LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Gilles X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PAU, chambre correctionnelle, en date du 21 novembre 2013, qui, pour fraude fiscale et omission d'écritures en comptabilité, l'a condamné à huit mois d'emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d'amende, et a prononcé sur les demandes de l'administration fiscale, partie civile ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 25 février 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 13 du livre des procédures fiscales, 1741, 1743 du code général des impôts, 593 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité de la procédure fondée sur l'absence de débat oral et contradictoire pendant la vérification de comptabilité ;
"aux motifs que M. X... a régulièrement soulevé in limine litis devant le tribunal correctionnel une exception de nullité de la procédure tirée du caractère non contradictoire de celle-ci en ce que le contrôle a été effectué par l'agent vérificateur dans son bureau en n'utilisant pas des pièces comptables qui étaient en sa possession dans des conditions non déterminées ou à sa disposition ; que M. X... a adressé à l'administration fiscale une lettre du 8 mars 2009 dans laquelle il sollicitait expressément que les opérations de contrôle se déroulent dans les locaux de cette dernière ; que lors de la première réunion tenue le 14 avril 2009 dans lesdits locaux, M. X... a remis un certain nombre de pièces comptables figurant dans une liste contresignée par ses soins valant accusé de réception ; que dans un courrier du 4 mai 2009, M. X... apportait des précisions au sujet du contenu des pièces qu'il avait communiquées au vérificateur et que dans un courrier du 14 mai 2009 il a confirmé la remise de ces documents aux services fiscaux ; qu'enfin, à la suite de sa demande de restitution de l'ensemble des documents comptables, il a signé, ainsi que le vérificateur, le 20 mai 2009, un accusé de restitution desdits documents ; qu'il résulte de ces éléments que le contribuable a effectivement participé au contrôle, en adressant de nombreux courriers à l'administration fiscale et en formulant des observations auxquelles il a été répondu ; qu'en conséquence, les griefs invoqués au soutien de l'exception de nullité opposée manquent en fait et elle sera rejetée¿ que la comptabilité de l'exercice 2007 a été considérée comme irrégulière et non probante dès lors, en premier lieu, que les documents comptables produits au commencement des opérations de contrôle le 14 avril 2009 et restitués à la demande du contribuable le 20 mai 2009 n'ont pu être consultés par la suite à défaut de nouvelle présentation de ces documents par l'intéressé, en dépit des demandes qui lui ont été faites par l'administration fiscale et que cette situation de carence a été constatée dans un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité dressé le 2 juin 2009 ;
"1°) alors que l'observation d'un débat oral et contradictoire au cours d'une vérification de comptabilité constitue une garantie essentielle des droits de la défense dont il appartient à la juridiction pénale d'assurer le respect ; que, quel que soit l'endroit où se déroule la vérification de comptabilité, le contribuable ne doit pas être privé de la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire sur ses documents comptables ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que M. X... a adressé, le 8 mars 2009, à l'administration fiscale, une lettre dans laquelle il sollicitait expressément que les opérations de contrôle se déroulent dans les locaux de cette dernière ; que lors de la première réunion, tenue le 14 avril 2009, dans les locaux de l'administration, M. X... a remis au vérificateur un certain nombre de documents comptables ; que, par la suite, M. X... a adressé au vérificateur deux courriers, les 4 et 14 mai 2009 relatifs auxdits documents ; qu'il s'ensuit que M. X... a été privé du débat oral avec l'administration sur ses documents comptables auquel il avait droit, les échanges se faisant exclusivement par voie épistolaire ; qu'en rejetant néanmoins l'exception de nullité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et méconnu les textes susvisés ;
"2°) alors que sauf à priver le contribuable du débat oral et contradictoire auquel il a droit, l'administration ne peut exiger que celui-ci lui remette ses documents comptables à son bureau afin de les vérifier ; qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué qu'après avoir restitué les documents comptables à M. X... le 21 mai 2009, comme celui-ci le lui avait demandé, le vérificateur a exigé qu'il les lui rapporte et faute de l'avoir fait a dressé un procès-verbal de carence de comptabilité entraînant l'imposition d'office de M. X... ; qu'en rejetant néanmoins l'exception de nullité, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés" ;
