LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique du pourvoi, qui est recevable :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Paris, 24 octobre 2013), que M. et Mme X... ont fait assigner la société de droit luxembourgeois Landsbanki Luxembourg SA, représentée par son liquidateur, Mme Y..., (la société), devant un tribunal de grande instance, en demandant à titre principal la nullité d'un contrat de prêt qu'ils avaient souscrit auprès d'elle et la mainlevée d'une hypothèque qu'ils lui avaient consentie ; qu'un juge de la mise en état ayant, à la demande de M. et Mme X..., ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une instruction pénale, la société a demandé au premier président l'autorisation d'interjeter appel de cette décision ;
Attendu que la société fait grief à l'ordonnance de la débouter de sa demande, alors, selon le moyen :
1°/ que l'irrecevabilité d'une action mettant fin à l'instance sans que le juge ait à statuer sur le fond, le juge de la mise en état est tenu de surseoir à statuer sur toutes les exceptions de procédure dont il est saisi jusqu'à la décision du tribunal sur la fin de non-recevoir tirée d'une telle irrecevabilité ; que constitue dès lors nécessairement un motif grave et légitime d'interjeter appel l'existence d'une décision du juge de la mise en état qui tient en échec le droit d'une partie à faire déclarer d'emblée irrecevable par le juge du fond l'action exercée à son encontre ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur le motif grave et légitime qui était invoqué par la société dans son assignation devant le premier président de la cour d'appel, résultant de son droit à faire déclarer l'action exercée contre elle par M. et Mme X..., d'emblée irrecevable par le juge du fond, seul compétent, à l'exclusion du juge de la mise en état, pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de cette action au regard du droit luxembourgeois des procédures collectives, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 122, 380 et 771 du code de procédure civile ;
2°/ que le droit à un procès équitable exige qu'une partie à une instance puisse faire déclarer rapidement une procédure d'emblée irrecevable, sans examen au fond ; que, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'action relevant de la compétence du juge du fond, justifie nécessairement d'un motif grave et légitime à interjeter appel de l'ordonnance du juge de la mise en état qui a prononcé une décision de sursis à statuer, y compris sur les fins de non-recevoir, la partie qui a été par là même privée du droit de faire déclarer d'emblée la procédure irrecevable ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, ainsi qu'elle y était invitée par l'assignation devant le premier président de la cour d'appel de la société, précisant qu'à la date des conclusions de sursis à statuer de M. et Mme X... du 1er mars 2013, elle-même avait d'ores et déjà soulevé depuis plusieurs mois devant le juge du fond la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'action de M. et Mme X... au regard du droit luxembourgeois des procédures collectives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 122, 380 et 771 du code de procédure civile, ensemble celles de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que le droit à un procès équitable exige qu'une partie puisse faire déclarer une procédure d'emblée irrecevable, sans examen au fond, dans un délai raisonnable ; que, dans ses conclusions d'appel, la société faisait en outre valoir que l'instruction pénale, d'une durée écoulée d'ores et déjà disproportionnée au regard des seuls actes d'instruction accomplis, serait encore prorogée pour au moins plusieurs années et produisait pour en justifier une lettre officielle du cabinet d'avocats Dartevelle-Dubest du 8 novembre 2012 récapitulant les seuls actes accomplis par le magistrat instructeur depuis l'ouverture de l'instruction pénale le 21 juillet 2009, à la suite d'une plainte du 20 mai 2009, soit « depuis déjà plus de trois ans », insistant sur « l'absence d'acte d'enquête depuis près de sept mois » ainsi que sur « l'attente d'audiencement par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris des appels interjetés par la société Landsbanki Luxembourg » contre les ordonnances de saisie pénale de ses créances sur les emprunteurs plaignants et concluant à une durée probable de plusieurs années notamment en raison du nombre des parties civiles ; que la cour d'appel ne pouvait affirmer que la société ne produisait « aucun élément qui montrerait que la durée de l'instruction excédera un délai raisonnable qui serait préjudiciable à cette partie au procès » sans s'expliquer sur le contenu précis et circonstancié de la lettre précitée, versée par la société à l'appui de ses conclusions d'appel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a privé à nouveau sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 380 et 771 du code de procédure civile, ensemble celles de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Mais attendu que le premier président, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, n'a fait qu'user du pouvoir souverain qu'il tient de l'article 380 du code de procédure civile, en retenant, par une décision motivée, qu'il n'était pas justifié d'un motif grave et légitime d'interjeter appel de l'ordonnance ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Landsbanki Luxembourg, représentée par son liquidateur, Mme Y..., aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Landsbanki Luxembourg, représentée par son liquidateur, Mme Y... ; la condamne à verser à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Landsbanki Luxembourg
Il est fait grief à l'ordonnance attaquée d'avoir débouté la société LANDSBANKI LUXEMBOURG, représentée par Maître Y..., ès qualités de liquidateur judiciaire, de sa demande d'autorisation d'interjeter appel de l'ordonnance du Juge de la mise en état ayant prononcé une décision de sursis à statuer sur les demandes de Monsieur et Madame X... ;
