LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 9, 24 et 25 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SCI Château des Ducs de Bretagne (la société) était propriétaire indivise d'un immeuble à Nantes, exploité à titre commercial par la société Hôtel de la Duchesse Anne ; que le 17 juin 2004 un incendie a ravagé l'hôtel assuré contre ce risque auprès de la société Albingia ; que celle-ci a désigné un expert, le cabinet Ris Saretec, l'exploitant, le Cabinet Roux, et les bailleresses, le Cabinet Collomé ; que la société a assigné ce dernier en intervention forcée en recherchant sa responsabilité pour avoir établi un état des pertes sous-évaluant son préjudice à hauteur de 1 000 000 euros ; que la cour d'appel ayant dit irrecevable l'appel en intervention forcée formé par la société contre le Cabinet Collomé, et l'ayant condamnée aux dépens, l'avoué de celui-ci a déposé un état de frais en calculant ses émoluments sur la somme de 5 537 993,05 euros, correspondant au montant de la demande faite à l'encontre de la société Albingia ; qu'il a obtenu d'un greffier un certificat de vérification arrêtant son état de frais à la somme de 13 275,81 euros ;
Attendu que pour débouter la société de sa contestation de l'état de frais de l'avoué du Cabinet Collomé, l'arrêt énonce que l'examen de l'assignation en intervention forcée démontre que la responsabilité de ce cabinet est recherchée en raison du devis d'une entreprise qui a servi de base à l'évaluation de l'expert judiciaire et dont le chiffrage a été réalisé suivant un cahier des charges et un quantitatif remis par les parties et élaboré à partir de l'état des pertes établi par ce cabinet ; qu'elle fait donc le lien entre la faute imputée à l'expert d'assuré et le montant de l'indemnité d'assurance due par la société Albingia ; qu'au demeurant la société sollicite que l'arrêt soit déclaré commun au Cabinet Collomé ; qu'il en résulte que c'est bien sur la base de la condamnation prononcée au principal contre la société Albingia que doivent être calculés les émoluments de l'avoué ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la demande en intervention forcée formée par la société à l'encontre du Cabinet Collomé n'avait ni le même objet ni le même fondement que la demande principale et ne portait que sur la somme de 1 000 000 euros, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la société Jean-Jacques Bazille aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Château des Ducs de Bretagne la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq février deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Château des Ducs de Bretagne
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la SCI Château des Ducs de Bretagne de sa contestation de l'état de frais de la SCP Jean-Jacques Bazille ;
AUX MOTIFS QUE l'article 9 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980 modifié énonce que les avoués ont droit à perception d'un émolument proportionnel à l'importance de l'affaire, tandis que les articles 24 et 25 du tarif précisent que l'intérêt du litige, apprécié pour chacune des parties, est constitué par le total de la valeur des droits réels et personnels, objet de la saisine de la cour, déterminé : - lorsqu'il s'agit d'un litige évaluable en argent, par le total le plus élevé du montant de chacune des créances ou préjudices, en capital et intérêts, reconnu et apprécié soit par le tribunal, soit par la cour et calculé suivant le barème prévu à l'article 11 du tarif ; - lorsqu'il s'agit d'un litige non évaluable en argent, à partir d'un multiple de l'unité de base, fixé eu égard à l'importance ou à la difficulté de l'affaire ; que l'examen de l'assignation en intervention forcée démontre que la responsabilité du cabinet Collomé est recherchée en raison du devis d'une entreprise qui a servi de base à l'évaluation de l'expert judiciaire et dont le chiffrage a été réalisé suivant un cahier des charges et un quantitatif remis par les parties et élaboré à partir de l'état des pertes établi par le cabinet Collomé ; qu'elle fait donc le lien entre la faute alléguée de l'expert assuré et le montant de l'indemnité d'assurance due par la société Albingia ; qu'au demeurant, la SCI Château des Ducs de Bretagne sollicite que l'arrêt soit dit commun au cabinet Collomé ; qu'il en résulte que c'est bien sur la base de la condamnation prononcée au principal contre la société Albingia que doivent être calculés les émoluments ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'émolument de l'avoué est calculé sur l'intérêt du litige apprécié pour chacune des parties ayant des intérêts distincts ; que pour déterminer l'intérêt distinct de chacune des parties intimées au sens de l'article 24 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980, il convient de se référer à la demande elle-même ; que dès lors qu'elle constatait que la demande formée par la SCI Château des Ducs de Bretagne à l'encontre du cabinet Collomé Frères ne s'élevait qu'à la somme de 1.000.000 € (arrêt attaqué, p. 2, alinéa 6), la cour d'appel ne pouvait valider un état de frais dont elle constatait qu'il avait été établi par la SCP Jean-Jacques Bazille, avoué du cabinet Collomé Frères, sur une base de 5.537.993,05 € (arrêt attaqué, p. 3, alinéa 2) ; qu'en validant néanmoins cet état de frais, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 9, 24 et 25 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980 ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU' en estimant que les émoluments de l'avoué devaient être calculés sur la base de la condamnation prononcée au principal contre la société Albingia, aux motifs que la SCI Château des Ducs de Bretagne faisait « le lien entre la faute alléguée de l'expert d'assuré et le montant de l'indemnité d'assurance due par la société Albingia » et demandait à ce que « l'arrêt soit dit commun au Cabinet Collomé » (arrêt attaqué, p. 4 in fine et p. 5 in limine), cependant que la demande formée par la SCI Château des Ducs de Bretagne était clairement identifiée et portait sur une somme de 1.000.000 €, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante et a privé sa décision de base légale au regard des articles 9, 24 et 25 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980 ;
ALORS, ENFIN, QU' en tout état de cause, en estimant que les émoluments de l'avoué devaient être calculés sur la base de la condamnation prononcée au principal contre la société Albingia, et en validant ainsi un état de frais établi sur une base de 5.537.993,05 € (arrêt attaqué, p. 3, alinéa 2), tout en constatant que la société Albingia n'avait été condamnée à payer que la moitié de cette somme à la SCI Château des Ducs de Bretagne (arrêt attaqué, p. 2 in fine), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé les articles 9, 24 et 25 du décret n° 80-608 du 30 juillet 1980.