LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 622-9 et L. 622-34 du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Union carrelages et sanitaires (la société UCS) était propriétaire, jusqu'en 1996, d'un immeuble donné à bail à la société Salons Patimo (la société Patimo) ; que la liquidation judiciaire de la société UCS, ouverte le 18 septembre 1998 ayant été clôturée pour insuffisance d'actif le 13 octobre 1999, M. X..., désigné en qualité de mandataire ad hoc, a assigné M. Y..., pris en sa qualité de liquidateur amiable de la société Patimo, entre-temps dissoute par décision de ses associés, en paiement de dommages-intérêts au titre de loyers demeurés impayés ;
Attendu que, pour déclarer recevable cette demande, l'arrêt, après avoir énoncé que la personnalité morale d'une société dissoute par sa liquidation judiciaire survit pour les besoins de la poursuite des actions engagées en vue de recouvrer un éventuel actif, retient que l'ordonnance désignant M. X... en qualité de mandataire ad hoc pour « représenter la personne morale pour l'ensemble des droits dont elle n'est pas dessaisie par l'effet de la procédure de liquidation judiciaire » lui permet de poursuivre la procédure pour le compte de la société UCS, « à charge pour lui, dans la mesure où il ne percevra cette somme que pour le compte de la société UCS de faire rouvrir une procédure de liquidation judiciaire ou civile, selon le montant du passif subsistant » ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'action litigieuse était exercée dans l'intérêt collectif des créanciers par un mandataire ad hoc qui ne disposait du pouvoir de représenter la société UCS que pour l'exercice de ses droits propres, de sorte qu'il n'était pas recevable en sa demande, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile, après avertissement donné aux parties ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 14 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare irrecevable la demande formée par M. X..., en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Union carrelages et sanitaires ;
Condamne M. X..., ès qualités, aux dépens ;
Met en outre à sa charge les dépens afférents aux instances devant les juges du fond ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du treize janvier deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour M. Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. Jean-Toussaint Y... pour les fautes qu'il a commises en qualité de liquidateur amiable de la société Salons Patimo à payer à la société Union Carrelage et Sanitaire une somme de 37. 245 € à titre de dommages-intérêts, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2008 et jusqu'à son paiement ;
Aux motifs qu'en ce qui concerne le problème de la recevabilité de l'action de la Sarl Union Carrelages et Sanitaire, action diligentée après la clôture pour insuffisance d'actif de sa liquidation judiciaire par un mandataire ad hoc, il convient de retenir que si une société, qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, est dissoute de plein droit et perd, de ce fait, toute personnalité morale, dans la mesure où une possilbité de recouvrer un éventuel actif subsiste, cette personnalité survie artificiellement pour les besoins de la poursuite de l'action et de la liquidation totale de l'actif social ; que la procédure ayant été intentée sous l'égide de la loi du 25 janvier 1985, les textes édictés par la loi du 26 juillet 2005, relatifs à la reprise de la procédure de liquidation judiciaire en cas d'apparition de possibilité de recouvrement après clôture d'un nouvel actif, ne sont pas applicables ; que l'ordonnance du 13 mai 2008 a désigné M. X... en qualité de mandataire ad hoc avec mission de « représenter la personne morale pour l'ensemble des droits dont elle n'est pas dessaisie par l'effet de la procédure de liquidation judiciaire dont elle fait l'objet » ; que M. Y..., qui conteste la validité de cette désignation, ne démontre pas qu'elle est contraire aux textes alors applicables qui n'imposaient pas qu'un tel administrateur ad hoc soit choisi sur la liste des administrateurs judiciaires, qu'il ne démontre pas non plus l'existence d'un conflit d'intérêt entre M. X... et la société UCS ou que M. X... fait l'objet d'un interdiction de détenir un tel mandat ; que donc la liquidation judiciaire étant clôturée, la désignation de M. X... lui permet de poursuivre la présente procédure pour le compte de la société à charge pour lui, dans la mesure où il ne percevra cette somme que pour le compte de la société UCS, de faire rouvrir une procédure de liquidation judiciaire ou civile, selon le montant du passif subsistant ;