Attendu que, pour écarter l'exception de nullité de la procédure tirée du caractère non contradictoire des opérations de vérification fiscale, l'arrêt attaqué énonce notamment que le vérificateur a rencontré M. X..., qui lui a remis un certain nombre de pièces comptables, puis a échangé des courriers avec ce contribuable ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que la vérification fiscale a été effectuée contradictoirement, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, nouveau et comme tel irrecevable en sa seconde branche, ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, L. 227 du livre des procédures fiscales, 1741, 1743 du code général des impôts, 388 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de s'être frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des années 2006, 2007 et 2008 et d'avoir omis de passer ou de faire passer, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007, des écritures au livre journal ou au livre d'inventaire, en répression, l'a condamné à une peine de huit mois d'emprisonnement avec sursis et au paiement d'une amende de 5 000 euros, puis statué sur les intérêts civils ;
"aux motifs que la comptabilité de l'exercice 2007 a été considérée comme irrégulière et non probante dès lors, en premier lieu, que les documents comptables produits au commencement des opérations de contrôle le 14 avril 2009 et restitués à la demande du contribuable le 20 mai 2009 n'ont pu être consultés par la suite à défaut de nouvelle présentation de ces documents par l'intéressé, en dépit des demandes qui lui ont été faites par l'administration fiscale et que cette situation de carence a été constatée dans un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité dressé le 2 juin 2009 ; qu'en deuxième lieu, la comptabilité a été tenue selon les règles commerciales sans qu'aucune option n'ait été formulée en ce sens ; qu'en troisième lieu, M. X... s'est abstenu de comptabiliser la majeure partie des recettes encaissées dans le cadre de son activité libérale de conseil et formation en commerce international ; que M. X..., résident français domicilié à Biarritz, n'a justifié d'aucune activité effective en Espagne où l'existence de clients et de comptes bancaires n'a pas été établie alors que le local d'exploitation situé à 850 km du domicile du contribuable s'est révélé être une simple boîte aux lettres, l'intéressé ne justifiant d'aucun déplacement en Espagne ni d'aucun approvisionnement de ce local ; que le prévenu a déclaré de faibles revenus en Espagne mais également des charges très élevées rendant sa situation systématiquement déficitaire à l'étranger ; qu'en revanche, l'administration fiscale a établi, dans le cadre du droit de communication, l'exercice réel d'une activité en France, pays dans lequel l'intéressé détient ses comptes bancaires, auprès de clients français ; que le simple fait de déclarer en Espagne une activité inexistante mais engendrant des charges, qui ont, pour l'essentiel, une origine française, démontre l'intention frauduleuse de créer une situation déficitaire échappant à l'impôt en Espagne mais également en France ; qu'en conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a déclaré M. X... coupable des faits qui lui sont reprochés ; que le tribunal a fait une juste appréciation de la gravité des faits et de la personnalité du prévenu pour prononcer les peines d'emprisonnement avec sursis et d'amende qu'il a retenues et que la cour confirmera ;
"1°) alors que le juge ne peut légalement statuer que sur les faits dont il est saisi, sauf accord exprès de la personne poursuivie d'être jugée sur d'autres faits ; que M. X... a été poursuivi pour s'être courant 2007 et 2008 frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement total de l'impôt sur le revenu dû au titre des années 2006, 2007 et 2008 ; que les revenus donnant lieu à l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2008, ne sont déclarés et l'impôt sur le revenu correspondant n'est payé qu'en 2009, année non visée par la prévention ; qu'en déclarant M. X... coupable de s'être frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre de 2008, la cour d'appel a en conséquence excédé les limites de sa saisine et méconnu les textes susvisés ;
"2°) alors que M. X... a fait valoir que l'administration fiscale avait reconstitué ses recettes professionnelles en tenant compte du prix d'une vente privée d'un bien immobilier situé à Urcuit et de sommes remboursées par le Crédit lyonnais à la suite d'un contentieux également privé ; qu'il a soumis à l'administration les justificatifs correspondants ; qu'en déclarant néanmoins M. X... coupable de s'être frauduleusement soustrait à l'établissement et au paiement de l'impôt sur le revenu en minorant ses déclarations sans répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision en méconnaissance des textes susvisés" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt et du jugement qu'il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et sans excéder sa saisine, répondu aux chefs péremptoires des conclusions régulièrement déposées devant elle et caractérisé, en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits de fraude fiscale au titre des années 2006 à 2008 et d'omission d'écritures en comptabilité au titre de l'exercice 2007 dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
D'où il suit que le moyen, qui revient à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le six mai deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.