LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 décembre 2012), que sur des poursuites aux fins de saisie immobilière exercées par la société Beaudun Châteauneuf à l'encontre de la SCI Teca (la SCI), un jugement d'orientation confirmé par un arrêt d'une cour d'appel du 12 mars 2010 a ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi à l'audience du 18 mars 2010 ; que le 17 mars 2010, la SCI a signé une promesse synallagmatique de vente avec la société Gnuva, sous condition suspensive de mainlevée des hypothèques et inscriptions grevant le bien et de radiation du commandement valant saisie immobilière ; que la société Catcar s'est substituée à la société Gnuva ; que la SCI a refusé de signer l'acte de vente ; que la société Beaudun Châteauneuf a cédé sa créance à la société Gnuva ; que la SCI a saisi un tribunal de grande instance d'une demande tendant à l'annulation de la promesse de vente ;
Attendu que la société Catcar fait grief à l'arrêt de dire que la promesse synallagmatique de vente du 17 mars 2010 est nulle alors, selon le moyen :
1°/ que les règles sur l'indisponibilité du bien immobilier saisi ont uniquement pour but de protéger le gage des créanciers, afin d'éviter que le débiteur ne fasse échapper ce bien aux poursuites des créanciers ; qu'en considérant que l'accord donné par tous les créanciers à la mainlevée des hypothèques et du commandement de saisie ne suffisait pas à assurer la régularité de la promesse de vente portant sur un immeuble objet d'une saisie, la cour d'appel a violé l'article 2198 ancien du code civil, applicable en la cause ;
2°/ que lorsqu'une règle vise à protéger une catégorie de personnes déterminée, la nullité pour méconnaissance de cette règle est relative et seule l'atteinte aux intérêts de ces dernières peuvent entraîner la nullité de l'acte ; qu'en se fondant, pour prononcer la nullité de la promesse de vente, sur une prétendue atteinte aux intérêts du débiteur relative à l'indisponibilité du bien quand cette indisponibilité ne visait qu'à protéger les créanciers qui avaient donné leur accord, la cour d'appel a violé l'article 2198 ancien du code civil, applicable en la cause ;
3°/ que la vente d'un bien objet d'une saisie immobilière conditionnée par la radiation du commandement de saisie est valable dès lors que la condition suspensive tenant à cette radiation intervient ; qu'en ayant considéré que la SCI n'avait pas le droit de signer une promesse de vente sur le bien litigieux conditionnée par la radiation du commandement de saisie quand bien même cette condition s'était réalisée et alors même que la condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l'engagement a été contracté, la cour d'appel a violé les articles 1168 et 1181 du code civil ;
Mais attendu que le jugement d'orientation qui ordonne la vente forcée de l'immeuble saisi interdit de procéder à la vente du bien selon une autre modalité que celle qu'il a prévue ;
Et attendu qu'ayant relevé que le jugement d'orientation avait ordonné la vente forcée de l'immeuble saisi et retenu qu'à aucun moment le juge de l'exécution n'avait autorisé, sur le fondement de l'article 2201 du code civil alors applicable, la vente amiable telle que prévue par la promesse synallagmatique de vente entre la SCI et la société Catcar, la cour d'appel a par ces seuls motifs légalement justifié sa décision ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les quatrième et cinquième branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la SCI Catcar aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Catcar, la condamne à payer à la SCI Teca et à Mme X..., ès qualités, la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf avril deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour la société Catcar.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la promesse de vente portant sur l'immeuble situé à Carros conclue entre la société Gnuva et la SCI Teca le 17 mars 2010 au mépris des dispositions des articles 2198 et 2201 du code civil était nulle ;