ALORS D'UNE PART QUE quand la clôture de la liquidation judiciaire d'une société est prononcée pour insuffisance d'actif, l'action en réparation intentée par un mandataire ad hoc de celle-ci est subordonnée à la reprise préalable de la procédure dans les conditions prévues par l'article L 622-34 ancien du Code de commerce ; qu'en jugeant recevable l'action indemnitaire intentée par M. X..., mandataire ad hoc de la société UCS dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif, tout en constatant que la procédure de liquidation judiciaire n'avait pas été préalablement reprise, la cour d'appel a violé l'article L 622-34 ancien du Code de commerce ;
ALORS D'AUTRE PART QUE le liquidateur judiciaire a seul qualité pour agir en réparation d'un préjudice qui n'est pas distinct de celui causé à l'ensemble des créanciers, le débiteur étant dessaisi de l'ensemble de ses droits et actions concernant son patrimoine ; que l'action en responsabilité dirigée contre M. Y..., pour n'avoir pas, en sa qualité de liquidateur amiable de la société Salons Patimo, prétendument débitrice de la société UCS, réglé une créance de celle-ci, a pour objet la réparation d'un préjudice causé à l'ensemble des créanciers de la société UCS et ne pouvait être exercé que par son le liquidateur judiciaire de celle-ci, après reprise de la procédure ; qu'en jugeant cependant recevable l'action engagée par M. X... en qualité de mandataire ad hoc de la société UCS et en y faisant droit, la cour d'appel a violé l'article L 622-9 ancien du Code de commerce, ensemble l'article L 622-34 ancien du même code ;
ALORS ENFIN QUE le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis des écrits qui lui sont soumis ; que l'ordonnance du 13 mai 2008 a désigné M. X... en qualité de mandataire ad hoc avec mission de « représenter la personne morale pour l'ensemble des droits dont elle n'est pas dessaisie par l'effet de la procédure de liquidation judiciaire dont elle fait l'objet » ; qu'en jugeant que la désignation de M. X... lui permet de poursuivre la procédure, de nature patrimoniale dirigée contre M. Y... pour le compte de la société UCS, qui en était dessaisie par l'effet de la procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif dont elle a fait l'objet, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de l'ordonnance du 13 mai 2008 et violé l'article 1134 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné M. Jean-Toussaint Y... pour les fautes qu'il a commises en qualité de liquidateur amiable de la société Salons Patimo à payer à la société Union Carrelage et Sanitaire une somme de 37. 245 € à titre de dommages-intérêts, assortie d'intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2008 et jusqu'à son paiement ;
Aux motifs que si M. Y... soutient que la créance est prescrite, par application de l'ancien article 2277 du Code civil, s'agissant d'une créance de loyers, ce moyen ne peut valablement être invoqué par lui dans la mesure où l'action à son encontre est une action en responsabilité et que cette créance qui a été portée au bilan de la société Salons Patimo ne pouvait être frappée de prescription que parce qu'il a manqué à ses obligations de liquidateur, notamment en ne la prenant pas en compte dans les trois ans de la décision de liquidation judiciaire ; que la demande formulée certes pendant la période de liquidation n'en concerne pas moins les loyers courus antérieurement et inscrits au bilan, dont il n'a été tenu aucun compte lors des opérations de liquidation ; que M. Y... a, en l'espèce, commis deux fautes, l'une en ne réglant pas dans le cadre des opérations de liquidation une dette qui figurait dans le bilan de la société Salons Patimo dressé le 31 décembre 1999 et ce alors qu'il avait pour obligation d'apurer intégralement le passif de la société qu'il liquidait et qu'il résulte de ses propres pièces que le fonds de commerce de cette société ayant été vendu en janvier 2001, la société disposait à la suite de cette vente d'une somme de 574. 