Arrêt n° 280 P+B+R+I Pourvoi n° Z 13-12.310
LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. Gilbert X..., domicilié ...,
contre l'arrêt rendu le 19 décembre 2012 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre, section sécurité sociale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société FLI France, société par actions simplifiée, dont le siège est 21 rue Christophe Plantin, ZA La Haute Limougère, 37230 Fondettes,
2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Morbihan, dont le siège est 37 boulevard de la Paix, BP 20321, 56021 Vannes cedex,
défenderesses à la cassation ;
Par arrêt du 20 mars 2014, la deuxième chambre civile a renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte. Le premier président a, par ordonnance du 18 décembre 2014, indiqué que cette chambre mixte serait composée de la deuxième chambre civile, de la chambre sociale et de la chambre criminelle ;
Le demandeur invoque, devant la chambre mixte, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. X... ;
Un mémoire en défense et des observations en vue de l'audience ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société FLI France ;
Le rapport écrit de Mme Duval-Arnould, conseiller, et l'avis écrit de Mme Lesueur de Givry, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
Sur quoi, LA COUR, siégeant en chambre mixte, en l'audience publique du 19 décembre 2014, où étaient présents : M. Louvel, premier président, Mme Flise, MM. Guérin, Frouin, présidents, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, Mme Nocquet, M. Chollet, Mme Bardy, MM. Mallard, Taillefer, Mme Deurbergue, MM. Sadot, Prétot, conseillers, Mme Lesueur de Givry, premier avocat général, Mme Tardi, directeur de greffe ;
Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller, assistée de M. Cardini, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, l'avis de Mme Lesueur de Givry, premier avocat général, auquel les parties invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 19 décembre 2012), que, victime le 12 janvier 2006 d'un accident du travail ayant entraîné un taux d'incapacité de 15 %, M. X..., salarié de la société FLI France, a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement ; qu'un arrêt irrévocable a jugé cet accident imputable à la faute inexcusable de l'employeur, majoré au taux maximum la rente allouée à la victime et ordonné une expertise médicale ; qu'à la suite du dépôt du rapport d'expertise, M. X... a présenté des demandes d'indemnisation ;
Attendu qu'il fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes relatives aux pertes de droits à la retraite, alors, selon le moyen, qu'il résulte de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété à la lumière de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, que le salarié accidenté du travail peut demander à l'employeur, en cas de faute inexcusable de celui-ci, la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ; que dès lors, en rejetant ses demandes présentées au titre de ses pertes de droits à la retraite, chef de préjudice non réparé en vertu du livre IV du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles L. 431-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu que si l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, dispose qu'en cas de faute inexcusable, la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle peut demander à l'employeur, devant la juridiction de sécurité sociale, la réparation de chefs de préjudice autres que ceux énumérés par le texte précité, c'est à la condition que ces préjudices ne soient pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ;
Et attendu que la perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude, est couverte, de manière forfaitaire, par la rente majorée qui présente un caractère viager et répare notamment les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle résultant de l'incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation ;
Que la cour d'appel a donc décidé à bon droit que la perte subie par M. X... se trouvait déjà indemnisée par application des dispositions du livre IV, de sorte qu'elle ne pouvait donner lieu à une réparation distincte sur le fondement de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, siégeant en chambre mixte, et prononcé le neuf janvier deux mille quinze par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X...
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. X... de ses demandes faites au titre de la perte de possibilité de promotion professionnelle et de droits à la retraite ;
AUX MOTIFS QUE M. X... n'est pas fondé en sa demande de réparation du chef d'une perte de droits à la retraite consécutive à l'accident dans la mesure où la rente majorée versée à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle dont le taux d'incapacité est supérieur à 10 % indemnise, d'une part, les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent et où elle se cumule avec la pension de retraite, en application de l'article L. 434-6 et où le Conseil constitutionnel a validé le principe de la réparation forfaitaire de l'incidence professionnelle, ce préjudice se trouve déjà indemnisé par application des disposions du Livre IV et ne peut donc donner lieu à réparation distincte ;
ALORS QU'il résulte de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprété à la lumière de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, que le salarié accidenté du travail peut demander à l'employeur, en cas de faute inexcusable de celui-ci, la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale ; que dès lors, en rejetant les demandes présentées par M. X... au titre de ses pertes de droits à la retraite, chef de préjudice non réparé en vertu du Livre IV du code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles L. 431-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1147 du code civil.