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11/03/2015 | FRANCE | N°13-86155

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mars 2015, 13-86155


Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Emmanuel X..., - M. Jean-Robert X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 5 juillet 2013, qui, dans la procédure suivie contre le premier des chefs de banqueroute, abus de biens sociaux et détournement de gage, contre le second des chefs de banqueroute et abus de biens sociaux, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 janvier 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénal

e : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, Mme Nocqu...

Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Emmanuel X..., - M. Jean-Robert X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de COLMAR, chambre correctionnelle, en date du 5 juillet 2013, qui, dans la procédure suivie contre le premier des chefs de banqueroute, abus de biens sociaux et détournement de gage, contre le second des chefs de banqueroute et abus de biens sociaux, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 28 janvier 2015 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme de la Lance, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DE LA LANCE, les observations de la société civile professionnelle BOULLEZ, de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LE BAUT ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire commun aux demandeurs et le mémoire en défense produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 2 et 3 du code de procédure pénale, des articles L. 242-6, 3°, L. 242-30, L. 243-1, L. 244-1, L. 244-5 et L. 246-2 du code de commerce, de l'article 314-5, alinéa 1er, du code pénal, de l'article L. 624-3 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises et de l'article L. 651-2, alinéa 1er, du code de commerce, de l'article 1382 du code civil, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré recevable l'action civile exercée par la société Banque populaire d'Alsace et a condamné MM. Emmanuel et Jean-Robert X...à payer à cette dernière, des dommages-intérêts d'un montant de 197 249 euros, outre des dommages-intérêts d'un montant de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et financier ;
" aux motifs propres qu'il résulte des pièces produites dans la présente affaire que la Banque populaire d'Alsace a conclu un contrat de financement de véhicules en stock avec l'entreprise Alsace camping cars pour un montant de 305 000 euros portant sur l'acquisition de véhicules neufs et d'occasion ; que l'article premier de ce contrat précisait que l'emprunteur avait acquis en pleine propriété et sans réserve les véhicules mentionnés ; que l'article 2 de ce même contrat posait les conditions de garantie de ce prêt et stipulait que « l'emprunteur remettra à la société Auxiga agissant sur ordre et pour compte du prêteur, les documents administratifs des véhicules », tandis que l'article 3 complétait ce dispositif de garantie en précisant que « l'emprunteur s'interdit d'aliéner les véhicules constituant la garantie, de les mettre en gage, de les immatriculer, de s'en dessaisir en cas de vente, sans autorisation écrite de la société Auxiga, de les louer ainsi que de faire des demandes de duplicata des documents détenus » ; que la société Auxiga était mandatée par la Banque populaire d'Alsace afin d'assurer le suivi des documents administratifs des véhicules ainsi qu'à des contrôles physiques et périodiques des véhicules, mission qui apparaissait à l'article 5 du contrat de financement ainsi que dans le cadre de la convention de contrôle établie entre la Banque populaire d'Alsace et Auxiga et le relever des « Obligations de l'Emprunteur vis-à-vis d'Auxiga » ; que cette dernière société a rempli ses engagements en recueillant les documents administratifs des véhicules en cause et en assurant un contrôle visuel régulier de ces derniers dans leur lieu de dépôt ; que toutefois, dans le cadre de la procédure collective dont la société Alsace camping cars a fait l'objet, il est apparu que préalablement à cette mesure judiciaire, elle n'avait pas respecté les conditions du contrat de financement ; qu'en effet, elle avait cédé l'un des véhicules gagés à un concessionnaire allemand et les autres véhicules avaient fait l'objet d'une cession entre elles et les entreprises X...automobiles et Jean Robert automobiles, dans le cadre d'opérations de compensation de compte d'associé ou entre sociétés ; que ces cessions ont pu être facilitées par le fait que l'entrepôt dans lequel se trouvaient les véhicules contrôlés par la société Auxiga était partagé par les deux autres entreprises concernées, sans que les consorts X..., gérant ou dirigeant de ces dernières, n'aient cru opportun de signaler cette situation ; que ces agissements réalisés en fraude aux droits des créanciers des entreprises concernées ont donné lieu à la condamnation des appelants dans le cadre d'une procédure en comblement du passif par arrêt de la première chambre civile de la cour de céans en date du 21 juillet 2009 ; que cette décision avait rappelé que le capital de l'entreprise Alsace camping cars était détenu par MM. X...Emmanuel, X...Jean-Robert et Mme Christine Y..., épouse X..., ainsi que par les sociétés Jean Robert automobiles et X...autos que les appelants contrôlaient également, et que les comptes courants d'associés de ces deux dernières entreprises avaient respectivement été crédités de 181 049, 85 euros et de 285 