556, 72 € ; qu'il a commis une deuxième faute en clôturant la liquidation nonobstant l'existence des prétentions sur ce point de la société UCS sans provisionner ladite créance et sans inviter cette société à en réclamer le paiement à Me Z..., présumant visiblement qu'en l'état de l'absence d'engagement d'une action en recouvrement de la part de Me A..., liquidateur judiciaire de la société UCS, il n'avait plus à tenir compte de ce passif, alors que l'absence d'action du liquidateur judiciaire, qui peut être, comme c'est le cas en l'espèce, due à une absence de fonds pour la mener, ne permet pas de présumer un renoncement à la créance ; que s'il considère aussi que la société UCS ayant vendu l'immeuble à la société L'Immobilière, c'est cette dernière qui aurait dû lui réclamer les dits loyers, comme elle lui a réclamé des consommations d'eau et des taxes foncières, dans la mesure où la société UCS a bien été propriétaire des locaux, il ne démontre pas en quoi la cessionnaire aurait pu récupérer la créance de la cédante ; qu'enfin, s'il conteste le Grand livre de la société Salons Patimo faisant état d'une créance de la société UCS d'un montant de 244. 314, 63 francs, dans le compte fournisseurs dont le solde était de 286. 659, 55 francs, document qu'il considère comme ne présentant aucune authenticité, sans cependant prétendre qu'il est un faux et sans présenter un autre document, alors que dans la mesure où il était à l'époque propriétaire de près de la moitié des parts sociales de la société, il avait accès à sa comptabilité et alors qu'il a approuvé le bilan et le compte de résultat 1999 qui mentionnaient une dette « fournisseurs » de 286. 659, 55 francs ; que cette contestation n'est pas fondée ; que les deux fautes commises par M. Y... ont empêché que la société UCS soit réglée de sa créance, que donc il sera alloué à titre de dommages-intérêts à l'appelante, nonobstant l'erreur de conversion que contiennent ses dernières conclusions, une somme de 37. 245 €, somme qui sera assortie d'intérêts au taux légal à compter de la demande à titre de dommages-intérêts complémentaires ;
ALORS D'UNE PART QUE l'obligation pour le liquidateur amiable d'une société de procéder à l'apurement intégral de son passif ne concerne que le passif existant à la date de la dissolution de la société et celui créé ensuite pour les besoins de la liquidation ; que la dissolution anticipée et la liquidation amiable de la société Salons Patimo a été décidée par l'assemblée générale le 31 août 2000 ; qu'en retenant que M. Y... a commis une faute en ne réglant pas dans le cadre des opérations de liquidation une dette qui figurait au bilan de la société Salons Patimo dressé le 31 décembre 1999, sans constater que cette dette existait toujours à la date de la dissolution de cette société le 31 août 2000, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 237-12 du Code de commerce ;
ALORS D'AUTRE PART QUE la responsabilité du liquidateur amiable ne peut être engagée pour n'avoir pas payé, pendant la liquidation, une dette de la société qui était prescrite avant sa dissolution ; que la créance litigieuse correspond à des loyers impayés par la société Salons Patimo pour le bail de locaux qui appartenaient à la société UCS avant leur cession à la société l'Immobilière, en 1996, et dont la société UCS avait indiqué qu'ils avaient fait l'objet d'un commandement de payer délivré le 7 juin 1995 à la société locataire (conclusions d'appel d'UCS, p. 15, § 3) ; que cette créance de loyers n'a fait l'objet d'aucune action en paiement, notamment par le liquidateur judiciaire de la société UCS, avant la dissolution anticipée de la société Salons Patimo le 31 août 2000 ; qu'en rejetant le moyen tiré par M. Y... de la prescription de cette créance, au motif qu'elle ne pourrait être frappée de prescription que parce qu'il a manqué à ses obligations de liquidateur, sans rechercher si cette prescription n'était pas acquise avant la liquidation amiable le 31 août 2000 de la société Salons Patimo de sorte que M. Y... n'a commis aucune faute en ne payant pas une créance éteinte dans le cadre de la liquidation amiable, et que la société UCS n'a subi aucun préjudice du fait de l'absence de provisionnement de cette créance éteinte, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 237-12 du Code de commerce.