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19/03/2015 | FRANCE | N°14-13794

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 mars 2015, 14-13794


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2013), que Mme X..., avocat, titulaire de deux mentions de spécialisation en droit économique et droit international, a déposé auprès du Conseil national des barreaux (CNB) un dossier en vue d'obtenir, par équivalence, selon le régime provisoire prévu par les nouvelles dispositions de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, deux certificats de spécialisation en droit des transports et droit de l'arbitrage ; que le CNB n'a pas accue

illi sa demande qui ne respectait pas les tables de concordances et ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 12 décembre 2013), que Mme X..., avocat, titulaire de deux mentions de spécialisation en droit économique et droit international, a déposé auprès du Conseil national des barreaux (CNB) un dossier en vue d'obtenir, par équivalence, selon le régime provisoire prévu par les nouvelles dispositions de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, deux certificats de spécialisation en droit des transports et droit de l'arbitrage ; que le CNB n'a pas accueilli sa demande qui ne respectait pas les tables de concordances et n'était pas justifiée par sa pratique professionnelle ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en vertu de l'article 50 II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les avocats titulaires d'une ou plusieurs mentions de spécialisation à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées peuvent faire le choix, sur justification d'une pratique professionnelle effective dans le domaine revendiqué, d'un ou de deux certificats de spécialisation dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, et que le CNB détermine les modalités selon lesquelles cette faculté s'accomplit ; qu'il s'en déduit nécessairement que l'option pour un ou deux certificats de spécialisation procède d'un choix de l'avocat titulaire d'anciennes mentions de spécialisation, sur justification d'une pratique professionnelle effective dans le domaine revendiqué, qui ne peut être entièrement déterminé par les tables de concordance édictées au sein du CNB ; qu'en l'espèce, en conférant un caractère impératif à la table de concordance ainsi édictée, la cour d'appel a commis une erreur de droit et méconnu l'article 50 II de la loi du 31 décembre 1970 ;
2°/ qu'en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire ; qu'il suit de là que si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif et conditionnant la solution du litige, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ; que si la loi du 31 décembre 1971 a conféré au CNB compétence pour déterminer les conditions générales d'obtention des mentions de spécialisation, et arrêter les modalités selon lesquelles s'exerce le choix par l'avocat d'un ou de deux certificats de spécialisation, cette compétence réglementaire ne peut légalement s'exercer que dans le respect des principes généraux du droit et des règles législatives régissant l'exercice de la profession d'avocat ; qu'en l'espèce, en déniant toute possibilité de contestation des tables de concordance arrêtées par voie de dispositions réglementaires par le CNB, en ce qu'il ne lui appartenait pas d'en apprécier la logique ou la pertinence, sans rejeter cette contestation en raison de son défaut de sérieux ou de son absence d'incidence sur la solution du litige, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;
Mais attendu que la faculté offerte par l'article 50 II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 aux avocats titulaires d'une ou plusieurs mentions de spécialisation à la date d'entrée en vigueur de la loi du 28 mars 2011, devait s'accomplir en conformité avec les modalités déterminées par le CNB, selon la table de concordance entre les anciennes et les nouvelles mentions de spécialisation établie par ce dernier ; que la cour d'appel a exactement retenu que la demande de Mme X..., qui tendait à l'obtention par équivalence de certificats de spécialisation dans des domaines différents de ceux dont elle était titulaire sous l'ancienne réglementation, ne pouvait être accueillie ;
Et attendu que Mme X..., n'ayant pas soulevé devant les juges du fond le moyen pris de l'existence d'une question préjudicielle, ne peut, par application de l'article 74 du code de procédure civile, s'en prévaloir, pour la première fois, devant la Cour de cassation ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa seconde branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour Mme X...

Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le recours exercé par Mme Anne-Laurence X... à l'encontre de la décision prise le 26 septembre 2012 par la commission de la formation professionnelle du Conseil national des barreaux,
Aux motifs que l'article 21-1 alinéa 5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction en vigueur au 3 1 juillet 2011 énonce que " Le Conseil national des barreaux (...) détermine les conditions générales d'obtention des mentions de spécialisation, dresse la liste nationale des membres du jury prévu au premier alinéa de l'article 12-1 ainsi que la liste nationale des avocats titulaires de mentions de spécialisations. " ; que l'article 50 de la même loi dispose que " Les avocats titulaires d'une ou plusieurs mentions de spécialisation à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2011-331 dit 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées peuvent faire le choix, sur justification d'une pratique professionnelle effective dans le domaine revendiquée, d'un ou deux-certificats de spécialisation dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice. Le Conseil national des barreaux détermine les modalités selon lesquelles cette faculté s'accomplit ; que sur le fondement de cette habilitation législative, le C. N. B. a établi des tables de concordance entre les anciennes et les nouvelles mentions de spécialisation élaborées par sa commission de formation professionnelle et qui ont été adoptées lors de son assemblée générale des 13 et 14 mai 2011 ; que la liste des mentions de spécialisation en usage dans la profession d'avocat a été fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 28 décembre 2011 ; que dès lors, c'est à juste titre que le C. N. B. faisant application de la table de concordance dont il ne revient pas à cette cour d'apprécier la logique ou la pertinence, a rejeté la demande présentée par Mme Anne-Laurence X... à laquelle il incombait, ainsi que l'a invitée le président du C. N. B., de déposer un dossier " nouveau régime " en vue de l'obtention de la mention de spécialisation en " droit de l'arbitrage " et " droit des transports ", et qui ne peut en conséquence valablement arguer d'une entrave à son libre exercice professionnel ou d'une rupture d'égalité entre avocats titulaires de certificats de spécialisation ;
Alors d'une part qu'en vertu de l'article 50 II de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, les avocats titulaires d'une ou plusieurs mentions de spécialisation à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011 de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et de certaines professions réglementées peuvent faire le choix, sur justification d'une pratique professionnelle effective dans le domaine revendiqué, d'un ou de deux certificats de spécialisation dont la liste est fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, et que le Conseil national des barreaux détermine les modalités selon lesquelles cette faculté s'accomplit ; qu'il s'en déduit nécessairement que l'option pour un ou deux certificats de spécialisation procède d'un choix de l'avocat titulaire d'anciennes mentions de spécialisation, sur justification d'une pratique professionnelle effective dans le domaine revendiqué, qui ne peut être entièrement déterminé par les tables de concordance édictées au sein du Conseil national des barreaux ; qu'en l'espèce, en conférant un caractère impératif à la table de concordance ainsi édictée, la cour d'appel a commis une erreur de droit et méconnu l'article 50 II de la loi du 31 décembre 1970 ;
Alors d'autre part qu'en vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire ; qu'il suit de là que si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif et conditionnant la solution du litige, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ; que si la loi du 31 décembre 1971 a conféré au Conseil national des barreaux compétence pour déterminer les conditions générales d'obtention des mentions de spécialisation, et arrêter les modalités selon lesquelles s'exerce le choix par l'avocat d'un ou de deux certificats de spécialisation, cette compétence réglementaire ne peut légalement s'exercer que dans le respect des principes généraux du droit et des règles législatives régissant l'exercice de la profession d'avocat ; qu'en l'espèce, en déniant toute possibilité de contestation des tables de concordance arrêtées par voie de dispositions réglementaires par le Conseil national des barreaux, en ce qu'il ne lui appartenait pas d'en apprécier la logique ou la pertinence, sans rejeter cette contestation en raison de son défaut de sérieux ou de son absence d'incidence sur la solution du litige, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-13794
Date de la décision : 19/03/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

COMPETENCE - Exception d'incompétence - Proposition in limine litis - Nécessité

CASSATION - Moyen nouveau - Compétence - Exception d'incompétence - Séparation des pouvoirs.

Une partie n'ayant pas soulevé devant les juges du fond le moyen pris de l'existence d'une question préjudicielle, ne peut, par application de l'article 74 du code de procédure civile, s'en prévaloir, pour la première fois, devant la Cour de cassation


Références :

Sur le numéro 1 : article 50, II, de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-331 du 28 mars 2011
Sur le numéro 2 : article 74 du code de procédure civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 12 décembre 2013

Sur le n° 2 : A rapprocher :1re Civ., 16 octobre 1985, pourvoi n° 84-12323, Bull. 1985, I, n° 264 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 mar. 2015, pourvoi n°14-13794, Bull. civ. 2015, I, n° 63
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2015, I, n° 63

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Ingall-Montagnier (premier avocat général)
Rapporteur ?: Mme Wallon
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 04/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.13794
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