N° F 14-84.333 FS-P+B
N° 1808
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à Paris, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur la question prioritaire de constitutionnalité formulée par mémoire spécial reçu le 4 février 2015 et présenté par :
- M. X...,
à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de MONTPELLIER, chambre correctionnelle, en date du 2 avril 2014, qui, pour proxénétisme aggravé, l'a condamné à six ans d'emprisonnement et à l'interdiction définitive du territoire français ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 18 mars 2015 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Castel, conseiller rapporteur, MM. Moignard, Raybaud, Mme Caron, M. Moreau, Mme Drai, conseillers de la chambre, M. Laurent, Mme Carbonaro, M. Beghin, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Sassoust ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller CASTEL, les observations de la société civile professionnelle SPINOSI et SUREAU, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu les observations produites ;
Attendu que la question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée : « Les dispositions de l'article 706-62 du code de procédure pénale, en ce qu'elles prévoient qu'aucune condamnation ne peut être prononcée «sur le seul fondement» des déclarations recueillies anonymement dans les conditions prévues par les articles 706-58 et 706-61 du code de procédure pénale, permettant ainsi que des éléments de preuve soient utilisés au cours d'une information judiciaire alors que la personne mise en cause n'a pas été mise à même de les contester, portent-elles atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et plus exactement au respect des droits de la défense et du contradictoire garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? » ;
Attendu que la disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel ;
Mais attendu que la question, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, n'est pas nouvelle ;
Et attendu que la question posée ne présente pas un caractère sérieux ; qu'en effet, dans le cas où le juge des libertés et de la détention autorise le recueil des déclarations d'un témoin sans que son identité apparaisse dans la procédure, en raison de menaces graves pesant sur la vie ou l'intégrité physique de l'intéressé ou de ses proches, cette décision ne fait pas obstacle à ce qu'une confrontation soit organisée entre le témoin et la personne mise en examen tant au cours de la procédure d'instruction, en application des dispositions générales du code de procédure pénale relatives à cette procédure, que de la phase de jugement, en application des dispositions spécifiques de l'article 706-61 dudit code, selon des modalités préservant l'anonymat ; qu'au surplus, le procès-verbal d'audition d'un témoin anonyme peut, dans certaines circonstances, faire l'objet d'une contestation par la personne mise en examen auprès du président de la chambre de l'instruction qui a le pouvoir de l'annuler ou, sous réserve de l'accord du témoin, d'ordonner la levée de l'anonymat ; que dés lors, enfin, qu'aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations anonymes, il n'est porté aucune atteinte aux droits de la défense ni au principe du contradictoire ;
D'où il suit qu'il n'y a pas lieu de renvoyer la question au Conseil constitutionnel ;
Par ces motifs :
DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le quinze avril deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;