LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur la déchéance partielle du pourvoi :
Vu l'article 978 du code de procédure civile ;
Attendu que M. X... et les sociétés Gesticorp et Rockton Holding se sont pourvus en cassation contre un premier arrêt, du 28 juin 2012, mais que leur mémoire ne contient aucun moyen contre cette décision ;
D'où il suit qu'il y a lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi, en ce qu'il est formé contre cette décision ;
Sur le moyen relevé d'office après avertissement délivré aux parties :
Vu l'article 69, paragraphe 5, de la Convention de Lugano, du 30 octobre 2007, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 n'est applicable, dans les relations entre la France et la Suisse, qu'aux actions intentées postérieurement au 1er janvier 2011, date de son entrée en vigueur entre l'Union européenne et la Suisse ;
Attendu, selon les arrêts attaqués, que M. Y..., ainsi que les sociétés Onexim Group, Mantra Investments Inc et Foncière du Trého ont assigné, le 10 août 2010, devant une juridiction française, M. X..., domicilié en Suisse, la société Gesticorp, établie dans ce même pays, ainsi que la société Rockton Holding, établie au Panama, en annulation d'un contrat portant sur un projet d'acquisition d'un immeuble situé en France (la villa Léopolda), et en paiement d'une certaine somme, à titre de remboursement de la commission versée pour la réalisation de l'opération, cette dernière n'ayant pas abouti ; que les demandeurs ayant formé contredit contre l'ordonnance du juge de la mise en état qui avait déclaré le tribunal incompétent et les avait renvoyés à mieux se pourvoir, un premier arrêt a estimé que la cour d'appel aurait dû être saisie par la voie de l'appel mais que celle-ci demeurait néanmoins saisie, ce qui justifiait le renvoi de l'affaire ; Attendu qu'un second arrêt a déclaré la juridiction française compétente sur le fondement de l'article 5.1 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens :
CONSTATE LA DECHEANCE partielle du pourvoi, en tant que dirigé contre l'arrêt du 28 juin 2012 ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. Y..., les sociétés Onexim Group et Mantra Investments Inc et la SCI Foncière du Trého aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Gaschignard, avocat aux Conseils, pour les sociétés Gesticorp, Rockton Holding et M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance entreprise, rejeté l'exception d'incompétence territoriale et dit que le tribunal de grande instance de Nice était compétent pour connaître des demandes formées par M. Y..., la société russe Onexim Group, la société panaméenne Mantra Investments Inc et la société française Foncière du Treho, dirigées contre la société suisse Gesticorp, la société panaméenne Rockton Holdings et M. X...,
AUX MOTIFS QUE les demandeurs ont intenté cette action devant le tribunal de grande instance de Nice aux fins de faire annuler le contrat du 26 février 2008 et le versement de la somme de cinq millions d'euros, subsidiairement les voir condamner solidairement à payer cette somme ; que l'objet du litige est une demande d'annulation d'un contrat et par voie de conséquence la restitution de la somme versée en exécution de ce contrat ; que le contrat dont il est question n'est pas entre le vendeur et l'acquéreur d'un bien immobilier, le vendeur étant Mme Lily Z... et l'acquéreur la SCI Foncière du Treho ; que le contrat est passé entre la société Onexim Group, société russe au nom duquel agit M. Y..., et la société Gesticorp, société russe au nom de laquelle agit M. David X... ; que son objet est d'obtenir l'accord de la venderesse Mme Z... en vue de la vente à un tiers, la société Foncière du Treho ; que M. Y... et M. X... sont présents en tant qu'ils agissent chacun pour les deux parties au contrat et sont indirectement concernés ; que la SCI Foncière du Treho est présente au litige en tant que personne morale destinée à acquérir le bien et bénéficiaire indirecte de la prestation de service fournie par la société Gesticorp ; que les deux sociétés panaméennes ne sont présentes au litige qu'en tant que plates-formes de mouvements de fonds ; que leur sort dans la procédure est lié à celui des sociétés dont elles sont dépositaires de fonds, Onexim Group et Gesticorp ; que le litige a trait à un contrat de prestation de services, entre deux