LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 16 mai 2013), que la société Jouan entreprise a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 8 juillet et 16 décembre 2009 ; que par ordonnances des 20 août et 25 novembre 2010, le juge-commissaire a accueilli la demande de la société Mitsubishi Electric Europe BV (la société Mitsubishi) en revendication du prix de matériels vendus sous réserve de propriété, revendus à la société Beaumont d'Autry (la SCICV) pour un montant de 83 190,50 euros TTC, et autorisé la société Mitsubishi à recouvrer directement cette somme sur le sous-acquéreur ; que le 29 décembre 2010, la société Mitsubishi a assigné la SCICV en paiement devant le tribunal de grande instance ;
Attendu que la SCICV fait grief à l'arrêt de déclarer l'action de la société Mitsubishi recevable, de dire que les ordonnances des 20 août et 25 novembre 2010 lui sont opposables avec force de chose jugée et de la condamner à payer la somme de 83 190,50 euros à la société Mitsubishi alors, selon le moyen :
1°/ qu'à défaut de respect de la procédure devant le juge-commissaire, l'action en revendication du vendeur de meubles est irrecevable ; qu'en déclarant recevable l'action en revendication exercée par le vendeur contre le sous-acquéreur, tout en constatant que la procédure devant le juge-commissaire était entachée d'irrégularités, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles R. 624-13 et R. 621-21 du code de commerce ;
2°/ qu'une ordonnance du juge-commissaire n'est opposable à une personne que si elle lui a été notifiée par le greffe ; qu'ayant relevé que les ordonnances du juge-commissaire n'avaient pas été notifiées au sous-acquéreur par le greffe, l'arrêt attaqué ne pouvait pas déclarer que la signification effectuée plus tard avait valablement fait courir contre elles le délai de recours de dix jours et en déduire que ces ordonnances étaient opposables au sous-acquéreur de sorte que l'action en revendication exercée à son encontre était recevable ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article R. 621-21 du code de commerce ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel n'ayant pas constaté que la procédure devant le juge-commissaire était entachée d'irrégularités, le grief de la première branche manque en fait ;
Attendu, d'autre part, qu'il résulte de l'article 651, alinéa 3, du code de procédure civile qu'est autorisée la notification d'un jugement par voie de signification à l'initiative d'une partie, alors même que la loi la prévoit en la forme ordinaire à la diligence du greffe ; qu'ayant relevé que les ordonnances du juge-commissaire des 20 août et 25 novembre 2010 avaient été signifiées à la SCICV, à l'initiative de la société Mitsubishi, par acte d'huissier délivré le 6 décembre 2012 reproduisant de manière très apparente l'article R. 621-21 du code de commerce qui précise le délai du recours et ses modalités, la cour d'appel en a exactement déduit que cette signification avait fait courir le délai de recours de dix jours ouvert par ce texte ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Beaumont d'Autry aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Mitsubishi Electric Europe BV la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour la société SCICV Beaumont d'Autry.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir déclaré l'action en revendication d'un vendeur de meubles (la société Mitsubishi) recevable, décidé que la signification des ordonnances des 20 août et 25 novembre 2010 délivrée au sous-acquéreur (la SCICV Beaumont d'Autry, l'exposante) par acte d'huissier en date du 6 décembre 2012 avait fait courir le délai de recours de l'article R. 621-21 du code de commerce, constaté que le sous-acquéreur n'avait pas formé de recours dans le délai de dix jours, et d'avoir, en conséquence, dit que les ordonnances lui étaient opposables avec force de chose jugée, déclaré irrecevables les moyens soulevés par le sous-acquéreur pour contester lesdites ordonnances, et condamné celui-ci à payer au vendeur la somme de 83.190,50 € ;
