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05/03/2015 | FRANCE | N°14-11205

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 05 mars 2015, 14-11205


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (la société Cifraa), a consenti à M. X... et à Mme Y..., tenus solidairement, deux prêts destinés au financement de l'acquisition d'une maison d'habitation ; qu'ayant, en vain, mis en demeure Mme Y..., après le prononcé du redressement judiciaire de M. X..., de régler les échéances des prêts restant dues, la société Cifraa l'a assignée en paiement

; que Mme Y...lui a opposé qu'elle avait failli à son obligation de conseil e...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne (la société Cifraa), a consenti à M. X... et à Mme Y..., tenus solidairement, deux prêts destinés au financement de l'acquisition d'une maison d'habitation ; qu'ayant, en vain, mis en demeure Mme Y..., après le prononcé du redressement judiciaire de M. X..., de régler les échéances des prêts restant dues, la société Cifraa l'a assignée en paiement ; que Mme Y...lui a opposé qu'elle avait failli à son obligation de conseil et de mise en garde ;
Attendu que pour fixer à la somme de 11 184, 76 euros le montant de la réparation du préjudice subi par Mme Y..., né du manquement de la banque à son devoir de conseil, l'arrêt retient que ce préjudice est égal à la différence entre la créance de la société Cifraa et la valeur du bien ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice né de la défaillance de la banque s'analysait en une perte de chance, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, mieux informée, Mme Y...aurait renoncé à acquérir le bien litigieux ou l'aurait acquis à des conditions plus avantageuses, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Condamne le Crédit immobilier de France Rhône Alpes Auvergne aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

