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04/03/2015 | FRANCE | N°13-20496

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 04 mars 2015, 13-20496


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 mai 2013) que Mme
X...
, engagée le 25 février 2004 en qualité d'auxiliaire vétérinaire par la société des docteurs vétérinaires Y...- Z..., a, après avoir été licenciée pour faute grave le 16 décembre 2010, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant notamment à l'annulation de son licenciement pour des faits de harcèlement sexuel et moral ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire nul le

licenciement et de le condamner à payer à la salariée les indemnités et dommages-i...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 mai 2013) que Mme
X...
, engagée le 25 février 2004 en qualité d'auxiliaire vétérinaire par la société des docteurs vétérinaires Y...- Z..., a, après avoir été licenciée pour faute grave le 16 décembre 2010, saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes tendant notamment à l'annulation de son licenciement pour des faits de harcèlement sexuel et moral ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire nul le licenciement et de le condamner à payer à la salariée les indemnités et dommages-intérêts afférents, alors, selon le moyen :
1°/ que le harcèlement sexuel est constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui, soit portent atteinte à la dignité de la victime en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; que les correspondances de M. Y... citées par l'arrêt attaqué n'apparaissant que comme la simple expression de ses sentiments amoureux pour Mme
X...
, en l'absence de propos indécents ou obscènes adressés à cette dernière de nature à affecter sa pudeur et sa dignité dans la vie professionnelle, la cour d'appel, en jugeant nul le licenciement pour avoir été prononcé après un harcèlement sexuel, a violé l'article L. 1153-1 du code du travail ;
2°/ que les tensions en partie imputables au salarié qui s'en plaint ne caractérisent pas un harcèlement ; que, dès lors, en disant le licenciement nul pour avoir été prononcé après un harcèlement sexuel et moral, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la responsabilité de la dégradation des rapports entre l'employeur et la salariée, cause du licenciement, n'était pas, au moins pour partie, imputable au comportement de Mme X... qui, d'une part, bien qu'amie avec Mme Z..., avait continué de recevoir ses confidences sur ses difficultés conjugales sans l'informer des véritables sentiments de son époux, d'autre part, avait conservé et vérifié régulièrement les comptes e-mails ouverts par M. Y... pour y correspondre secrètement avec elle, entretenant ainsi ce dernier dans ses errements amoureux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail ;
3°/ que durant la période probatoire, chacune des parties dispose d'un droit de résiliation unilatéral, sans avoir à alléguer de motif ; que, dès lors, l'employeur n'ayant pas à motiver sa décision de rompre la période probatoire, en lui reprochant néanmoins de n'avoir pas justifié la rupture anticipée de la période probatoire par des griefs tangibles concernant la manière dont Mme X... s'acquittait de la tâche qui lui était confiée, pour en déduire que le licenciement de celle-ci était nul pour avoir été prononcé après un harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;
4°/ que le harcèlement moral ne saurait être caractérisé sur la base d'éléments de fait qui relèvent de l'exercice normal par l'employeur de sa mission de direction et de coordination d'une équipe d'auxiliaires vétérinaires ; que, dès lors, les faits dénoncés par la salariée ayant relevé de l'exercice normal par l'employeur de sa mission de coordination des dates de congés des auxiliaires vétérinaires de la clinique, la cour d'appel, en jugeant nul le licenciement de Mme
X...
pour avoir été prononcé après un harcèlement moral, a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'il résulte des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail que peuvent constituer un harcèlement moral des agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Et attendu que, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel, procédant à la recherche prétendument omise, a retenu, d'une part, que la salariée avait allégué un certain nombre de faits suffisamment précis comme des courriels émanant du mari de la gérante, tous deux associés de la clinique vétérinaire, relatifs à ses tentatives de séduction de la salariée et ses relances l'exposant à des contraintes anxiogènes, la décision pénalisante prise par la gérante en matière de congés et le retrait de sa qualité de cadre sans motif des certificats médicaux relatifs à son état anxio-dépressif, faits dont la nature et le nombre permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, et d'autre part, que l'employeur n'avait pas démontré que ces agissements étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le moyen qui critique un motif erroné mais surabondant dans sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société des docteurs vétérinaires Y...- Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mars deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société des docteurs vétérinaires Y...- Z....
