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29/01/2015 | FRANCE | N°14-10445

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 29 janvier 2015, 14-10445


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 2013), que la société Bator a fait pratiquer, entre les mains de la société Igloo, une saisie conservatoire au préjudice de la société Rebeval ; que cette saisie conservatoire a été convertie en saisie-attribution ; que la société Bator a saisi un juge de l'exécution d'une demande tendant à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie ou, à titre subsidiaire, au paiement de dommages-intérêts ; r>Attendu que la société Igloo fait grief à l'arrêt de la condamner à verser un...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 2013), que la société Bator a fait pratiquer, entre les mains de la société Igloo, une saisie conservatoire au préjudice de la société Rebeval ; que cette saisie conservatoire a été convertie en saisie-attribution ; que la société Bator a saisi un juge de l'exécution d'une demande tendant à la condamnation du tiers saisi au paiement des causes de la saisie ou, à titre subsidiaire, au paiement de dommages-intérêts ;
Attendu que la société Igloo fait grief à l'arrêt de la condamner à verser une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution que le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s'expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée et qu'il peut être condamné à des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère ; qu'en jugeant que la SCI Igloo, tiers saisi, avait négligé de s'assurer de pouvoir être destinataire des courriers et exploits d'huissiers, tout en constatant que l'huissier de justice avait vérifié l'adresse du siège social sans mettre en oeuvre tous les moyens permettant au tiers saisi de répondre sur-le-champ, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de négligence fautive, a violé les dispositions susvisées ;
2°/ que les arrêts qui ne sont pas motivés sont déclarés nuls, et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en jugeant que la SCI Igloo avait fait preuve de négligences, sans répondre aux conclusions par lesquelles elle faisait valoir que « l'huissier de justice, passé à 11 heures 15 au lieu du siège social d'une SCI patrimoniale, avait peu de chances de procéder à une signification à personne », et citant un arrêt de la Cour de cassation jugeant qu'en cas de délivrance d'acte en mairie, l'huissier de justice ne met pas en oeuvre tous les moyens permettant au tiers saisi de répondre, ce qui était la raison pour laquelle le tiers saisi n'avait pas eu connaissance de la saisie, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision, et a violé en conséquence l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'ainsi que la cour d'appel en a rappelé le principe sans pour autant l'appliquer, « seul un défaut de renseignement autorise le juge de l'exécution et la cour d'appel statuant avec les mêmes pouvoirs à condamner le tiers saisi aux causes de la saisie » et que la SCI Igloo faisait en outre valoir que la société Bator n'avait en tout état de cause que perdu une simple chance de recouvrer sa créance, en l'état d'une réponse évasive du notaire du vendeur interpellé sur l'existence de fonds disponibles ; qu'en condamnant à titre de dommages-intérêts le tiers saisi à la totalité de la créance saisie, la cour d'appel a violé l'article R. 523-5 du code des procédures civiles d'exécution ;
Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni des pièces de la procédure que la société Igloo a soutenu devant la cour d'appel que la réparation qui pourrait résulter des manquements pouvant lui être imputés ne devrait s'analyser qu'en une perte de chance ;
Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que tous les actes avaient été délivrés au siège social de la société Igloo figurant sur le Kbis, que cette adresse, qui n'était pas contestée, avait été confirmée par le nom sur la boîte aux lettres et par le concierge, que la société Igloo aurait dû s'assurer de pouvoir être destinataire des courriers et exploits d'huissier à elle adressés même si ses associés rencontraient quelques difficultés, que la société Bator n'avait pu obtenir le recouvrement des sommes qui lui étaient dues alors qu'au moment de la saisie conservatoire la société Igloo était débitrice de la société Rebeval pour la totalité des sommes dont le recouvrement était sollicité, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à un moyen que ses constatations rendaient inopérant, a pu déduire de ces seuls motifs que le tiers saisi avait commis une négligence fautive ayant causé à la société Bator un préjudice et condamner la société Igloo au paiement de dommages-intérêts dont elle a souverainement apprécié le montant ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Igloo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Igloo à payer à la société Bator la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de la société Igloo ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la société Igloo
