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17/12/2014 | FRANCE | N°14-80064

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 17 décembre 2014, 14-80064


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. François X..., tiers intervenant,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2ème section, en date du 2 décembre 2013, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs d'escroquerie aggravée, abus de biens sociaux, banqueroute, recel et complicité de ces délits, a ordonné la saisie de sommes inscrites au crédit de ses comptes bancaires ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1

9 novembre 2014 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Soulard, conseiller ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- M. François X..., tiers intervenant,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 2ème section, en date du 2 décembre 2013, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée des chefs d'escroquerie aggravée, abus de biens sociaux, banqueroute, recel et complicité de ces délits, a ordonné la saisie de sommes inscrites au crédit de ses comptes bancaires ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 19 novembre 2014 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Soulard, conseiller rapporteur, Mmes Nocquet, Ract-Madoux, de la Lance, Chaubon, MM. Germain, Sadot, Mme Planchon, conseillers de la chambre, M. Azema, Mme Pichon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Bonnet ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller SOULARD, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE, BRIARD et TRICHET, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 112-2 2° du code pénal, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 706-153, dans sa rédaction issue de la loi du 6 décembre 2013, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que seul le réquisitoire du procureur de la république a été communiqué à M. X... avant l'audience des débats qui s'est tenue le 21 octobre 2013 pour statuer sur son appel de l'ordonnance de saisie de ses comptes du 26 février 2013 ;
"1°) alors que les lois fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont d'application immédiate ; que l'article 706-153, dans sa rédaction issue de la loi du 6 décembre 2013, prévoit que l'appelant d'une ordonnance de saisie a droit à la mise à disposition des pièces de la procédure se rapportant à la saisie qu'il conteste ; que l'arrêt attaqué, qui a été rendu sur l'appel de M. X... avant l'entrée en vigueur de la loi du 6 décembre 2013, sans qu'aient été mises à sa disposition les pièces de la procédure se rapportant à la saisie de ses comptes et sur laquelle la chambre de l'instruction s'est fondée, doit être annulé afin qu'il soit prononcé au vu des dispositions de procédure précitées de la loi du 6 décembre 2013 ;
"2°) alors que le droit au procès équitable et les droits de la défense impliquent le droit d'accès des parties aux pièces du dossier retenues par les juges à l'appui de leur décision ; qu'en statuant sur l'appel de l'ordonnance de saisie des comptes de M. X... sans que ce dernier ait eu accès aux pièces de la procédure se rapportant à cette saisie et sur lesquelles elle a fondé sa décision, la chambre de l'instruction a méconnu le principe et les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, dans le cadre de l'information suivie contre personne non dénommée des chefs d'escroquerie aggravée, abus de biens sociaux, banqueroute, recel et complicité, le juge d'instruction a, le 26 février 2013, ordonné la saisie des avoirs figurant au crédit de trois comptes bancaires ouverts auprès de la banque ING, à Namur, dont est titulaire M. X..., qui a relevé appel de l'ordonnance ; que, devant la chambre de l'instruction, ce dernier a déposé un mémoire écrit et présenté des observations après avoir eu accès aux réquisitions écrites du procureur général;
Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction sans que les autres pièces de la procédure se rapportant à la saisie aient été mises à sa disposition dès lors que, conformément à l'article 112-2, 2° du code pénal, ont été appliquées à la procédure devant les juges d'appel les règles de forme alors en vigueur, qui n'étaient pas contraires aux dispositions conventionnelles invoquées ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 706-153, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de saisie des comptes bancaires de M. X... ouverts dans les livres de la banque ING de Namur, rejetant ainsi sa demande d'annulation de l'ordonnance de saisie initiale prise à Namur le 6 avril 2012 ;
"aux motifs que l'information judiciaire contre X a été ouverte notamment pour escroqueries en bande organisée, recel et complicité de ce délit ; que le juge d'instruction a, le 28 juin 2011, ordonné une commission rogatoire internationale à l'autorité judiciaire belge aux fins entre autre de faire savoir si M. X... était titulaire d'un compte bancaire en Belgique, si oui, de déterminer comment ce compte était approvisionné puis débité afin de suivre le cheminement des fonds l'ayant alimenté et susceptibles d'être le produit de l'escroquerie en bande organisée plus haut décrite et le cas échéant de procéder au blocage des fonds figurant au crédit du ou des comptes identifiés ; que, quant à l'ordonnance du 6 avril 2012 prise à Namur (Belgique), c'est en exécution de cette demande d'entraide internationale que trois comptes n° 340-4348071-84, n° 360-1002952-75, 360-1002952-75/0 à la banque ING de Namur ouvert au nom de M. X... ont fait le 6 avril 2012, l'objet d'une mesure de blocage ; que ces trois comptes bancaires ont été bloqués par une ordonnance de saisie prise par l'autorité judiciaire belge requise, en exécution de la commission rogatoire internationale susvisés ; que l'appréciation de la régularité de la décision prise par le magistrat belge est de la compétence exclusive des