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14/01/2015 | FRANCE | N°13-24731

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 14 janvier 2015, 13-24731


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 145-14 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 mai 2013), que la société civile immobilière Sauvaire, qui a donné un local à bail commercial à la société Tym Auto, y exerçant une activité de réparation et de pose rapide de pièces détachées pour automobiles, a délivré le 24 juin 2005, à la locataire, un congé sans offre de renouvellement et avec offre d'indemnité d'éviction ;
Attendu que pour fixer à une c

ertaine somme l'indemnité d'éviction due à la société locataire évincée et rejeter la d...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 145-14 du code de commerce ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 24 mai 2013), que la société civile immobilière Sauvaire, qui a donné un local à bail commercial à la société Tym Auto, y exerçant une activité de réparation et de pose rapide de pièces détachées pour automobiles, a délivré le 24 juin 2005, à la locataire, un congé sans offre de renouvellement et avec offre d'indemnité d'éviction ;
Attendu que pour fixer à une certaine somme l'indemnité d'éviction due à la société locataire évincée et rejeter la demande au titre du paiement d'un droit d'entrée dans les nouveaux locaux, l'arrêt retient que le local dans lequel le fonds de commerce a été transféré, a été acquis par la société Magenak pour le donner à bail à la société Tym auto, que les associés de ces deux sociétés sont identiques et que par le moyen de ce prétendu droit d'entrée, la société locataire a supporté une partie du prix de l'acquisition de l'immeuble ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs insuffisants pour écarter la prise en compte des frais d'acquisition d'un nouveau bail supportés pour la réinstallation dans un autre local par la locataire évincée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il fixe à la somme de 70 121,20 euros l'indemnité d'éviction due par la SCI Sauvaire à la société Tym auto et condamne cette dernière, après déduction de la provision de 100 000 euros allouée par le juge de la mise en état, à restituer à la SCI Sauvaire la somme de 29 878,80 euros, l'arrêt rendu le 24 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la SCI Sauvaire aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Sauvaire ; la condamne à verser à la société Tym auto la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze janvier deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour la société Tym auto
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé à la somme de 70. 121, 20 euros l'indemnité d'éviction due par la SCI Sauvaire à la société Tym Auto et, après déduction de la provision de 100.000 euros allouée par le juge de la mise en état à la société Tym Auto, condamné cette dernière à restituer à la SCI Sauvaire la somme de 29. 878,80 euros ;
Aux motifs que « L'article L. 14514 du Code de commerce énonce :« Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 14517 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ». Cette indemnité correspond à la valeur du fonds lorsque le congé cause sa perte ou aux frais de son déplacement si le preneur peut se rétablir en conservant sa clientèle. La perte du fonds ou son déplacement se détermine selon les données de l'affaire et non pas selon la faculté de rétablissement du preneur qui ne peut que constituer un élément d'appréciation. En l'espèce, s'agissant d'un fonds de vente et de montage de pièces automobiles, la valeur de l'emplacement ne dépend pas de la clientèle du quartier mais de la facilité d'accès aux voies de circulation. Au surplus et surtout la société Tym Auto a trouvé un nouveau local pour poursuivre son activité située en face du local pris en location à la SCI Sauvaire ; elle a donc conservé sans difficulté la totalité de sa clientèle. L'indemnisation de son éviction doit s'opérer selon la valeur de déplacement de son fonds ; que sur le droit au bail : Pour réclamer la somme de 500. 000 euros d'indemnité principale d'éviction, la société Tym Auto allègue qu'elle a dû régler un pasdeporte de ce montant au nouveau bailleur, la société Magenak, se décomposant en 338. 000 euros en pasdeporte et en 162. 