LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° C 13-18.086 et V 13-24.450, qui attaquent le même arrêt ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 18 février 2013), que, selon deux connaissements émis le 8 janvier 2009, la société Horn Linie a pris en charge au Havre sur le navire « Honduras Star » deux conteneurs réfrigérés à destination de Pointe-à-Pitre, le destinataire étant la société Leader Price Guadeloupe ; que des avaries aux marchandises ayant été constatées, les sociétés Covea fleet, Groupama transport, aux droits de laquelle est venue la société Helvetia, Generali IARD et Helvetia assurances (les assureurs) ont indemnisé la société Leader Price Guadeloupe et se sont prévalues de leur subrogation dans les droits de cette dernière société ; qu'ils ont assigné le capitaine du navire, les sociétés Horn Linie, Horn Antilles en dommages-intérêts ;
Sur les moyens uniques des pourvois, rédigés en termes identiques, réunis :
Attendu que les assureurs font grief à l'arrêt de renvoyer les parties à mieux se pourvoir alors, selon le moyen :
1°/ qu'en matière de transport maritime international, une clause attributive de compétence n'est opposable qu'à la partie qui en a eu connaissance et qui l'a acceptée au moment de la formation du contrat ; qu'il appartient donc au transporteur maritime qui oppose au destinataire une clause attributive de compétence de faire la preuve de ce que le connaissement stipulant ladite clause lui a été remis en son entier, recto et verso, où était mentionnée cette clause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 48 du code de procédure civile, ensemble l'article 1315 du code civil ;
2°/ que le juge ne saurait dénaturer les termes du litige ; que la cour d'appel a énoncé qu'il résulte du paragraphe 3/2 en page n° 8 de la police d'assurance souscrite par la société Leader Price Guadeloupe que celle-ci pour pouvoir bénéficier de l'indemnisation contractuellement prévue devait présenter le titre de transport original ; que cette circonstance n'a pourtant pas été invoquée par la société Horn Linie GmbH dans ses écritures d'appel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donc violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ que dans leurs écritures d'appel, les assureurs de la marchandise avaient fait valoir, s'agissant du connaissement n°LEHPTP5108WF09 en date au Havre du 8 janvier 2009, que les marchandises avaient été détruites et n'avaient donc pu être réceptionnées ; qu'en retenant cependant qu'il appartient ainsi à celui qui dénie avoir reçu le connaissement en son entier alors que la marchandise a été réceptionnée de rapporter la preuve de cette remise sans le titre adéquat ce que ne caractérise pas la production de la copie d'un courriel assorti de la seule première page du connaissement litigieux et que le rapport d'avaries établit que les experts des sociétés Horn Linie et Leader Price Guadeloupe ont été destinataires en copie du connaissement litigieux et qu'ils n'ont porté aucune réserve éventuelle sur l'exemplaire présenté, sans se prononcer sur la perte des marchandises transportées sous couvert du second connaissement, ce qui a rendu impossible leur livraison, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ qu'aux termes de l'article 23-1 c) du Réglement (CE) du 22 décembre 2000, la convention attributive de juridiction doit être conclue dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ; qu'en matière de commerce maritime international, les connaissements émis par les transporteurs maritimes mentionnent des clauses attributives de compétence désignant différents fors, sans rapport avec l'exécution du contrat de transport, de sorte que l'on ne peut en déduire aucun usage régulièrement observé dans ce type de commerce ; qu'en l'espèce, le transport maritime litigieux a été effectué par un transporteur maritime allemand sur une ligne reliant deux ports français ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs impropres à établir que la désignation de la High Court of Justice par la clause attributive de compétence correspondait à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est sans méconnaître l'objet du litige que la cour d'appel, qui a pris en considération la police d'assurance qui était dans le débat, a retenu que la société Leader Price Guadeloupe devait présenter les connaissements originaux aux assureurs pour bénéficier de l'indemnisation ;
Attendu, en second lieu, qu'en présence d'une clause attributive de juridiction convenue entre un transporteur et un chargeur et insérée dans un connaissement, il n'appartient pas à la juridiction saisie de vérifier, au regard des exigences énoncées par l'article 23, premier alinéa, du Règlement (CE) n°44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, la réalité du consentement à cette clause invoquée contre le tiers porteur du connaissement, dès lors que ce dernier succède aux droits et obligations du chargeur en vertu du droit national applicable ; que l'arrêt retient que la clause litigieuse stipule expressément que le droit applicable au contrat de transport est le droit anglais et que, selon celui-ci, dont la teneur est établie par un affidavit, le destinataire, tiers porteur du connaissement, succède, en l'acquérant, au chargeur dans ses droits et obligations ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui n'avait pas à faire la recherche invoquée par la quatrième branche, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la deuxième, a légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne les sociétés Covea fleet, Helvetia SA, Generali IARD et Helvetia assurances aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour les sociétés Covea fleet, Helvetia, Generali IARD et Helvetia assurances, demanderesses aux pourvois n° C 13-18.086 et V 13-24.450.
