LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 octobre 2012), que, le 23 mai 2008, M. X..., gendarme, a fait usage de son arme de service, blessant à mort Joseph Y... qui tentait de s'évader des locaux dans lesquels il était gardé à vue dans le cadre d'une procédure criminelle ; que, par arrêt du 1er décembre 2009, la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a mis en accusation M. X... du chef de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, commises par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, et l'a renvoyé devant la cour d'assises du Var ; que, par un arrêt du 17 septembre 2010, devenu définitif, la cour d'assises a acquitté M. X... ; que, le 25 janvier 2010, Mme Micheline Y..., mère de Joseph Y..., a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions aux fins d'indemnisation de son préjudice moral ;
Attendu que Mme Micheline Y... fait grief à l'arrêt de dire que les faits à l'origine du décès de Joseph Y... ne présentent pas le caractère matériel d'une infraction et, en conséquence, de rejeter ses demandes en indemnisation, alors, selon le moyen, que toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne ; que, pour l'application de cette règle, qui institue en faveur des victimes un mode de réparation autonome répondant à des règles qui lui sont propres, l'infraction n'est prise en considération qu'en tant qu'élément objectif indépendamment de la personne de son auteur ; que, partant, dès lors que les éléments matériels de l'infraction sont objectivement réunis, est indifférente la circonstance que l'auteur des faits ait pu être acquitté en application d'une cause de non-imputabilité, telle que le couvert de la loi ou le commandement de l'autorité légitime ; que, dès lors, en l'espèce, en ne se fondant que sur cette seule cause de non-imputabilité, qui avait été retenue au bénéfice de M. X..., pour considérer que les faits de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, pour lesquels il avait été poursuivi, n'étaient pas susceptibles de constituer l'élément matériel d'une quelconque infraction pénale et qu'en conséquence, les ayants droit de sa victime, M. Y..., ne pouvaient solliciter une indemnisation, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 706-3 du code de procédure pénale et, par fausse application, l'article 122-4 du code pénal ;
Mais attendu que ne présentent pas le caractère matériel d'une infraction, au sens de l'article 706-3 du code de procédure pénale, les faits pour lesquels leur auteur bénéficie de la cause d'irresponsabilité pénale prévue par l'article 122-4, alinéa 1, du code pénal, selon lequel n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires ;
Et attendu qu'ayant constaté que bien que les parties ne produisent pas l'arrêt de la cour d'assises, elles s'accordent à reconnaître que le gendarme X... a bénéficié de la cause d'irresponsabilité pénale prévue par l'article 122-4, alinéa 1, du code pénal, la cour d'appel a décidé à bon droit que Mme Y... n'était pas fondée à demander réparation de son préjudice sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCP Spinosi et Sureau ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six mars deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour Mme Y...
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que les faits à l'origine du décès de M. Joseph Y... ne présentaient pas le caractère matériel d'une infraction et, en conséquence, d'avoir rejeté les demandes en indemnisation de sa mère, Mme Micheline Y... ;
Aux motifs que : « aux termes de l'article 706-3 du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à sa personne, en particulier lorsque celles-ci ont entraîné la mort, ses ayants droit pouvant en outre demander réparation de leur propre préjudice découlant de l'infraction.
La réparation peut être refusée ou son montant réduit à raison de la faute de la victime, faute qui est opposable à ses ayants droit.
En l'espèce, bien que les parties ne produisent pas l'arrêt de la cour d'assises, elles s'accordent à reconnaître que le gendarme X..., qui avait été renvoyé devant cette juridiction du chef de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, avec cette circonstance que les faits ont été commis par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ou de sa mission, a été acquitté par arrêt du 17 septembre 2010, la cour ayant fait application de l'article 122-4 alinéa 1 du code pénal qui dispose que n'est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires.
Il découle de cet arrêt qui a force de chose jugée que, du fait de la reconnaissance de la cause objective d'impunité que constitue l'autorisation de la loi, les faits à l'origine du décès de monsieur Y... ne revêtent plus de caractère délictueux.
En dépit de l'autonomie dont elle jouit pour apprécier les faits qui lui sont soumis, la CIVI ne pouvait donc retenir que les conditions d'application de l'article 706-3 du code de procédure pénale étaient réunies, alors que l'infraction pour laquelle le gendarme X... avait été renvoyé devant la cour d'assises n'existe plus et que les faits qu'il a commis ne sont pas susceptibles de constituer l'élément matériel d'une quelconque infraction pénale.
Dans ces conditions la décision de la CIVI doit être infirmée et les prétentions de madame Y... rejetées » ;
Alors que toute personne ayant subi un préjudice résultant de faits volontaires ou non qui présentent le caractère matériel d'une infraction peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne ; que, pour l'application de cette règle, qui institue en faveur des victimes un mode de réparation autonome répondant à des règles qui lui sont propres, l'infraction n'est prise en considération qu'en tant qu'élément objectif indépendamment de la personne de son auteur ; que, partant, dès lors que les éléments matériels de l'infraction sont objectivement réunis, est indifférente la circonstance que l'auteur des faits ait pu être acquitté en application d'une cause de non-imputabilité, telle que le couvert de la loi ou le commandement de l'autorité légitime ; que, dès lors, en l'espèce, en ne se fondant que sur cette seule cause de non-imputabilité, qui avait été retenue au bénéfice de M. X..., pour considérer que les faits de violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner, pour lesquels il avait été poursuivi, n'étaient pas susceptibles de constituer l'élément matériel d'une quelconque infraction pénale et qu'en conséquence, les ayants-droit de sa victime, M. Y..., ne pouvaient solliciter une indemnisation, la Cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 706-3 du Code de Procédure pénale et, par fausse application, l'article 122-4 du Code pénal.