Aux motifs propres qu'une procédure de saisie immobilière avait été initiée par la société Baudin Châteauneuf, laquelle avait fait signifier un commandement de saisie le 27 mai 2009, publié le 22 juin 2009 ; que la vente forcée avait été ordonnée par jugement du 26 novembre 2009 confirmé par un arrêt du 12 mars 2010 ; que le bien immobilier objet de la promesse de vente était indisponible et ne pouvait être aliéné à la date de cette promesse ; que la condition affectant une obligation relative à un bien présuppose que l'on puisse contracter une obligation à propos de ce bien ; que l'obligation contractée afin de vente amiable d'un bien suppose que cette vente amiable soit possible ; qu'au 17 mars 2010, le bien immobilier était indisponible ; que la SCI n'avait pas le droit de disposer du bien dont elle était dessaisie ; qu'elle n'avait pas le droit de signer une promesse de vente ; que le saisi avait signé une promesse de vente conditionnée au recouvrement de son droit de vendre mais n'avait pas le droit de signer la promesse tant qu'il n'avait pas recouvré ce droit ; que le droit de signer une promesse synallagmatique de vente était lui-même conditionné à la radiation du commandement de saisie ; qu'il fallait que le commandement fût radié pour que le saisi puisse être réinvesti dans son droit de s'engager et de contracter une obligation soumise ou non à conditions ; que cette situation d'indisponibilité avait faussé la relation contractuelle, la promettante étant dans une situation inégale, de faiblesse, prête à accepter toutes les conditions imposées par le cocontractant pour éviter la saisie ; que la promesse synallagmatique de vente portant sur un bien indisponible était atteinte de nullité ; qu'à aucun moment, le juge de l'exécution n'avait autorisé, par application de l'article 2201 du code civil, la vente amiable telle que convenue par la promesse du 17 mars 2010 ; que la cour d'appel n'avait pas à statuer sur ce point sur lequel le juge de l'exécution n'avait pas été saisi ; et aux motifs, adoptés du tribunal, qu'il n'était pas justifié que les articles 2198 et 2201 du code civil créant l'indisponibilité du bien saisi aient été créés uniquement pour protéger le gage des créanciers, cette indisponibilité ayant aussi pour but de protéger le débiteur qui pourrait être enclin à vendre son bien dans des conditions désavantageuses pour échapper aux conséquences qu'il estimait moins intéressantes pour lui, de l'adjudication ; que quand bien même toutes les parties seraient d'accord pour vendre, encore faut-il que la vente soit autorisée par le juge ;
Alors 1°) que les règles sur l'indisponibilité du bien immobilier saisi ont uniquement pour but de protéger le gage des créanciers, afin d'éviter que le débiteur ne fasse échapper ce bien aux poursuites des créanciers ; qu'en considérant que l'accord donné par tous les créanciers à la mainlevée des hypothèques et du commandement de saisie ne suffisait pas à assurer la régularité de la promesse de vente portant sur un immeuble objet d'une saisie, la cour d'appel a violé l'article 2198 ancien du code civil, applicable en la cause ;
Alors 2°) que lorsqu'une règle vise à protéger une catégorie de personnes déterminée, la nullité pour méconnaissance de cette règle est relative et seule l'atteinte aux intérêts de ces dernières peuvent entraîner la nullité de l'acte ; qu'en se fondant, pour prononcer la nullité de la promesse de vente, sur une prétendue atteinte aux intérêts du débiteur relative à l'indisponibilité du bien quand cette indisponibilité ne visait qu'à protéger les créanciers qui avaient donné leur accord, la cour d'appel a violé l'article 2198 ancien du code civil, applicable en la cause ;
Alors 3°) que la vente d'un bien objet d'une saisie immobilière conditionnée par la radiation du commandement de saisie est valable dès lors que la condition suspensive tenant à cette radiation intervient ; qu'en ayant considéré que la SCI Teca n'avait pas le droit de signer une promesse de vente sur le bien litigieux conditionnée par la radiation du commandement de saisie quand bien même cette condition s'était réalisée et alors même que la condition accomplie a un effet rétroactif au jour auquel l'engagement a été contracté, la cour d'appel a violé les articles 1168 et 1181 du code civil ;
Alors 4°) que le vice de violence doit être prouvé par celui qui l'invoque et caractérisé par la cour d'appel ; que la cour d'appel, qui s'est bornée à énoncer que la SCI Teca se serait trouvée dans une situation inégale, de faiblesse, prête à accepter toutes les conditions imposées par le co-contractant pour éviter la saisie sans caractériser concrètement l'abus ou la violence dont elle aurait été l'objet et sans rechercher si l'offre de rachat de son bien immobilier pour un prix de 3 000 000 d'Euros n'était pas pleinement satisfaisante pour elle, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1109 et 1112 du code civil ;
Alors 5°) que la cour d'appel, qui a énoncé qu'à aucun moment, le juge de l'exécution n'avait autorisé la vente amiable telle que convenue par la promesse synallagmatique du 17 mars 2010 sans rechercher, comme elle y était invitée, si cette autorisation n'avait pas été donnée par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Grasse dans un jugement du 18 mars 2010 versé aux débats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2201 ancien du code civil.