.
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour Mme Y....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir limité le montant du préjudice de Madame Y...à la somme de 11. 184, 76 euros et d'avoir en conséquence condamné cette dernière à payer au Crédit Immobilier de France Rhône Alpes la somme de 155. 000 euros correspondant à la différence entre les sommes dues à l'établissement de crédit par l'emprunteuse et le montant du préjudice de cette dernière ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la banque n'a pas fait établir le questionnaire habituel sur les ressources des emprunteurs, de sorte qu'elle n'est pas en mesure d'apporter la preuve des renseignements qu'elle a pu recevoir au moment de la conclusion du contrat de prêt ;
Que les premiers juges s'en sont donc tenus à juste titre aux pièces produites par les parties pour en tirer la conclusion que le montant des échéances de deux prêts représentait sensiblement la moitié de leurs revenus, au demeurant très modestes, alors qu'ils avaient la charge d'un jeune enfant ;
Que la banque fait valoir que les emprunteurs auraient remboursé les premières échéances du prêt, et qu'ainsi la preuve de leur capacité de remboursement serait rapportée ;
Mais que cet argument présente un caractère fallacieux dès lors que, pour le prêt principal, les emprunteurs ont utilisé la faculté de différer le remboursement pendant 24 mois en vertu de la « période d'anticipation » prévue au contrat, que pour le prêt « taux 0 », seules les premières échéances ont été payées alors que pour le prêt principal, aucune des échéances n'a été payée (pièce n° 2-2 de la banque) ;
Que le crédit foncier le crédit immobilier fait encore valoir que la prise d'hypothèque sur un bien serait nécessairement adaptée aux capacités financières du constituant et au risque de l'endettement né de l'octroi du crédit et qu'ainsi, la banque qui ferait souscrire une telle sûreté ne saurait en aucun cas être tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard du constituant ;
Mais que les jurisprudences citées concernent les sûretés réelles consenties pour garantir la dette d'un tiers, de sorte qu'elles ne sauraient recevoir application en la présente espèce, puisqu'en effet, les emprunteurs répondent de leurs engagements sur tout le patrimoine, et en dépit du fait que la banque a réussi à tromper la religion du juge commissaire du Tribunal de commerce d'Annecy en invoquant ces jurisprudences ;
Que les premiers juges en ont tiré à juste titre la conclusion que la banque avait manqué à son devoir de conseil ;
Que les prétentions de Madame Y...visent à lui permettre de rester propriétaire de sa maison sans en payer le prix, alors que la banque aurait dû refuser d'octroyer le prêt ayant permis l'acquisition de cette maison de sorte que la réparation accordée à Madame Y...ne saurait aller au-delà de la différence entre la créance de la banque et la valeur de ce bien ;
Que les premiers juges ont ainsi estimé à juste titre que Madame Y...et son compagnon ne pouvaient répondre de leurs engagements au-delà de la valeur de l'immeuble, de sorte qu'il y ait lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « tout banquier est tenu à l'égard de ses emprunteurs profanes d'un devoir de mise en garde qui l'oblige, avant d'apporter son concours, à vérifier les capacités financières de son client ;
Qu'en l'espèce, il ressort des pièces versées au dossier qu'en janvier 2007, Monsieur Mickaël X... et à Mademoiselle Elodie Y..., emprunteurs profanes, ont souscrit auprès du Crédit Immobilier deux emprunts de 138. 180 ¿ et 14. 250 ¿ ce qui représentait des remboursements mensuels de 725, 38 ¿ et 152, 16 ¿ soit un total de 877, 54 euros ; qu'à cette époque, ces emprunteurs cumulaient des revenus de 1711 euros ; que la charge de leur remboursement s'élevait donc à 51 % de leurs revenus ce qui constitue un taux excessif d'autant que ces emprunteurs avaient un enfant à charge, que la situation professionnelle de Monsieur X... qui commençait une activité à son compte, était incertaine et que Mademoiselle Y...ne bénéficiait pas d'une assurance perte d'emploi ;
Qu'eu égard à cette insuffisance de leurs capacités financières pour rembourser les emprunts souscrits auprès du Crédit Immobilier, celui-ci aurait du les mettre en garde sur les difficultés qu'ils encourraient ;
Qu'en ne satisfaisant pas à cette obligation, le Crédit Immobilier a commis, à l'égard de Mademoiselle Y..., une faute qui engage sa responsabilité ; qu'elle n'est pas fondée à se prévaloir à cet égard de l'absence de tout risque de non-paiement du fait que le paiement de la dette était garanti par une hypothèque puisque précisément la valeur de cette hypothèque est inférieure au montant des sommes dues (166. 184, 76 euros en principal) ; qu'en effet, il ressort d'une expertise versée au dossier que la valeur du bien immobilier des défendeurs peut être fixée à la somme de 155. 000 euros net vendeur ;
Qu'il s'ensuit que contrairement à ce que soutient Madame Y..., le préjudice consécutif à la faute du Crédit Immobilier dans son devoir de mise en garde, ne saurait être constitué par le montant des sommes dues à la banque mais par la différence entre le montant des sommes par elle dues au Crédit Immobilier et la valeur du bien hypothéqué soit la somme de 11. 184, 76 euros ;
Qu'en outre, la banque, qui n'aurait pas du consentir les prêts en cause, n'est fondée à percevoir que les intérêts légaux ;
Qu'il résulte de ce qui précède qu'il ne reviendra à la banque que la somme de 155. 000 euros (166. 184, 76 euros, montant de sa créance moins 11. 184, 76 euros, montant du préjudice causé) (¿) » ;
ALORS QUE le préjudice né d'un manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s'analyse en la perte d'une chance de ne pas contracter ; qu'en énonçant que la banque aurait dû refuser d'octroyer le prêt ayant permis l'acquisition par Madame Y...de sa maison tout en concluant que la réparation accordée à l'emprunteuse ne pouvait aller au-delà de la différence entre la créance de la banque et la valeur du bien pour juger que la somme devant revenir à la banque s'établissait à la somme de 155. 000 euros correspondant à la différence entre 166. 184, 76 euros (montant de la créance de la banque) et 11. 184, 76 euros (montant du préjudice subi par Madame Y...) la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 14-11205
Date de la décision : 05/03/2015
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 10 janvier 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 05 mar. 2015, pourvoi n°14-11205


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Marc Lévis

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.11205
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