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la SCI Igloo à verser à la SAS Bator la somme de 52 268,38 ¿ à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la SAS Bator a fait pratiquer une saisie conservatoire le 24 février 2012 entre les mains de la SCI igloo au préjudice de l'EURL Rebeval en exécution d'une ordonnance de référé du tribunal de commerce de Paris en date du 9 mars 2012, puis convertie en saisie attribution le 21 mars 2012 ; qu'aux termes des articles R 523-4 et R 523-5 du code des procédures civiles d'exécution, le tiers est tenu de fournir sur-le-champ à l'huissier de justice les renseignements prévus à l'article L 211-3 et de lui communiquer les pièces justificatives ; que, si sans motif légitime, il ne fournit pas les renseignements prévus, il s'expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si le débiteur est condamné ; que l'huissier poursuivant doit apporter un soin particulier aux opérations de saisie et notamment à la conduite de l'interpellation du tiers saisi pour l'application de ces articles ; que seul un défaut de renseignement autorise le juge de l'exécution et la cour statuant avec les mêmes pouvoirs à condamner le tiers saisi aux causes de la saisie ; qu'en l'espèce, l'acte de saisie conservatoire était délivré, le 24 février 2012 à la SCI igloo, 107 rue de Reuilly à Paris XIIe chez Monsieur X... et Madame Y... selon les dispositions de l'article 656 du code de procédure civile par remise à l'étude d'huissier poursuivant ; que force est de constater que l'huissiers de justice n'a pas mis en oeuvre tous les moyens permettant à la SCI igloo de répondre sur-le-champ ; que les circonstances de l'interpellation constituent un motif légitime de l'absence de réponse immédiate du tiers saisi ; que par lettre en date du 19 avril 2012, Madame Emmanuelle Y..., gérante de la SCI Igloo, indique ne plus rien devoir à l'EURL Rebeval depuis le 2 mars 2012 ; que la réponse ainsi apportée n'est pas assimilable à un défaut de renseignements dans les termes de l'article R 523-4, alinéa 1, du code des procédures civiles d'exécution ; que c'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande formée par la SAS Bator au paiement les causes de la saisie sur ce fondement ; que l'alinéa 2 de l'article R 523-5 précise que le tiers saisi peut-être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligence fautive, de déclarations inexacte ou mensongère ; qu'il résulte des pièces versées au dossier que tous les actes et notamment l'acte de saisie conservatoire en date du 24 février 2012, la dénonciation des actes de poursuite de la procédure au tiers saisi en date du 2 mars 2012, la signification de l'acte de conversion de la saisie conservatoire en saisie-attribution en date du 21 mars 2012, la sommation à tiers saisi du 4 avril 2012 ont tous étés délivrés au siège social de la SCI Igloo figurant sur le K bis et confirmée par le nom sur la boîte aux lettres et par le concierge ; que d'ailleurs, l'adresse n'est pas contestée par la SCI Igloo, qui aurait dû s'assurer de pouvoir être destinataire des courriers et exploits d'huissier à elle adressés, même si ses associés rencontraient quelques difficultés ; qu'en dépit de la multiplication desdits actes, l'absence de réaction de la SCI Igloo, avant le 19 avril 2012, sans que cette dernière ne donne d'explication concernant cette date, constitue une négligence fautive susceptible de justifier l'allocation de dommages et intérêts ; que cette négligence a causé un préjudice certain de la SAS Bartor, qui n'a pu obtenir le recouvrement des sommes qui lui étaient dues, alors qu'au moment de la saisie conservatoire, la SCI Igloo était débitrice de l'EURL Rebeval pour la totalité des sommes dont le recouvrement était sollicité, tel que cela résulte de l'accord de substitution intervenu entre ces dernières, d'ailleurs signé que le 2 mars 2012, mais dont l'enregistrement prévu n'est pas produit au départ, alors que les paiements n'ont été effectués que fin décembre 2011 ; qu'il échet en conséquence de condamner la SCI igloo au paiement de la somme de 52 368,38 euros à titre de dommages-intérêts ; que le jugement sera donc confirmé sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts ;

ET AUX MOTIFS RÉPUTÉS ADOPTÉS QU'en application de l'article L 123-1 du code des procédures civiles d'exécution, lequel énumère les sanctions susceptibles de frapper le tiers saisi qui sans motif légitime, se soustrait aux obligations qui lui incombent, l'article R 523-5 du code des procédures civiles d'exécution, reprenant l'article 238 du décret du 31 juillet 1992, dispose que « le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s'expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée si le débiteur est condamné et sauf son recours contre ce dernier. Il peut aussi être condamné à des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclarations inexactes ou mensongères » ; que le tiers saisi, qui entend tenir en échec la demande de garantie formée par le créancier à titre de sanction, doit, soit démontrer une cause d'inefficacité de la saisie, soit établir son absence d'obligation à l'égard du débiteur saisi, soit encore justifier d'un motif légitime pour ne pas avoir apporté son concours, comme l'article L 123-1 du code des procédures civiles d'exécution le lui impose ; qu'en l'espèce, sont versés aux débats à l'appui de la demande : ¿ le titre exécutoire détenu par le créancier saisissant contre l'EURL Rebeval, à savoir une ordonnance de référé du 9 mars 2012 rendue par le tribunal de commerce de Paris, ¿ le procès-verbal de saisie conservatoire dressé le 24 février 2012 et signifié à l'étude, ¿ la dénonciation faite au débiteur de la saisie conservatoire de créances du 29 février 2012, ¿ la signification par dépôt à l'étude d'huissier au tiers saisi d'un acte de conversion de saisie conservatoire en date du 21 mars 2012 ; qu'il apparaît ainsi que la procédure de saisie conservatoire puis de conversion en saisie attribution est parfaitement régulière, et que le tiers saisi n'a pas fourni sur-le-champ à l'huissier les renseignements qu'il était