Il est reproché à l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, d'avoir dit que le licenciement de Mme Florence X... était nul pour avoir été prononcé après un harcèlement sexuel et moral et, en conséquence, d'avoir condamné la SCP des docteurs vétérinaires Y...- Z... à lui payer les indemnités et dommages-intérêts afférents ;
AUX MOTIFS QUE l'employeur indique que la première manifestation d'un intérêt de M. Y... pour Mme
X...
a été un sms envoyé fin 2009, qui faisait suite à une brève discussion à la clinique où M. Y... avait laissé entrevoir à Mme
X...
ses interrogations sur son avenir professionnel et conjugal ; que quelques dizaines de minutes plus tard Mme X... lui a répondu par sms : « Voulez-vous qu'on en parle ? » ; que M. Y... lui a alors avoué qu'il pensait de plus en plus souvent à elle ; que Mme X... lui a alors écrit : « Il faut vraiment qu'on parle » ; qu'ils se sont alors donné rendez-vous quelques jours plus tard, dans un café, en fin de matinée ; que Mme
X...
entretenait aussi de bons rapports avec Mme Y..., l'une et l'autre se faisant des confidences réciproques ; que ces relations ont brutalement cessé le 23 janvier 2010, date de la découverte des comptes e-mails « Mercantour et Brehat » ; que cette découverte a été faite par Mme Y... en prenant connaissance des correspondances par e-mails de son mari et de Mme
X...
(pièce 15 adverse) ; que, quoiqu'en dise M. Y..., il a pris l'initiative d'une correspondance avec Mme
X...
, suffisamment explicite quant à sa volonté d'avoir une liaison avec elle et qu'il ne résulte d'aucune pièce qu'il a reçu le moindre encouragement de celle-ci ; qu'au contraire, Mme
X...
, qui était appréciée dans son milieu professionnel, apparaît avoir dû assumer dans une période de crise conjugale des époux Y...- Z..., tout à la fois le rôle de salariée du couple, de confidente de Mme Valérie Z... et de femme instamment sollicitée par M. Y... ; que la société employeur dénature donc les éléments du débat pour brouiller l'image de Mme
X...
en soutenant qu'à partir de début septembre 2010, celle-ci a « rapatrié les mails secrets » du compte Mercantour vers son compte mail ASV ; qu'elle a créé spécialement un compte e-mail pour correspondre secrètement avec M. Y... et qu'elle a relevé régulièrement le courrier sur ce compte, ceci tout en continuant de recueillir les confidences de Mme Y... ; que les seuls éléments tangibles témoignent, au contraire, de l'insistance de M. Y... qui lui a écrit le 23 janvier 2010 : « je me doutais bien que votre sentiment à propos de " toi et moi " n'était pas à l'unisson du mien. Mais je m'appliquais jour après jour à ne pas l'admettre (...) Mais avec un minimum de lucidité, comment espérer faire embarquer qui que ce soit sur le bateau d'un indécis dépressif (...) Dans ces conditions, effectivement " no futur " comment pourrais-je vous en vouloir ? (...) » (pièce 14) ; que le lendemain, 24 janvier, il lui a écrit : « Valérie m'a sans doute vu hier soir lorsque je commençais d'écrire le message que je vous ai envoyé (...) J'ai refermé la messagerie avant qu'elle n'arrive dans mon bureau. Elle s'est assise et m'a demandé ce qui se passait, elle était triste, inquiète voulait vraisemblablement parler mais comme d'habitude, je n'ai pu décrocher un mot (...) Je suis rentré vers 23h30 je me suis couché. C'est quand elle m'a rejoint, qu'elle m'a dit qu'elle " avait vu mon message à Garance ". Je n'ai pas voulu en parler et lui ai simplement répondu que " ce n'était rien " et " qu'il n'y avait rien " (...) » ; qu'une autre fois encore, il a écrit à Mme X... qu'il souffrait de son absence et lui a dit : « j'ai été sincèrement épris de vous fin 2009. Toutefois la sincérité n'excuse pas tout et ma position d'employeur m'imposait certaines réserves que je n'ai hélas pas respectées en me déclarant. Il est vrai que vous m'avez dit dès le début que tout ceci était sans issue et qu'il fallait renoncer (...) Je porte donc la responsabilité d'un énorme gâchis. Valérie et vous souffrez quotidiennement, exposées à des contraintes contradictoires et anxiogènes » (e-mail du 17 novembre 2010 - pièce 11) ; qu'incontestablement, les approches de M. Y... envers Mme
X...
