaut, la caisse est réputée avoir renoncé à poursuivre le professionnel de santé contrôlé » ; que ces dernières dispositions, destinées à garantir le respect des droits de la défense et le principe de sécurité juridique dans le cadre de la procédure d'analyse de l'activité, impliquent, pour être effectives, que la notification des suites contentieuses adressée au professionnel de santé lui permette, dans le délai de trois mois prévu par le règlement, d'être clairement informé de la nature et de la cause des griefs initialement retenus contre lui ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats et non-contestées, qu'en application des dispositions de l'article R 315-1-2 du code de la sécurité sociale, un entretien s'est déroulé, en présence de deux parties, le 25 juillet 2011, à propos de plus de sept cent anomalies relevées dans l'activité de monsieur Philippe X..., professionnel de santé ; que le compte-rendu de cet entretien a été adressé par la CPAM le 1er août 2011 et retourné par monsieur Philippe X... le 12 août 2011, date à laquelle le délai de trois mois prévu par l'article D 315-3 du même code a commencé à s'écouler ; que par courrier en date du 30 août 2011, la CPAM a informé monsieur Philippe X... qu'elle entendait donner des suites contentieuses aux « anomalies retenues à l'issue de l'entretien du 25 juillet 2011 », sans en préciser clairement la nature et la cause ; qu'un tel courrier, impropre à garantir les droits de la défense, ne saurait être considéré comme suffisant à satisfaire la règle prévue par l'article D 315-3 du code de la sécurité sociale ; que par courrier en date du 29 février 2012, la CPAM a adressé à monsieur Philippe X... une notification d'indus fondée finalement sur soixante-cinq anomalies pour un montant de 1 218,76 euros ; que ce n'est qu'avec ce dernier courrier que monsieur Philippe X... a été effectivement informé de la nature et de la cause des griefs retenus contre lui par la CPAM et mis en mesure de préparer sa défense ; que cette notification étant intervenue plus de trois mois après l'expiration des délais prévus au second alinéa de l'article D 315-2 du code de la sécurité sociale, il convient d'en déduire que la CPAM était alors réputée avoir renoncé à poursuivre le professionnel de santé contrôlé, conformément aux dispositions de l'article D 315-3, in fine, du code de la sécurité sociale et au principe de sécurité juridique ; qu'en conséquence, la CPAM sera déclarée irrecevable à poursuivre le recouvrement des indus notifiés le 29 février 2012 à monsieur Philippe X... et déboutée de sa demande reconventionnelle en payement ; que corrélativement, la décision de la commission de recours amiable de la CPAM, rendue lors de sa séance du 9 novembre 2012, sera annulée ; » (jugement, pp. 3-4) ;
ALORS QUE, premièrement, le lettre du 30 août 2011 était ainsi libellée : « Le service du contrôle médical a procédé à l'étude d'une partie de votre activité dans le cadre de l'article L.315-1-IV et en application des articles R.315-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Dans ce cadre, par lettre du 14 juin 2011, je vous ai notifié les griefs constatés. Au terme d'une procédure contradictoire, considérant les anomalies retenues à l'issue de l'entretien du 25 juillet 2011 et conformément à l'article D.315-3 du code de la sécurité sociale, je vous informe que l'assurance maladie entend donner des suites contentieuses aux griefs notifiés » ; qu'en considérant que la lettre du 30 août 2011 n'était pas précise, quant aux griefs formulés à l'encontre du docteur X..., en se bornant à considérer le contenu même de la lettre, quand celle-ci renvoyait aux griefs précédemment notifiés, les juges du fond ont dénaturé la lettre du 30 août 2011 ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, dès lors que la lettre du 30 août 2011 renvoyait aux griefs précédemment notifiés, les juges du fond se devaient, avant de prendre parti, d'évoquer les échanges antérieurs et notamment la notification des griefs telle que prévue à l'article R 315-1-2 du code de la sécurité sociale ; que faute de se prononcer sur ce point, les juges du fond ont entaché leur décision de base légale au regard de l'article R 315-1-2 du code de la sécurité sociale ;
ALORS QUE, troisièmement, et plus subsidiairement, lorsque la CPAM se doit d'indiquer au professionnel la suite qu'elle entend donner aux griefs, cette formalité concerne, selon la lettre même du texte, les griefs initialement notifiés en application de l'article R 315-1-2 ; qu'en estimant, pour juger la procédure régulière, qu'il convenait de se déterminer au seul vu de la lettre ayant pour objet de fixer le montant de la créance de la CPAM, quand il leur était nécessaire d'évoquer la notification initiale des griefs puisque c'est le sort de ces griefs qui est arrêté par la lettre de la CPAM, les juges du fond ont violé les articles R 315-1-2 et D 315-3 du code de la sécurité sociale.