LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° Q 14-15. 410 et X 14-17. 510 qui attaquent le même arrêt ;
Sur le moyen unique identique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 novembre 2013), que M. X..., huissier de justice, a dénoncé aux sociétés Libre service Chon Sen et Importation approvisionnement et courtage Thien Ah Koon plusieurs saisies conservatoires, puis a obtenu la signature d'actes d'acquiescement pour leur compte, ce qui a permis la mise à disposition des fonds saisis dans la limite des provisions existantes ; que celles-ci ont assigné les sociétés saisissantes ainsi que M. X... en annulation des actes d'acquiescement et des saisies conservatoires, restitution des fonds perçus et indemnisation ;
Attendu que les sociétés Libre service Chon Sen et Importation approvisionnement et courtage Thien Ah Koon font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en condamnation de l'huissier de justice, in solidum avec les sociétés saisissantes, à la restitution des sommes irrégulièrement appréhendées, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en sa qualité d'officier ministériel, l'huissier de justice engage sa responsabilité personnelle lorsque, fut-ce à la requête de son mandant, il procède à des recouvrements irréguliers auprès d'un tiers qui est dès lors en droit de lui demander la restitution ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'huissier avait fautivement obtenu l'acquiescement des personnes saisies sans s'assurer du pouvoir des salariés ayant signé les actes litigieux ; qu'en déboutant les personnes saisies de leur demande en restitution dirigée contre l'huissier au motif inopérant que les sommes dont s'agit n'avaient pas été perçues par lui, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'engage sa responsabilité personnelle et est en conséquence tenu à restitution des sommes remises à son mandant l'huissier de justice qui, au cours d'une saisie conservatoire dont les effets sont limités à l'indisponibilité des fonds, fait fautivement signer des actes d'acquiescement aux employés des personnes saisies, non habilitées à donner leur accord, et qui, par sa faute, est à l'origine de l'appréhension des fonds ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que, dans le cadre de saisies conservatoires, l'huissier avait fait signer à des employés non habilités des actes valant acquiescement des personnes saisies, sans s'assurer, fautivement, du pouvoir desdits employés ; qu'en écartant les demandes de restitution des fonds appréhendés, dirigées contre l ¿ huissier, au motif inopérant qu'il ne les avait pas perçus, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
3°/ que si, en principe, la restitution ne constitue pas, en elle-même, un préjudice indemnisable, il en va différemment en cas d'insolvabilité du débiteur ; qu'il s'ensuit que l'huissier de justice en faute pour avoir pratiqué une saisie irrégulière doit garantir la restitution des fonds si le créancier saisissant, débiteur de l'obligation de restitution, s'avère insolvable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que les sociétés MT2 Propreté, MT2 Fruits et légumes et Taimer étaient en liquidation judiciaire ; qu'en jugeant cependant que M. X..., huissier de justice, ne pouvait être condamné à verser les sommes appréhendées par sa faute, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences s'en évinçant et a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que l'arrêt énonce exactement que, quelle que soit la faute commise par l'officier ministériel, celui-ci ne peut être tenu à une obligation de restitution de fonds qu'il n'a pas perçus, les restitutions de fonds à la suite de l'annulation des saisies conservatoires ne constituant pas, en elles-mêmes, un préjudice réparable ;
Attendu, en second lieu, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de leurs écritures que les sociétés Libre service Chon Sen et Importation approvisionnement et courtage Thien Ah Koon aient invoqué, devant la cour d'appel, l'insolvabilité des sociétés saisissantes, seule de nature à justifier la condamnation du professionnel du droit fautif à garantir les restitutions de fonds irrégulièrement perçus ; que ce grief est nouveau et mélangé de fait ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les sociétés Libre service Chon Sen et Importation approvisionnement et courtage Thien Ah Koon ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize avril deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen identique aux pourvois n° Q 14-15. 410 et X 14-17. 510 produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Libre service Chon Sen et la société Importation approvisionnement et courtage Thien Ah Koon
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société LIBRE SERVICE CHON SEN et la société IMPORTATION APPROVISIONNEMENT ET COURTAGE THIEN AH KOON (IMPACT) de leur demande tendant à voir engagée la responsabilité solidaire de Maître X... et à le voir condamné solidairement à restituer les sommes illégalement et abusivement appréhendées lors des saisies litigieuses ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le premier juge a limité la solidarité de l'huissier à la seule condamnation à dommages-intérêts et non à l'obligation de restitution des fonds indûment obtenus ; les appelantes soutiennent que, la faute personnelle de l'huissier étant établie, il n'y a pas de raison de le dispenser de l'obligation solidaire de restitution ; mais, quelle que soit la faute commise par Maître X..., les sommes dont s'agit n'ont pas été perçues par celui-ci ; l'obligation de restitution ne peut donc lui être appliquée ; les demandes de garantie à ce titre sont donc sans objet » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « s'agissant des créances de restitution, il est sollicité par les sociétés demanderesses de voir condamner Maître X... au paiement in solidum des sommes ; que la justification ayant été donnée de ce que ces sommes ont bénéficié aux seules sociétés créancières, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande » ;
1°) ALORS QU'en sa qualité d'officier ministériel, l'huissier de justice engage sa responsabilité personnelle lorsque, fut-ce à la requête de son mandant, il procède à des recouvrements irréguliers auprès d'un tiers qui est dès lors en droit de lui demander la restitution ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'huissier avait fautivement obtenu l'acquiescement des personnes saisies sans s'assurer du pouvoir des salariés ayant signé les actes litigieux ; qu'en déboutant les personnes saisies de leur demande en restitution dirigée contre l'huissier au motif inopérant que les sommes dont s'agit n'avaient pas été perçues par lui, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
2°) ALORS QU'engage sa responsabilité personnelle et est en conséquence tenu à restitution des sommes remises à son mandant, l'huissier qui, au cours d'une saisie conservatoire dont les effets sont limités à l'indisponibilité des fonds, fait fautivement signer des actes d'acquiescement aux employés des personnes saisies, non habilitées à donner leur accord, et qui, par sa faute, est à l'origine de l'appréhension des fonds ; qu'en l'espèce, il résulte de l'arrêt attaqué que, dans le cadre de saisies conservatoires, l'huissier avait fait signer à des employés non habilités des actes valant acquiescement des personnes saisies, sans s'assurer, fautivement, du pouvoir desdits employés ; qu'en écartant les demandes de restitution des fonds appréhendés, dirigées contre l ¿ huissier, au motif inopérant qu'il ne les avait pas perçus, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;
3°) ALORS subsidiairement QUE si, en principe, la restitution ne constitue pas, en elle-même, un préjudice indemnisable, il en va différemment en cas d'insolvabilité du débiteur ; qu'il s'ensuit que l'huissier en faute pour avoir pratiqué une saisie irrégulière doit garantir la restitution des fonds si le créancier saisissant, débiteur de l'obligation de restitution, s'avère insolvable ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que les sociétés MT2 PROPRETE, MT2 FRUITS ET LEGUMES et TAIMER étaient en liquidation judiciaire ; qu'en jugeant cependant que Maître X..., huissier de justice, ne pouvait être condamné à verser les sommes appréhendées par sa faute, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences s'en évinçant et a violé l'article 1382 du Code civil.