dans l'obligation de donner ; que cependant, il convient de relever que les mesures conservatoires et d'exécution forcée ont été délivrées selon les dispositions de l'article 656 du code de procédure (civile) par dépôt de l'acte à l'étude ; que si huissier a accompli les diligences prévues par la loi en vérifiant la réalité du domicile, en déposant un avis de passage dans la boîte aux lettres et en adressant une lettre recommandée à la SCI Igloo à chacune des significations et si ces mentions font foi jusqu'à inscription de faux, il demeure qu'aucun élément n'est produit aux fins de démontrer que la SCI Igloo a réellement eu connaissance de la saisie avant toute libération des fonds ; que les accusés de réception des lettres envoyées par huissier ne sont pas fournis, hormis un retour de courrier non réclamé, et ne permettent pas de connaître leur date de présentation par les services postaux, ni de savoir à quelle date la gérante de la société a pu en avoir connaissance ; qu'or, il est établi par les factures de travaux et par les attestations produites aux débats que Madame Y..., gérante de la SCI Igloo, et Monsieur X..., associé de la SCI Igloo, n'avaient pas encore pu emménager au mois de février et mars 2012 à l'adresse postale eu égard au retard pris dans l'avancement des travaux de construction de leur immeuble ; qu'il résulte des pièces produites par les parties que la date de connaissance réelle de la saisie conservatoire et de l'acte de conversion n'est pas établi de manière certaine ; que dès lors, d'une part il ne peut être reproché à la SCI Igloo de s'être départi des fonds dans les sept jours suivant la saisie alors que la preuve de sa connaissance de l'acte avant cette date n'est pas rapportée ; que d'autre part, aucune condamnation aux causes de la saisie ne peut être prononcée dès lors que le défaut de déclaration de l'étendue des obligations dans l'immédiat est justifié par les conditions de remise des actes et d'absence au domicile déjà évoquées ; que les demandes de la société Bator sur ce point doivent donc être rejetées ; en revanche, il convient de souligner que si les circonstances de la signification peuvent justifier l'absence de réponse immédiate et le dessaisissement des sommes, il demeure que la SCI Igloo aurait dû s'assurer de pouvoir être destinataire des courriers et exploits d'huissier à elle adressés ; que la réponse particulièrement tardive de la SCI Igloo malgré les multiples courriers et avis adressés et malgré le fait que Monsieur X... expose avoir lui-même travaillé sur le chantier, est constitutive d'une négligence blâmable susceptible de justifier l'allocation de dommages et intérêts ; que cette négligence a causé un préjudice certain à la société Bator, qui n'a pas pu obtenir le recouvrement des sommes qui lui étaient dues alors qu'au moment de la saisie conservatoire, le tiers saisi était débiteur du débiteur pour la totalité des sommes dont le recouvrement était sollicité ;
1°) ALORS QU'il résulte de l'article R 523-5 du code des procédures civiles d'exécution que le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus, s'expose à devoir payer les sommes pour lesquelles la saisie a été pratiquée et qu'il peut être condamné à des dommages-intérêts en cas de négligence fautive ou de déclaration inexacte ou mensongère ; qu'en jugeant que la SCI Igloo, tiers saisi, avait négligé de s'assurer de pouvoir être destinataire des courriers et exploits d'huissiers, tout en constatant que l'huissier avait vérifié l'adresse du siège social sans mettre en oeuvre tous les moyens permettant au tiers saisi de répondre sur-le-champ, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé de négligence fautive, a violé les dispositions susvisées ;
2°) ALORS EN OUTRE QUE les arrêts qui ne sont pas motivés sont déclarés nuls, et que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motifs ; qu'en jugeant que la SCI Igloo avait fait preuve de négligences, sans répondre aux conclusions par lesquelles elle faisait valoir que « l'huissier, passé à 11 h 15 au lieu du siège social d'une SCI patrimoniale, avait peu de chances de procéder à une signification à personne » (p. 6), et citant un arrêt de la Cour de cassation jugeant qu'en cas de délivrance d'acte en mairie, l'huissier de justice ne met pas en oeuvre tous les moyens permettant au tiers saisi de répondre, ce qui était la raison pour laquelle le tiers saisi n'avait pas eu connaissance de la saisie, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision, et a violé en conséquence l'article 455 du code de procédure civile ;
3°) ALORS ENFIN QU'ainsi que la cour d'appel en a rappelé le principe sans pour autant l'appliquer, « seul un défaut de renseignement autorise le juge de l'exécution et la cour statuant avec les mêmes pouvoirs à condamner le tiers saisi aux causes de la saisie » et que la SCI Igloo faisait en outre valoir que la Sté Bator n'avait en tout état de cause que perdu une simple chance de recouvrer sa créance, en l'état d'une réponse évasive du notaire du vendeur interpellé sur l'existence de fonds disponibles ; qu'en condamnant à titre de dommages et intérêts le tiers saisi à la totalité de la créance saisie, la cour d'appel a violé l'article R 523-5 du code des procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 14-10445
Date de la décision : 29/01/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 septembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 29 jan. 2015, pourvoi n°14-10445


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.10445
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