, dont s'est aperçue Mme Z... dès janvier 2010, soumise à des contraintes « anxiogènes », selon les propres mots de son mari, ont provoqué la dégradation des rapports entre l'employeur et la salariée ; qu'au vu de ces éléments, l'employeur ne fait pas la preuve que les faits en cause sont étrangers à tout harcèlement sexuel ; qu'en matière de planification des congés, Mme
X...
a questionné son employeur par un e-mail du 8 novembre 2010, dans ces termes : « congés payés » (pièce 7) : « je constate que cette année vous ne m'avez pas demandé, comme aux autres ASV, mes choix, pourquoi ? Choix : 28/ 2 au 6/ 3 et 3/ 1 au 9/ 1 » ; que l'employeur, qui a fait connaître à la salariée par un courriel du 4 novembre 2010, que ses choix en matière de congé étaient restreints à certaines semaines seulement et qui a négligé de la consulter sur ses désidérata, contrairement aux autres salariés, ne fait pas la preuve que sa décision a été prise sur la base d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que la société employeur conteste que le retrait de la qualité de cadre à Mme X... soit un agissement constitutif de harcèlement moral ; que cependant, en l'absence de griefs tangibles concernant la manière dont Mme X... s'est acquittée de la tâche qui lui était confiée, les allégations de l'employeur concernant les protestations des collègues de Mme X... qui trouvaient sa promotion injuste, ne peuvent suffire à établir que la décision de lui retirer sa qualité de cadre était étrangère à tout harcèlement ; que, par ailleurs, quant à l'établissement de la preuve en matière de harcèlement, sont inopérants les éléments produits par l'employeur sous forme de photographies du site Facebook de la salariée en vue d'établir qu'elle présentait, à une certaine époque, une mine épanouie ; que le fait que Mme
X...
a été victime de harcèlement sexuel et moral, qui a eu un retentissement sur sa vie professionnelle et sur sa santé, comme elle en fait la preuve au moyen de certificats médicaux, l'employeur ayant manqué à son obligation de protection de sa santé mentale en la laissant exposée à un harcèlement sexuel par son supérieur hiérarchique ;
ALORS, EN PREMIER LIEU, QUE le harcèlement sexuel est constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui, soit portent atteinte à la dignité de la victime en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ; que les correspondances de M. Y... citées par l'arrêt attaqué n'apparaissant que comme la simple expression de ses sentiments amoureux pour Mme
X...
, en l'absence de propos indécents ou obscènes adressés à cette dernière de nature à affecter sa pudeur et sa dignité dans la vie professionnelle, la cour d'appel, en jugeant nul le licenciement pour avoir été prononcé après un harcèlement sexuel, a violé l'article L. 1153-1 du code du travail ;
ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE les tensions en partie imputables au salarié qui s'en plaint ne caractérisent pas un harcèlement ; que, dès lors, en disant le licenciement nul pour avoir été prononcé après un harcèlement sexuel et moral, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la responsabilité de la dégradation des rapports entre l'employeur et la salariée, cause du licenciement, n'était pas, au moins pour partie, imputable au comportement de Mme X... qui, d'une part, bien qu'amie avec Mme Z..., avait continué de recevoir ses confidences sur ses difficultés conjugales sans l'informer des véritables sentiments de son époux, d'autre part, avait conservé et vérifié régulièrement les comptes e-mails ouverts par M. Y... pour y correspondre secrètement avec elle, entretenant ainsi ce dernier dans ses errements amoureux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1152-1 et L. 1153-1 du code du travail ;
ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE durant la période probatoire, chacune des parties dispose d'un droit de résiliation unilatéral, sans avoir à alléguer de motif ; que, dès lors, l'employeur n'ayant pas à motiver sa décision de rompre la période probatoire, en lui reprochant néanmoins de n'avoir pas justifié la rupture anticipée de la période probatoire par des griefs tangibles concernant la manière dont Mme X... s'acquittait de la tâche qui lui était confiée, pour en déduire que le licenciement de celle-ci était nul pour avoir été prononcé après un harcèlement moral, la cour d'appel a violé l'article L. 1152-1 du code du travail ;
ET ALORS, EN DERNIER LIEU, QUE le harcèlement moral ne saurait être caractérisé sur la base d'éléments de fait qui relèvent de l'exercice normal par l'employeur de sa mission de direction et de coordination d'une équipe d'auxiliaires vétérinaires ; que, dès lors, les faits dénoncés par la salariée ayant relevé de l'exercice normal par l'employeur de sa mission de coordination des dates de congés des auxiliaires vétérinaires de la clinique, la cour d'appel, en jugeant nul le licenciement de Mme
X...
pour avoir été prononcé après un harcèlement moral, a violé l'article L. 1152-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-20496
Date de la décision : 04/03/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 07 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 04 mar. 2015, pourvoi n°13-20496


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.20496
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