000 euros en supplément de loyer. Mais l'expert judiciaire a relevé que le loyer de 102.000 euros du nouveau local, sans le supplément de loyer et la décapitalisation du pasdeporte était déjà élevé, que la pratique d'un droit d'entrée était exceptionnelle en matière d'immobilier d'entreprise, que le nouveau local avait été acquis par la société Magenak pour le donner à bail à la société Tym Auto, que les associés de ces deux sociétés étaient identiques et que les conditions locatives consistaient à faire supporter par la société Tym Auto par le moyen de ce pasdeporte une partie de prix de l'acquisition de l'immeuble. Dès lors ce pasdeporte s'inscrit dans une opération immobilière entre les mêmes associés de deux sociétés et ne peut être pris en compte pour l'évaluation de la perte du droit au bail. L'expert judiciaire a retenu que lors du départ de la société Tym Auto le loyer aurait été de 45. 000 euros alors que la valeur locative de ce local selon le marché se chiffre à la somme de 60. 500 euros soit un différentiel de loyers de 15.500 euros. En appliquant un coefficient de situation de 3 usuel pour des locaux de ce type d'activité, le droit au bail s'évalue à la somme de 46. 500 euros. C'est à cette somme de 46. 500 euros que doit être fixée la perte du droit au bail ; que sur l'indemnité de remploi : l'indemnité de remploi compense les débours nécessaires à la conclusion d'un nouveau bail. En l'absence d'autres éléments, la recherche et la conclusion d'un nouveau bail ayant nécessairement entraîné des frais, il convient d'évaluer cette indemnité à 10 % du droit au bail soit à la somme de 4. 650 euros ; que sur les frais de déménagement : ces frais de déménagement sont évalués sur devis lorsque le preneur usant de son droit au maintien dans les lieux occupe toujours le local et sur facture lorsqu'il a déjà déménagé lorsque le juge statue. En l'espèce la société Tym Auto qui a restitué le local à la SCI Sauvaire le 9 juillet 2008, se doit de produire la facture de déménagement de son local. Elle ne verse pas un tel document et fonde sa demande sur un devis de 2006 d'une entreprise de déménagement qui ne précise pas le lieu de livraison d'un montant de 13. 801,84 euros et un autre devis pour la dépose et la réinstallation du matériel lourd pour 7. 919,31 euros. Ces devis, alors que les prestations concernées ont été exécutées, s'avèrent insuffisants pour établir la réalité des dépenses visées, surtout que l'expert a émis quelques réserves sur celui de 13. 801,84 euros, l'estimant exagéré et le ramenant à la somme de 8. 971,20 euros. C'est à cette somme que les frais de déménagement doivent être fixés, la société Tym Auto ayant dû supporter la charge du transfert de son fonds d'un local à l'autre» ; que sur le trouble commercial : l'indemnité pour trouble commercial compense le préjudice subi par le locataire pendant la période de déménagement et de réinstallation du fonds. En l'espèce, la société Tym Auto ayant déménagé pour se réinstaller dans un local situé en face, le préjudice correspond au temps perdu pour la recherche de nouveaux locaux et la perte d'exploitation durant la durée de ces opérations qui doit être évaluée à 4 jours. Compte tenu de son chiffre d'affaires annuel (562.121 € en 2006), le premier juge a exactement évalué ce préjudice commercial à la somme de 10. 000 euros ; que sur la perte du logement : le bail résilié comprenait une partie servant de logement d'une superficie de 132 mètres carrés selon le bail et de 115 mètres carrés selon l'expert. La société Tym Auto réclame un dédommagement de 6. 000 euros pour la perte de cet avantage consistant aux frais engagés pour une nouvelle location. Mais il convient de relever d'une part que s'agissant d'une société commerciale elle n'a pas subi la perte d'un logement et d'autre part qu'elle ne justifie aucunement des frais engagés par exemple pour retrouver un autre logement qui aurait constitué un avantage en nature à un de ses dirigeants ou salariés. Cette demande doit être rejetée. Il convient de relever qu'en appel, la société Tym Auto ne réclame aucune somme au titre des frais d'aménagement des nouveaux locaux pour lesquels le premier juge lui avait octroyé la somme de 13. 434 euros correspondant à l'estimation faite par l'expert judiciaire. Ainsi l'indemnité d'éviction due par la SCI Sauvaire à la société Tym Auto s'élève à la somme de 70. 121,20 euros. La société Tym Auto ayant perçu une provision de 100. 000 euros sur cette indemnité, elle s'avère redevable de la somme de 29 878,80 euros (100 000 - 70 121,20) ».