parties, Onexim Group et Gesticorp, en présence des personnes physiques intéressées, de la société destinée à intervenir sur la base de la prestation exécutée, et des dépositaires des fonds correspondant au prix du service ; que la convention de Lugano du 30 octobre 2007 dispose en son article 5 qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat lié par la présente convention peut être attraite dans un autre Etat lié par la présente convention 1) a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ; b) aux fins de l'application de la présente disposition et sauf convention contraire, le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est, pour la vente de marchandises, le lieu d'un Etat lié par la présente convention où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées, et pour la fourniture des services, le lieu d'un Etat lié par la présente convention où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis ; que selon le contrat litigieux, la société Gesticorp devait persuader Mme Z..., venderesse de la Villa Leopolda en France, de vendre son bien immobilier à une personne morale créée par M. Y... et la société Onexim et en échange de ce service, la société Onexim versait à la société Gesticorp une somme de 5 millions d'euros ; que l'obligation qui sert de base à la demande consiste en des contacts en France en vue de la vente d'un bien immobilier sis en France ; que le lieu d'exécution de la prestation de services est principalement la France et plus précisément Villefranche-sur-mer, dans le ressort du tribunal de grande instance de Nice ; que les services attendus de la société Gesticorp sont des services destinés à être accomplis en France en vue d'obtenir la vente d'un bien sis en France ; que le litige se trouve lié à la France, lieu d'exécution du contrat ; que M. Y... et M. X... sont présents en tant qu'ils agissent chacun pour les deux parties au contrat et sont indirectement concernés ; que les deux sociétés panaméennes ne sont présentes au litige qu'en tant que plates-formes de mouvements de fonds ; que leur sort dans la procédure est lié à celui des sociétés dont elles sont dépositaires de fonds, Onexim Group et Gesticorp ; que le litige se trouve lié à la France, lieu d'exécution du contrat ; que les sociétés panaméennes ne sont présentes au litige que pour leur rendre commune la décision au sujet du contrat ;
1° ALORS QUE la version révisée de la convention de Lugano du 30 octobre 2007 n'est applicable qu'aux actions judiciaires intentées postérieurement à son entrée en vigueur en France et dans les Etats dans lesquelles les parties à l'instance sont domiciliées ; que cette convention est entrée en vigueur dans l'Union Européenne le 1er janvier 2010 et en Suisse le 1er janvier 2011 ; que la cour d'appel a constaté que la société suisse Gesticorp, M. X..., domicilié en Suisse, et la société panaméenne Rockton Holdings ont été assignés devant le tribunal de grande instance de Nice le 10 août 2010 ; qu'en faisant néanmoins application des règles de compétence juridictionnelle prévues à l'article 5-1-b de cette convention en matière de contrats de fourniture de services, la cour d'appel a violé l'article 63, § 1er de cette convention, ensemble le principe selon lequel la compétence s'apprécie au jour de l'introduction de l'instance ;
2° ALORS QU'en matière contractuelle, le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait dans un autre Etat contractant devant les juridictions du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande formée contre lui a été ou doit être exécutée ; que le lieu d'exécution doit être déterminé conformément à la loi qui régit l'obligation litigieuse selon les règles de conflit de la juridiction saisie ; que pour infirmer l'ordonnance et dire le tribunal de grande instance de Nice compétent pour connaître du litige, la cour d'appel s'est bornée à constater que le lieu d'exécution de la prestation prévue au contrat est, selon elle, situé en France et plus précisément sur la commune de Villefranche-sur-mer située dans le ressort de ce tribunal, ce dont elle a déduit la compétence juridictionnelle française ; qu'en statuant ainsi, sans déterminer la loi applicable au contrat pour établir le lieu où l'obligation litigieuse a été ou aurait dû être exécutée, la cour d'appel a violé l'article 5-1 de la convention de Lugano du 16 septembre 1988, applicable à la cause, ensemble le préambule du protocole n° 2 sur l'interprétation uniforme de cette convention ;