AUX MOTIFS QUE la société Mitsubishi fondait son action en paiement contre la SCICV Beaumont d'Autry sur les ordonnances des 20 août 2010 et 25 novembre 2010 aux termes desquelles le juge-commissaire, statuant sur la requête en revendication et sur la requête en omission de statuer formées par la société Mitsubishi, avait déclaré bien fondée la revendication du prix et avait pris acte de ce que l'intéressée ferait son affaire du recouvrement de la somme de 83.190,50 € correspondant au prix de ses produits grevés d'une réserve de propriété revendus par la société Jouan Entreprise à la société Axiome ; que la SCICV Beaumont d'Autry ne contestait pas venir aux droits et obligations de la société Axiome ; que la SCICV Beaumont d'Autry n'avait pas été avisée des requêtes en revendication et en omission de statuer, n'avait pas été appelée aux audiences du juge-commissaire et n'était donc pas partie aux ordonnances ; que toutefois les ordonnances du juge-commissaire étaient rendues opposables aux tiers lorsqu'elles avaient été notifiées à ceux-ci ; que les ordonnances des 20 août et 25 novembre 2010 avaient fait l'objet d'une signification par acte d'huissier délivrée le 6 décembre 2012 postérieurement au jugement déféré ; que la société Mitsubishi soutenait à bon droit que, selon l'article 651 du code de procédure civile, la notification pouvait toujours être faite par voie de signification quand bien même la loi l'aurait prévue sous une autre forme ; que la signification des ordonnances par acte d'huissier délivrée le 6 décembre 2012 à la SCICV Beaumont d'autry avait donc fait courir le délai de dix jours du recours de l'article R. 621-21 du code de commerce, étant observé que cet acte reproduisait de manière très apparente le texte précisant le délai du recours et ses modalités et que la SCICV Beaumont d'Autry n'invoquait aucun moyen de nullité de cet acte ; qu'il était constant que celle-ci n'avait pas formé de recours devant le tribunal de commerce de Rennes par application de l'article R. 621-21 ; qu'il s'en déduisait que les ordonnances des 20 août et 25 novembre 2010 étaient opposables à la SCICV Beaumont d'Autry avec force de chose jugée ; que le jugement devait être infirmé en ce qu'il avait déclaré irrecevable l'action pour la raison que les ordonnances n'avaient pas été notifiées à l'intéressée, étant observé que la cour était saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel et statuait en l'état du dossier qui lui était soumis, et donc au vu de la signification des ordonnances postérieures au jugement (arrêt attaqué, p. 4, alinéa 5 ; p. 5, alinéas 1 à 4 et 6 à 9) ;
ALORS QUE, d'une part, à défaut de respect de la procédure devant le juge-commissaire, l'action en revendication du vendeur de meubles est irrecevable ; qu'en déclarant recevable l'action en revendication exercée par le vendeur contre le sous-acquéreur, tout en constatant que la procédure devant le juge-commissaire était entachée d'irrégularités, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles R. 624-13 et R. 621-21 du code de commerce ;
ALORS QUE, d'autre part, une ordonnance du juge-commissaire n'est opposable à une personne que si elle lui a été notifiée par le greffe ; qu'ayant relevé que les ordonnances du juge-commissaire n'avaient pas été notifiées au sous-acquéreur par le greffe, l'arrêt attaqué ne pouvait pas déclarer que la signification effectuée plus tard avait valablement fait courir contre elles le délai de recours de dix jours et en déduire que ces ordonnances étaient opposables au sous-acquéreur de sorte que l'action en revendication exercée à son encontre était recevable ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article R. 621-21 du code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevables les moyens soulevés par un sous-acquéreur de meubles (la SCICV Beaumont d'Autry, l'exposante) pour con-tester des ordonnances ayant fait droit à la revendication du vendeur (la société Mitsubishi) et d'avoir condamné le premier à payer au second la somme de 83.190,50 € ;
AUX MOTIFS QU'il avait été définitivement jugé que l'action en revendication du prix de la société Mitsubishi à l'encontre de la SCICV Beaumont d'Autry était régulière et bien fondée, à hauteur de la somme de 83.190,50 € ; que les moyens soulevés par la SCICV Beaumont d'Autry pour contester cette décision étaient donc irrecevables, ceux concernant l'absence de preuve d'une clause de réserve de propriété convenue entre les parties, ceux concernant l'absence de preuve de l'identification des matériels livrés à la société Axiome, et a fortiori ceux concernant le prix des matériels impayés ; qu'il en résultait que l'action en paiement de la société Mitsubishi, intentée en exécution de l'autorisation donnée par le juge-commissaire, était bien fondée ; qu'il y serait fait droit (arrêt attaqué, p. 6, attendus 2 et 4) ;
ALORS QUE si le juge-commissaire est compétent pour autoriser le vendeur de meubles à revendiquer le prix des biens vendus entre les mains du sous-acquéreur, il ne peut statuer au fond sur la demande en paiement formée par le premier contre le second ; qu'en retenant que, par ses ordonnances, le juge-commissaire avait valablement et définitivement statué sur le sort des sommes résultant de la vente des biens avec clause de réserve de propriété et condamné le sous-acquéreur à en verser le montant au vendeur de meubles, la cour d'appel a violé l'article R. 624-14 du code de commerce.