LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Le procureur général près la cour d'appel de Paris,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre 4-10, en date du 14 mai 2014, qui, dans la procédure suivie contre MM. Mohamed Z..., Vasile X..., Ghoulamallah B..., Viorel Y...et Mme Viorica A...des chefs, pour le premier, d'escroquerie en récidive, pour les deuxième et troisième, de complicité d'escroquerie en récidive, pour les autres, de complicité d'escroquerie, a requalifié les faits en tenue de jeux de hasard non autorisés, délit dont elle les a déclarés coupables, en état de récidive pour les deuxième et troisième et en qualité de complice pour la dernière ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 février 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Chaubon, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CHAUBON et les conclusions de M. l'avocat général LACAN ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 313-1 du code pénal et 591 et 593 du code de procédure pénale ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 324-1 du code de la sécurité intérieure et 591 du code de procédure pénale ;
Les moyens étant réunis ;
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que lors d'une mission de surveillance sur la voie publique, les fonctionnaires de police ont observé un jeu de bonneteau où M. X...manipulait les palets tandis que MM. Y..., Z..., B...et Mme A... étaient de faux joueurs se présentant comme des touristes afin d'inciter les passants à participer au jeu ; qu'ils ont constaté qu'une personne, ainsi déterminée à trois reprises à parier une somme de cinquante euros, avait perdu l'intégralité de sa mise ; que le manipulateur de palets et les faux joueurs ont été poursuivis, respectivement, pour escroquerie et complicité d'escroquerie ;
Attendu que, pour dire ces infractions non caractérisées et requalifier les faits en tenue de jeux de hasard non autorisés, les juges, après avoir relevé que, d'une part, M. X...avait indiqué " savoir que les joueurs de passage perdraient à chaque fois " et connaître les autres prévenus, " dont le rôle était d'attirer les joueurs ", d'autre part, Mme A... avait admis avoir joué ce rôle " pour inciter les passants à participer ", enfin, les trois derniers avaient reconnu être également de faux joueurs, énoncent qu'il n'est pas établi que, lors de la manipulation des palets, les prévenus ont triché et que la seule présence de " barons " n'est pas constitutive de manoeuvres frauduleuses de nature à déterminer les passants à parier ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que l'intervention préalable et concertée de tiers, dans le cadre d'une mise en scène destinée à tromper sur leur espérance de gain les victimes potentielles, ainsi déterminées à verser leur mise, caractérise les manoeuvres frauduleuses constitutives de l'escroquerie, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Paris, en date du 14 mai 2014, et, pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq mars deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.