400, 35 euros, notamment par la cession des véhicules détenus en stock par la société Alsace camping cars (pour un montant total de 197 249, 99 euros) ; que la cour avait d'ailleurs relevé que ces cessions étaient contraires aux intérêts de la débitrice et constituaient une faute de gestion justifiant la condamnation des appelants à contribuer au passif de celle-ci, et ce « indépendamment de la question de l'inobservation de la législation sur les conventions réglementaires et de la violation des droits de la Banque populaire d'Alsace » ; que dès lors, l'action en comblement de passif a bien une cause et un objet différent de l'action civile menée dans le cadre d'une procédure pénale relative à des faits de détournements de gage pour lesquels les appelants ont été condamnés par la décision entreprise et dont ils n'ont pas interjeté appel quant aux dispositions pénales ; que la Banque populaire d'Alsace est donc bien recevable en sa constitution de partie civile et peut prétendre à l'indemnisation de son préjudice au regard du détournement de gage dans lequel elle était partie prenante en sa qualité de créancière ; qu'il convient donc de confirmer la décision entreprise tant sur le principe de la recevabilité de cette constitution de partie civile que sur celui de la déclaration de responsabilité entière et solidaire de MM. Emmanuel X...et Jean-Robert X...face au préjudice subi par la Banque populaire d'Alsace et de la condamnation de ces derniers à payer à la partie civile la somme de 197 249 euros correspondant au prix des sept véhicules gagés ainsi que la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice matériel et financier ;
" aux motifs adoptés que la SA Alsace camping cars, gérée de droit par M. Emanuel X...et de fait par M. Jean-Robert X...était liée à la Banque populaire d'Alsace par un contrat de financement de véhicules en stock du 3 mai 2002 au terme duquel elle s'est interdit d'aliéner les véhicules constituant la garantie de prêt, sans l'autorisation écrite du mandataire de la banque, la société Auxiga ; que la société Alsace camping cars a été admise au bénéfice de la liquidation le 14 décembre 2004 ; qu'il ressortait du rapport du mandataire liquidateur, Me Z..., que le 31 décembre 2003, la SA Alsace camping cars cédait sept camping-cars gagés du profit de la Banque populaire aux sociétés J. R. X...e X...autos pour un prix de 197 249, 99 euros, payé par compensation avec les créances que ces deux sociétés détenaient sur Alsace camping cars au titre d'avance en compte courant d'associé ; que M. Emmanuel X...s'est rendu coupable de détournement de gage tandis que M. Jean-Robert X...a été déclaré coupable des délits d'abus de biens sociaux et de banqueroute visant le sort de ces mêmes véhicules à l'origine directe du préjudice financier subi par la Banque populaire ; qu'il est constant que ces véhicules n'ont pas été restitués de sorte que la banque n'a pu réaliser, même partiellement son gage ; que la valeur desdits véhicules a été fixée par la Banque populaire à un montant de 209 341, 98 euros au 31 août 2005 ; qu'il convient toutefois de limiter l'évaluation au montant retenu dans le cadre de la procédure collective au titre de la diminution d'actifs d'Alsace camping cars du fait de la cession litigieuse soit 197 249 euros ; que suivant arrêt de la cour d'appel de Colmar du 21 juillet 2009, MM. Emmanuel et Jean-Robert X...ont certes été solidairement condamnés à payer la somme de 470 000 euros à Me Z... es qualité au titre de leur contribution au passif de la société Alsace camping cars, montant correspondant à l'insuffisance d'actif généré de façon certaine au cours de l'année 2004 et comprenant la cession des sept camping-cars par Alsace camping cars pour la somme de 197 249 euros ; que pour autant l'action civile en réparation exercée au pénal dont la cause et l'objet sont différentes demeure recevable, précision faite que, le cas échéant, les montants obtenus dans le cadre de l'action en comblement de passif s'imputeront nécessairement sur la condamnation civile ; qu'il convient, par conséquent, de condamner solidairement MM. Emmanuel X...et Jean-Robert X...à payer à la Banque populaire populaire d'Alsace la somme de 197 249 euros en réparation de son préjudice consécutif à l'aliénation des sept véhicules gagés ; que la Banque populaire d'Alsace a été contrainte à de multiples démarches pour faire reconnaître ses droits et justifie à ce titre d'un préjudice matériel et financier qui sera équitablement réparé par un montant de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
" 1°) alors que lorsque le redressement ou la liquidation judiciaires d'une société à responsabilité limitée fait apparaître une insuffisance d'actif, les dispositions de l'article L. 651-2 du code de commerce, qui ouvrent aux conditions qu'elles prévoient une action en paiement des dettes sociales ayant contribué à l'insuffisance d'actif, ne se cumulent pas avec celles de l'article 1382 du code civil, sauf à démontrer que la victime a éprouvé un préjudice personnel ; qu'il s'ensuit que la victime de diverses infractions est irrecevable à exercer contre les dirigeants sociaux de fait ou de droit auxquels elle impute un abus de biens sociaux, une banqueroute et un détournement d'actifs, l'action en réparation du préjudice en résultant du fait du détournement des biens gagés ; qu'en allouant à la société Banque populaire d'Alsace des dommages-intérêts d'un montant de 197 249 euros en réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait de l'abus de biens sociaux, de la banqueroute et du détournement de gage dont elle avait été victime, bien qu'ils aient déjà été condamnés à contribuer à l'insuffisance d'actif social de la société Alsace camping cars à concurrence de la somme de 470 000 euros, y compris la valeur des biens donnés à gage dont le créancier gagiste avait été privé, la cour d'appel, qui n'a pas vérifié que la société Banque populaire d'Alsace avait subi un préjudice personnel, s'est déterminée par des motifs impropres à établir qu'elle était recevable à exercer une action civile en l'état du principe de non-cumul de l'action en comblement de passif avec le droit commun de la responsabilité civile ; qu'ainsi, elle a violé les dispositions précitées ;