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR, infirmant le jugement rendu le 4 novembre 2011 par tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes des conclusions contradictoirement échangées par les parties, l'ordre logique de l'examen des moyens étant rétabli par la cour, le débat soumis à la cour porte sur la connaissance du contenu des connaissements ayant permis le transport maritime des marchandises adressées par la société SOMATRANS P/C GEIMEX à la société Leader Price Guadeloupe par la société de droit allemand Horn Linie entre les ports du Havre et de Pointe-à-Pitre, marchandises avariées ayant donné lieu à indemnisation par les assureurs présents litige, et sur l'opposabilité de la clause 37 portant, d'une part, application de la loi anglaise au transport international et, d'autre part, attribution de compétence aux juridictions anglaises pour apprécier du litige né de j'application de ce connaissement ; que, tout d'abord, aux termes des articles 1147 du code civil et 49 et 50 du décret du 31 décembre 1966, il est constant que, sauf convention contraire, le transporteur maritime ne peut livrer la marchandise que sur présentation de l'original du connaissement, même lorsque celui-ci est à personne dénommée et dépourvu de mention à ordre ; qu'il appartient ainsi à celui qui dénie avoir reçu le connaissement en son entier alors que la marchandise a été réceptionnée de rapporter la preuve de cette remise sans le titre adéquat ce que ne caractérise pas la production de la copie d'un courriel assorti de la seule première page du connaissement litigieux ; qu'en l'espèce, il résulte du §3/2 en page n° 8 de la police d'assurance souscrite par la société Leader Price Guadeloupe que celle-ci pour pouvoir bénéficier de l'indemnisation contractuellement prévue devait présenter le titre de transport original ; qu'à cet égard, le rapport d'avaries établit que les experts des sociétés Horn Linie et Leader Price Guadeloupe ont été destinataires en copie du connaissement litigieux et qu'ils n'ont porté aucune réserve éventuelle sur l'exemplaire présenté ; que, par conséquent, la présomption de détention de ce connaissement par la société Leader Price Guadeloupe ne peut être écartée ni non plus, par conséquent, la détention et la connaissance du connaissement en son entier ; que la lecture du recto de ce connaissement établit par ailleurs l'existence d'une clause 37 d'attribution de compétence selon une mention explicite se distinguant et se détachant clairement du corps du connaissement sous l'intitulé COPY NOT NEGOTIABLE et renvoyant expressément de manière tout aussi lisible au verso dudit connaissement ; qu'en outre, les assureurs subrogés dans les droits du destinataire ne sauraient opposer la prétendue illisibilité d'une clause expressément mise en exergue par le connaissement, de surcroît dans le cadre d'un contrat de transport international intervenu entre des sociétés toutes domiciliées sur le territoire d'États communautaires et visant à la compétence de la juridiction d'un État communautaire ; qu'ensuite, il est constant que, par application des dispositions de l'article 23 du Règlement (CE) n° 44/2001 du conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance d'exécution des décisions en matière civile et commerciale, une clause attributive de juridiction convenue entre transporteurs et un chargeur et insérée dans un connaissement, produit ses effets l'égard du tiers porteur du connaissement pour autant que, en l'acquérant, il ait succédé aux droits et obligations du chargeur en vertu du droit national applicable, tandis que, dans le cas contraire, il convient de vérifier son consentement la clause, au regard des exigences de l'article 23 précité ; qu'à cet égard, s'agissant de la loi applicable, la clause litigieuse stipule expressément que le droit applicable à ce contrat de transport et la loi anglaise dont il résulte clairement d'un affidavit rédigé par un juriste et juge anglais reconnu que, selon la loi anglaise, le destinataire, tiers