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28/01/2015 | FRANCE | N°14-81610

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 janvier 2015, 14-81610


Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jérôme X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 2014, qui, pour tentative de chantage, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 décembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Azema, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre

: M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire AZEMA, les obser...

Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jérôme X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de POITIERS, chambre correctionnelle, en date du 9 janvier 2014, qui, pour tentative de chantage, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 17 décembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Azema, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire AZEMA, les observations de la société civile professionnelle DE CHAISEMARTIN et COURJON, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général SASSOUST ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 312-10, 312-12 et 312-13 du code pénal, 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, le principe de la loyauté dans l'administration de la preuve, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré M. X... coupable de tentative de chantage au préjudice de Mme Y...divorcée X... et l'a condamné à la peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis ;
" aux motifs qu'il résulte des pièces du dossier et des débats les faits qui suivent ; qu'il résulte de l'entretien téléphonique entre Mme Y...(elle) et M. X... (lui) enregistré au moyen d'un dictaphone remis aux enquêteurs et retranscrit par eux dans la procédure, les échanges suivants : « Elle : 26 000 euros pour ton silence !- Lui : c'est pas mon silence ! C'est 26 000 euros que tu me dois. Depuis le départ, j'ai jamais rien dit, j'ai toujours été correct. - Elle : t'as pas le droit de me demander de l'argent comme ça.- Lui : T'as pas été honnête, t'as pas été correcte. J'ai un moyen de pression qui est ce qu'il est. Enfin bon j'avoue c'est pas super mais justement, après 24 ans ensemble je m'attendais à ce que tu sois plus honnête dans ta démarche et franchement ça a pas été le cas. Elle : De quoi ? Par rapport à ?- Lui : Au juge, par rapport à ton comportement avec ton avocat et compagnie - Elle : Le seul truc qui te fera arrêter c'est que je te donne encore ces 15 000 ?- Lui : C'est ça exactement. Elle : Et tu crois que les 30 000 euros que tu as récupérés de moi vont changer grand chose dans ta vie ?- Lui : Ah non mais ça ne va pas changer grand chose, c'est juste pour le principe hein. 30 de plus ou 30 de moins ça ne va pas changer grand chose dans ma vie. - Elle : Tu imagines dans l'Île-de-Ré si t'es convoqué au commissariat de police parce que tu as fait du chantage à ta femme !- Lui : Y'a des gens qui diraient « Ben il est moins con que nous ». Ils diraient « Lui il a des couilles, il est moins con que nous, il a fait ce que d'autres n'auraient pas fait. - Lui : Ce qu'il faut se dire c'est que ce que je te demande c'est dérisoire par rapport à ce que je sais, tu comprends ?- Elle : Dérisoire 30 000 euros pour ton silence. La façon dont tu veux récupérer les 30 000 euros est complètement illégale. Ben dis donc au départ c'était 25 mais là ça fait 30 ; Lui : Oui mais là dedans il y a le vin, y a le crédit, y a ceci, y a cela » ; que M. Z..., interrogé sur les faits, a confirmé l'ensemble des propos de Mme Y...; qu'il a relaté que le 10 décembre 2011, informé de la situation par son amie, il avait téléphoné à M. X..., lequel lui avait clairement dit qu'il voulait récupérer le montant de la prestation compensatoire mise à sa charge dans le cadre du divorce ; qu'il indiquait qu'en janvier 2012 il avait « pris les devants » en avouant à son épouse sa liaison avec Mme Y...; que l'épouse de M. Z..., Mme A..., confirmait aux enquêteurs que son mari lui avait avoué sa liaison et l'avait informée du chantage exercé par M. X... ; qu'elle avait alors elle-même téléphoné à M. X... pour lui dire que son mari lui avait tout avoué ; que M. X... lui avait affirmé que l'enquête lui avait coûté cher mais qu'il avait récupéré sa dépense ; que la retranscription de l'enregistrement téléphonique, dont il ne figure au dossier aucun élément permettant de mettre en doute l'authenticité et la fiabilité, ainsi que les témoignages des époux Z...