" 2°) alors qu'en s'abstenant de répondre au moyen par lequel les consorts X...ont soutenu qu'ils avaient déjà été condamnés, pour les mêmes faits, à combler l'insuffisance d'actif de la société Alsace camping cars, ce qui interdisait à la chambre des appels correctionnels de la condamner à réparer deux fois le même préjudice, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;
" 3°) alors que, subsidiairement, la recevabilité d'une action en responsabilité personnelle engagée par un créancier à l'encontre du dirigeant d'une société mise en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture, est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel distinct de celui des autres créanciers ; qu'il s'ensuit qu'en l'état du détournement d'actif dont il se dit victime, le créancier gagiste ne peut prétendre qu'à l'indemnisation de son préjudice individuel qui ne constitue tout au plus qu'une perte de chance sans être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en allouant à la société Banque populaire d'Alsace la réparation de son entier préjudice consistant en la valeur des biens gagés qui avaient été détournés à son détriment, bien que les consorts X...aient déjà été condamnés à contribuer à l'insuffisance d'actif social, en ce compris la valeur des biens donnés à gage, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si la société Banque populaire d'Alsace ne pouvait prétendre qu'à l'élément du préjudice constitué par la perte d'une chance de ne pas être payée de sa créance dans la procédure collective de la société Alsace camping cars, a confondu le préjudice collectif des créanciers avec le préjudice individuel subi par le créancier gagiste dont seule la banque pouvait obtenir réparation ; qu'ainsi, elle a violé les dispositions précitées ;
" 4°) alors, très subsidiairement, qu'à supposer que la condamnation du dirigeant à contribuer à l'insuffisance sociale à raison du détournement de gage ne s'oppose pas à ce qu'un créancier se constitue partie civile pour des faits identiques sous la prévention d'abus de biens sociaux, de banqueroute et du détournement de biens sociaux qu'il impute au dirigeant de la société pour des faits identiques, la part d'insuffisance d'actif mise à sa charge doit être déduite des dommages-intérêts alloués à la victime par le juge répressif pour l'infraction d'escroquerie ; qu'en allouant à la société Banque populaire d'Alsace des dommages-intérêts d'un montant de 197 249 euros, outre ceux de 5 000 euros en réparation du préjudice qu'elle avait subi du fait du détournement de gage dont elle avait été victime, bien qu'elle ait déjà été condamnée à contribuer à l'insuffisance d'actif social de la société Alsace camping cars à concurrence de la somme de 197 249 euros, la cour d'appel qui n'a pas déduit des dommages-intérêts alloués à la victime le montant de l'insuffisance d'actif social mis à la charge des consorts X..., a violé les dispositions précitées " ;
Attendu que, pour déclarer recevable la constitution de partie civile de la Banque populaire d'Alsace, créancière gagiste de la société Alsace camping cars, ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire, fixer le montant du dommage et déterminer les sommes que MM. Jean-Robert et Emmanuel X..., dirigeants de droit et de fait de cette société, seront tenus solidairement de lui verser, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il ressort que l'action civile en réparation du préjudice résultant des délits de banqueroute par détournement d'actifs et de détournement de gage dont les prévenus ont été déclarés coupables a un objet différent de celui de l'action en comblement de l'insuffisance d'actif, la cour d'appel qui, pour le surplus, n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, les indemnités propres à réparer les dommages nés de ces infractions, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ; Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;
FIXE à 3 000 euros la somme que MM. Jean-Robert et Emmanuel X...devront payer à la Banque populaire d'Alsace au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
DÉCLARE IRRECEVABLE la demande au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale présentée par MM. Jean-Robert et Emmanuel X...;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze mars deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et M. Bétron greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-86155
Date de la décision : 11/03/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 05 juillet 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mar. 2015, pourvoi n°13-86155


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Boullez, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.86155
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