3° ALORS, subsidiairement, QUE le juge ne saurait procéder par voie de simple affirmation sans méconnaître l'exigence de motivation de ses jugements ; que les intimés produisaient divers documents de nature à démontrer que la société Gesticorp avait eu pour seule mission de mettre en relation la société russe Onexim et M. A..., résidant en suisse, avec Mme Z..., domiciliée à Londres, et qu'elle avait effectué cette prestation depuis son siège social à Genève, d'où avaient été pris des contacts par téléphone et par e-mails, et à Londres où résidait Mme Z... (conclusions, pages 17 à 20) ; que les parties appelantes ne produisaient quant à elles aucun document d'où aurait pu s'inférer que la mission de la société Gesticorp aurait été de prendre des contacts en France, et déduisaient sommairement le lieu d'exécution de la prestation de la seule localisation de l'immeuble dont l'acquisition était recherchée ; qu'en affirmant que l'obligation de la société Gesticorp consistait « en des contacts en France » et que les services attendus de celle-ci étaient destinés à être accomplis en France, sans analyser, fut-ce sommairement, les éléments de preuve invoqués par la société Gesticorp, M. X... et la société Rockton Holdings, et sans préciser ceux sur lesquels elle fondait sa décision, la cour d'appel, qui a statué par voie de simple affirmation, a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance entreprise, rejeté l'exception d'incompétence territoriale et dit que le tribunal de grande instance de Nice était compétent pour connaître des demandes de M. B..., la société russe Onexim Group, la société panaméenne Mantra Investments Inc et la société française Foncière du Treho, dirigées contre la société panaméenne Rockton Holdings et M. X...,
AUX MOTIFS QUE M. Y... et M. X... sont présents en tant qu'ils agissent chacun pour les deux parties au contrat et sont indirectement concernés ; que les deux sociétés panaméennes ne sont présentes au litige qu'en tant que plates-formes de mouvements de fonds ; que leur sort dans la procédure est lié à celui des sociétés dont elles sont dépositaires de fonds, Onexim Group et Gesticorp ; que le litige se trouve lié à la France, lieu d'exécution du contrat ; que les sociétés panaméennes ne sont présentes au litige que pour leur rendre commune la décision au sujet du contrat ;
1° ALORS QUE M. Y..., et les sociétés appelantes demandaient, à titre principal, l'annulation du contrat conclu avec la société Gesticorp, subsidiairement, la condamnation de M. David X... et de la société Rockton Holdings à leur payer une somme de 5 millions d'euros, en exécution d'une garantie qui aurait été souscrite par eux ; qu'elles concluaient également, à titre principal, à ce que M. X... et la société Rockton Holdings soient, à titre principal, condamnées à payer une somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts, solidairement avec la société Gesticorp ; qu'en retenant que M. X... était « indirectement concerné » et que la société Rockton Holdings n'était présente au litige qu'afin de lui « rendre commune la décision », la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
2° ALORS QU'en matière contractuelle, lorsque le litige porte sur plusieurs obligations distinctes et autonomes, le juge français n'est pas compétent pour connaître de l'ensemble du litige si ces obligations ont été ou doivent être exécutées au sein de différents Etats ; que pour déclarer le tribunal de grande instance de Nice compétent pour connaître de l'entier litige, en ce compris les demandes dirigées contre M. X... et la société panaméenne Rockton Holdings, la cour d'appel se borne à constater que le contrat d'intermédiaire, invoqué au soutien des demandes formées contre la société Gesticorp, devait, selon elle, être exécuté en France ; qu'en statuant ainsi, sans déterminer le lieu d'exécution des obligations autonomes de remboursement et de garantie alléguées au soutien des demandes présentées la société Rockton Holdings et M. X..., au regard de la loi applicable au contrat, la cour d'appel a violé les articles 4 et 5-1 de la convention de Lugano du 16 septembre 1988, applicable à la cause, ensemble le préambule du protocole n° 2 sur l'interprétation uniforme de cette convention.