établissent suffisamment que M. X... a tenté d'obtenir de Mme Y...la remise de fonds en menaçant de révéler des faits de nature à porter atteinte à son honneur ou à sa considération, en l'espèce d'obtenir la remise de la somme de 15 000 euros en contrepartie de la non-divulgation de sa liaison extraconjugale avec M. Z...; qu'en revanche, il n'en résulte pas que M. X... aurait effectivement reçu ladite somme et les fonds du prêt de 15 000 euros antérieur qu'il aurait refusé de rembourser ont été remis avant les menaces de divulgation, de sorte que cette remise n'en est pas la conséquence ; qu'en présence de M. X... et de son avocat, qui ont été mis à même d'en débattre contradictoirement, il convient, conformément aux réquisitions du ministère public, de requalifier la prévention en tentative de chantage ; que le jugement sera infirmé et M. X... déclaré coupable des faits ainsi requalifiés ;
" 1°) alors que porte atteinte au principe de la loyauté des preuves et au droit à un procès équitable, la production en justice de l'enregistrement d'une conversation téléphonique privée, effectué à l'insu du prévenu pour provoquer ses aveux au moyen de ce stratagème ; que dès lors, en se fondant en l'espèce, pour dire établie la tentative de chantage poursuivie, sur la retranscription de l'enregistrement, effectué par Mme Y...divorcée X... à l'insu de son ex-époux, d'une conversation téléphonique qu'elle avait provoquée avec lui à dessein, bien que la déloyauté d'un tel procédé rendait irrecevable en justice cet élément de preuve, la cour d'appel a violé l'article 427 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de loyauté dans l'administration de la preuve ;
" 2°) alors que pour être constitutive du délit de chantage ou de tentative de chantage, la menace de révélation reprochée doit concerner des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt que M. X... était poursuivi pour avoir tenté d'obtenir de son ex-épouse la remise de fonds en échange de la non-divulgation à Mme A..., épouse Z..., de la liaison extraconjugale avérée qu'elle entretenait avec l'époux de celle-ci ; que cette révélation n'était pas diffamatoire ; que dès lors, en déclarant le prévenu coupable de tentative de chantage, sans caractériser en tous ses éléments le délit poursuivi, la cour d'appel a violé les articles 312-10 et 312-12 du code pénal " ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable du délit de tentative de chantage sur la personne de son ancienne épouse, dont il a tenté d'obtenir la remise de sommes d'argent en la menaçant, à l'occasion d'une conversation téléphonique, de porter la liaison qu'elle entretenait avec le mari de Mme Z...à la connaissance de cette dernière, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu, d'une part, que le prévenu est irrecevable à contester pour la première fois devant la Cour de cassation l'admission, comme moyen de preuve, de l'enregistrement d'une communication téléphonique auquel il n'a pas consenti ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, qui retient que la révélation d'une telle liaison aurait été de nature à porter atteinte à la considération de la victime, a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé le délit en tous ses éléments ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit janvier deux mille quinze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 14-81610
Date de la décision : 28/01/2015
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

CHANTAGE - Tentative - Commencement d'exécution - Atteinte à la considération de la victime - Menace de révélation d'une liaison adultère

Justifie sa décision la cour d'appel, qui, pour condamner le prévenu du chef de tentative de chantage, retient qu'il a tenté d'obtenir de son ancienne épouse une somme d'argent en la menaçant de porter la liaison qu'elle entretenait avec un homme à la connaissance de l'épouse de ce dernier, une telle révélation étant de nature à porter atteinte à la considération de la victime


Références :

articles 312-10 et 312-12 du code pénal

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 09 janvier 2014


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 28 jan. 2015, pourvoi n°14-81610, Bull. crim. criminel 2015, n° 23
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2015, n° 23

Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Sassoust
Rapporteur ?: M. Azema
Avocat(s) : SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:14.81610
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