Alors, d'une part, que dans ses conclusions d'appel (p. 7, § VI et p. 8, § I), la SARL Tym Auto faisait valoir qu'un fonds de commerce non transférable n'est pas un fonds qui n'aurait pas été transféré du fait de circonstances particulières, mais un fonds qui en raison de sa nature ne peut être transféré sans perdre sa consistance propre ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la Cour d'appel n'a pas donné de motifs à sa décision et violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, que lorsque le fonds de commerce du preneur évincé a déjà été transféré au jour où le juge évalue le préjudice causé par l'éviction, celui-ci est calculé sur la valeur de déplacement, fondée sur les dépenses exposées réellement par le preneur évincé et réinstallé, en ce compris le « pasdeporte » que ce dernier n'aurait pas eu à payer si le bail avait été renouvelé; qu'en l'espèce, pour refuser de prendre en compte le pasdeporte dont la SARL Tym Auto avait dû s'acquitter afin d'assurer sa réinstallation, la Cour d'appel, après avoir relevé que le nouveau local avait été acquis par la société Magenak pour le donner à bail à la société Tym Auto et que les associés de ces deux sociétés étaient identiques, de sorte que les conditions locatives consistaient à faire supporter par la société Tym Auto par le moyen de ce pasdeporte une partie du prix de l'acquisition de l'immeuble, a estimé qu'il s'inscrivait dans une opération immobilière entre les mêmes associés de deux sociétés et ne pouvait dès lors être pris en compte pour l'évaluation de la perte du droit au bail ; qu'en se déterminant par ces motifs inopérants, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 14514 du Code de commerce ;
Alors, de troisième part, que l'indemnité d'éviction due par le bailleur en cas de réinstallation du preneur évincé se mesure au coût de la réinstallation effective et doit tenir compte de l'ensemble des investissements effectués, y compris, le cas échéant, des frais d'acquisition de l'immeuble dans lequel le fonds a été transféré, lorsque ces derniers sont consécutifs à l'éviction ; qu'en refusant de prendre en compte, pour fixer le montant de l'indemnité d'éviction due à la société Tym Auto, le pasdeporte que celle-ci avait réglé à la société Magenak pour assurer sa réinstallation, sous prétexte que ce pasdeporte correspondait à la partie du prix d'acquisition de l'immeuble mise à sa charge et s'inscrivait dans une opération immobilière entre les mêmes associés de ces deux sociétés, la Cour d'appel a violé l'article L. 14514 du Code de commerce ;
Alors, de quatrième part, qu'en refusant de prendre en compte, pour fixer le montant de l'indemnité d'éviction due à la société Tym Auto, le pasdeporte que celle-ci avait réglé à la société Magenak pour assurer sa réinstallation, sous prétexte que ce pasdeporte correspondait à la partie du prix d'acquisition de l'immeuble mise à sa charge et s'inscrivait dans une opération immobilière entre les mêmes associés de ces deux sociétés, là où il résultait de cette constatation que c'est bien la société TYM Auto qui avait supporté un tel coût, de sorte que l'indemnité d'éviction due par le bailleur en cas de réinstallation du preneur évincé devait être mesuré au coût de cette réinstallation effective et tenir compte de ce coût, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui s'en évinçaient et a violé l'article L. 14514 du Code de commerce ;
Alors, de cinquième part, qu'il résultait des statuts de la SCI Magenak que cette dernière avait, pour associés, Mme X... et M. Y..., titulaires chacun de 5% de son capital social, ni l'une ni l'autre n'étant par ailleurs associés de la société Tym Auto ; qu'en affirmant que les associés des sociétés Tym Auto et Magenak étaient identiques, la Cour d'appel a dénaturé les documents sociétaires dont elle était saisie et violé l'article 1134 du Code civil ;
Alors, enfin, que le préjudice subi par le locataire évincé ne saurait être minoré sous prétexte qu'il pouvait être compensé par le gain potentiel et futur que des associés communs pourraient réaliser avec d'autres dans une autre société après avoir pris des risques financiers conséquents ; qu'en refusant de prendre en compte, pour fixer le montant de l'indemnité d'éviction due à la société Tym Auto, le pasdeporte que celle-ci avait réglé à la société Magenak pour assurer sa réinstallation, sous prétexte que ce pasdeporte correspondait à la partie du prix d'acquisition de l'immeuble mise à sa charge et s'inscrivait dans une opération immobilière entre les mêmes associés de ces deux sociétés, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 14514 du Code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 13-24731
Date de la décision : 14/01/2015
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 24 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 14 jan. 2015, pourvoi n°13-24731


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2015:13.24731
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