AUX MOTIFS QU' « il résulte des dispositions combinées des articles 380 et 776, alinéa 3, du code de procédure civile que la décision de sursis à statuer rendue par le Juge de la mise en état peut être frappée d'appel sur autorisation du Premier Président de la Cour d'appel, s'il est justifié d'un motif grave et légitime ; qu'en l'espèce, une information judiciaire a été engagée à l'encontre de la société LANDSBANKI LUXEMBOURG des chefs d'escroquerie et d'exercice illégal de l'activité de prestataire de services d'investissement en France ; que le Juge de la mise en état du Tribunal de grande instance d'EVRY a prononcé le sursis à statuer sur les demandes formées par Monsieur et Madame X... devant cette juridiction jusqu'à l'issue de l'instruction devant un juge d'instruction du Tribunal de grande instance de PARIS ; que, même si la situation invoquée par Monsieur et Madame X... ne relève pas de l'article 4, alinéa 2, du code de procédure pénale, dans la mesure où leur action portée devant le juge civil n'a pas uniquement pour objet la réparation du dommage causé par l'infraction d'escroquerie, il n'en reste pas moins que les deux instances procèdent des mêmes faits et qu'il n'est pas exclu que l'instruction pénale ait une influence sur le litige porté devant le Tribunal de grande instance ; que la société LANDSBANKI LUXEMBOURG ne produit aucun élément qui montrerait que la durée de l'instruction excédera un délai raisonnable qui serait préjudiciable à cette partie au procès ; que le liquidateur judiciaire de la société LANDSBANKI LUXEMBOURG ne justifie donc pas d'un motif grave et légitime pour être autorisé à interjeter, ès qualités, un appel immédiat de la décision du Juge de la mise en état ; »
1/ ALORS QUE l'irrecevabilité d'une action mettant fin à l'instance sans que le juge ait à statuer sur le fond, le Juge de la mise en état est tenu de surseoir à statuer sur toutes les exceptions de procédure dont il est saisi jusqu'à la décision du Tribunal sur la fin de non-recevoir tirée d'une telle irrecevabilité ; que constitue dès lors nécessairement un motif grave et légitime d'interjeter appel l'existence d'une décision du Juge de la mise en état qui tient en échec le droit d'une partie à faire déclarer d'emblée irrecevable par le juge du fond l'action exercée à son encontre ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui ne s'est pas expliquée sur le motif grave et légitime qui était invoqué par la société LANDSBANKI LUXEMBOURG dans son assignation devant le Premier Président de la Cour d'appel (p. 12 et 13), résultant de son droit à faire déclarer l'action exercée contre elle par Monsieur et Madame X..., d'emblée irrecevable par le juge du fond, seul compétent, à l'exclusion du Juge de la mise en état, pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de cette action au regard du droit luxembourgeois des procédures collectives, a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 122, 380 et 771 du code de procédure civile ;
2/ ALORS QUE le droit à un procès équitable exige qu'une partie à une instance puisse faire déclarer rapidement une procédure d'emblée irrecevable, sans examen au fond ; que, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'action relevant de la compétence du juge du fond, justifie nécessairement d'un motif grave et légitime à interjeter appel de l'ordonnance du Juge de la mise en état qui a prononcé une décision de sursis à statuer y compris sur les fins de non-recevoir, la partie qui a été par là même privée du droit de faire déclarer d'emblée la procédure irrecevable ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, ainsi qu'elle y était invitée par l'assignation devant le Premier Président de la Cour d'appel de la société LANDSBANKI LUXEMBOURG, précisant qu'à la date des conclusions de sursis à statuer de Monsieur et Madame X... du 1er mars 2013, elle-même avait d'ores et déjà soulevé depuis plusieurs mois devant le juge du fond la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'action de Monsieur et Madame X... au regard du droit luxembourgeois des procédures collectives, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 122, 380 et 771 du code de procédure civile, ensemble celles de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3/ ALORS QUE le droit à un procès équitable exige qu'une partie puisse faire déclarer une procédure d'emblée irrecevable, sans examen au fond, dans un délai raisonnable ; que, dans ses conclusions d'appel, la société LANDSBANKI LUXEMBOURG faisait en outre valoir que l'instruction pénale, d'une durée écoulée d'ores et déjà disproportionnée au regard des seuls actes d'instruction accomplis, serait encore prorogée pour au moins plusieurs années et produisait pour en justifier une lettre officielle du cabinet d'avocats Dartevelle-Dubest du 8 novembre 2012 récapitulant les seuls actes accomplis par le magistrat instructeur depuis l'ouverture de l'instruction pénale le 21 juillet 2009, à la suite d'une plainte du 20 mai 2009, soit « depuis déjà plus de trois ans », insistant sur « l'absence d'acte d'enquête depuis près de 7 mois » ainsi que sur « l'attente d'audiencement par la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel de PARIS des appels interjetés par la société LANDSBANKI LUXEMBOURG » contre les ordonnances de saisie pénale de ses créances sur les emprunteurs plaignants et concluant à une durée probable de plusieurs années notamment en raison du nombre des parties civiles ; que la Cour d'appel ne pouvait affirmer que la société LANDSBANKI LUXEMBOURG ne produisait « aucun élément qui montrerait que la durée de l'instruction excédera un délai raisonnable qui serait préjudiciable à cette partie au procès » sans s'expliquer sur le contenu précis et circonstancié de la lettre précitée, versée par la société LANDSBANKI LUXEMBOURG à l'appui de ses conclusions d'appel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, Cour d'appel a privé à nouveau sa décision de base légale au regard des dispositions combinées des articles 380 et 771 du code de procédure civile, ensemble celles de l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.