porteur, en acquérant le connaissement, a succédé au chargeur dans ses droits et obligations ; que, dans ces conditions, l'émission de ce connaissement étant conforme à l'usage dont les parties avaient connaissance compte tenu de leur taille et de leur nature, s'agissant de la société Leader Price Guadeloupe, la clause attributive de juridiction insérée au connaissement ci-dessus est opposable au destinataire réel ; que dès lors, c'est å juste titre que la société Horn Linie soulève l'incompétence du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre au bénéfice de la High Court of Justice, juridiction d'un Etat communautaire, en référence à la clause 37 du connaissement ; que la décision déférée sera par conséquent infirmée en toutes ses dispositions » ;
1°/ ALORS, d'une part, QU'en matière de transport maritime internationale, une clause attributive de compétence n'est opposable qu'à la partie qui en a eu connaissance et qui l'a acceptée au moment de la formation du contrat ; qu'il appartient donc au transporteur maritime qui oppose au destinataire une clause attributive de compétence de faire la preuve de ce que le connaissement stipulant ladite clause lui a été remis en son entier, recto et verso, où était mentionnée cette clause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 48 du code de procédure civile, ensemble l'article 1315 du code civil ;
2°/ ALORS, d'autre part et en toute hypothèse, QUE le juge ne saurait dénaturer les termes du litige ; que la cour d'appel a énoncé qu'il résulte du §3/2 en page n° 8 de la police d'assurance souscrite par la société Leader Price Guadeloupe que celle-ci pour pouvoir bénéficier de l'indemnisation contractuellement prévue devait présenter le titre de transport original ; que cette circonstance n'a pourtant pas été invoquée par la société Horn Linie GmbH dans ses écritures d'appel ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a donc violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS, de troisième part et en toute hypothèse, QUE dans leurs écritures d'appel, les assureurs de la marchandise avaient fait valoir, s'agissant du connaissement n°LEHPTP5108WF09 en date au Havre du 8 janvier 2009, que les marchandises avaient été détruites et n'avaient donc pu être réceptionnées (concl., p. 4 et p. 14) ; qu'en retenant cependant qu'il appartient ainsi à celui qui dénie avoir reçu le connaissement en son entier alors que la marchandise a été réceptionnée de rapporter la preuve de cette remise sans le titre adéquat ce que ne caractérise pas la production de la copie d'un courriel assorti de la seule première page du connaissement litigieux et que le rapport d'avaries établit que les experts des sociétés Horn Linie et Leader Price Guadeloupe ont été destinataires en copie du connaissement litigieux et qu'ils n'ont porté aucune réserve éventuelle sur l'exemplaire présenté, sans se prononcer sur la perte des marchandises transportées sous couvert du second connaissement, ce qui a rendu impossible leur livraison, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS, enfin et en toute hypothèse, QU'aux termes de l'article 23-1 c) du Régl. (CE) du 22 décembre 2000, la convention attributive de juridiction doit être conclue dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée ; qu'en matière de commerce maritime international, les connaissements émis par les transporteurs maritimes mentionnent des clauses attributives de compétence désignant différents fors, sans rapport avec l'exécution du contrat de transport, de sorte que l'on ne peut en déduire aucun usage régulièrement observé dans ce type de commerce ; qu'en l'espèce, le transport maritime litigieux a été effectué par un transporteur maritime allemand sur une ligne reliant deux ports français ; qu'en statuant comme elle l'a fait, par des motifs impropres à établir que la désignation de la High Court of Justice par la clause attributive de compétence correspondait à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de la disposition susvisée.