juridictions belges, régularité qui doit être soulevée et appréciée avant que les pièces d'exécution de la commission rogatoire ne soient retournées à l'autorité judiciaire mandante ; que l'ordonnance du procureur de la République de Namur n'obéit pas aux règles de procédure pénale édictées par les articles 706-153 et suivants du code de procédure pénale français ; que d'ailleurs M. X..., tiers saisi, a exercé ledit recours devant le procureur du roi de Namur comme en atteste copie de l'ordonnance qu'il produit, ordonnance qui le 16 mai 2012, l'a déclaré irrecevable car en la forme, les dispositions des articles 3 et 9 de la loi belge du 20 mai 1997 ont été respectées, et l'a déclarée subsidiairement mal fondée au vu des renseignements complémentaires fournis par le juge d'instruction français, renseignements desquels il apparaît que la proximité entre M. X... et le principal protagoniste des faits M. Yves B... justifie la mesure de saisie à titre conservatoire, les fonds saisis pouvant être ultérieurement confisqués en application de l'article 131-21 du code pénal français, comme ayant une origine illicite ou comme constituant le produit de l'infraction ;
"alors que si les conditions dans lesquelles un acte est réalisé dans un autre Etat en exécution d'une commission rogatoire internationale ne sont pas imputables aux autorités nationales, leur contrôle revient à ces dernières auxquelles incombent la mise en oeuvre et la sanction des droits et libertés conventionnels garantis ; qu'en retenant que la régularité de l'ordonnance de saisie prise le 6 avril 2012 en Belgique relevait exclusivement des juridictions belges et que celles-ci n'étaient pas liées par le code de procédure pénale français, quand il lui appartenait de s'assurer que les actes réalisés en Belgique n'avaient pas été accomplis en violation des garanties conventionnelles du procès équitable et des droits de la défense, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés" ;
Attendu que, devant la chambre de l'instruction, M. X... n'a pas soulevé la méconnaissance, par les autorités judiciaires belges, des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Qu'il s'ensuit que le moyen, nouveau et mélangé de fait est, comme tel, irrecevable ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 131-21 du code pénal, 706-148, 706-153, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance de saisie des comptes bancaires de M. X... ouverts dans les livres de la banque ING de Namur ;
aux motifs que l'information judiciaire contre X a été ouverte notamment pour escroqueries en bande organisée, recel et complicité de ce délit ; que le juge d'instruction a, le 28 juin 2011, ordonné une commission rogatoire internationale à l'autorité judiciaire belge aux fins entre autre de faire savoir si M. X... était titulaire d'un compte bancaire en Belgique, si oui, de déterminer comment ce compte était approvisionné puis débité afin de suivre le cheminement des fonds l'ayant alimenté et susceptibles d'être le produit de l'escroquerie en bande organisée plus haut décrite et le cas échéant de procéder au blocage des fonds figurant au crédit du ou des comptes identifiés ; que, quant à l'ordonnance du 26 février 2013 prononcée par le juge d'instruction français et ici frappée d'appel, c'est au visa des articles 56, 706-141 à 147, 706-153 et 706-154 du code de procédure pénale et 131-21 du code pénal que le juge d'instruction a procédé à la saisie des trois comptes sus évoqués, respectivement créditeurs de 82 247,47 euros, 8 849,69 euros et 22 814,59 euros ; que c'est de manière pertinente, au vu de l'exposé des faits et des investigations diligentées que le juge d'instruction a motivé l'ordonnance querellée en retenant qu'il ressort des pièces susvisées que les comptes bancaires dont est titulaire M. X... à la banque ING : compte 340-4348071-84, n° 360-1002952-75, 360-1002952-75/0 (soldes respectifs de 82 247,47 EUR/ 8 849,69 EUR/ 22 814,59 EUR) sont notamment alimentés par les comptes 193-1214152-24 (CBC), n° 250-0090780-73 (Fortis) de la société CEPF et 732016464991 (CBC) de la société COFMOB ; que les investigations tendent à établir que ces deux sociétés belges CEPF et COFMOB ont été utilisées par plusieurs des sociétés impliquées dans le montage et notamment Euro sécurité privée, Giga sécurité, Securance groupe zurich multiservices, pour faire transiter des fonds détournés ; qu'il en résulte que les comptes ING de M. X... pourraient avoir été utilisés pour recevoir in fine des sommes issues des infractions dont nous sommes saisis ; qu'il sera également observé qu'il ressort de la déclaration de revenus de François X... pour 2010 qu'aucun des comptes ouverts en Belgique n'a fait l'objet d'une déclaration à l'administration fiscale alors qu'elle est obligatoire annuellement, ce qui vient renforcer le caractère occulte des sommes concernées » ; que la justification des fonds ayant crédité un des trois comptes, à son ouverture, le 13 mars 1999 par le dépôt d'un chèque de 750 000 FF tiré sur la Caisse des dépôts et à titre d'indemnité de licenciement due à M. X..., titulaire des trois comptes bloqués, puis saisis, ne saurait être favorablement retenue, dès lors que les faits reprochés auraient été commis et constatés à partir de 2007, que rien ne permet de conclure qu'en avril 2012 il s'agissait toujours des mêmes fonds ; que l'analyse des pièces bancaires reçues permet en revanche de constater que le compte 306-1002952-75 au nom de M. X... est crédité depuis 2005 par des apports étrangers et notamment de CEPF, mais qu'au 1er janvier 2003 il était créditeur de 31,73 euros, ce qui peut laisser penser que l'indemnité de licenciement sus évoquée n'y figurait plus et que le compte a été ensuite alimenté par d'autres fonds dont l'origine est indéterminée ; qu'en l'espèce l'information est notamment ouverte du chef d'escroquerie en bande organisée et recel de ce délit, qu'en application de l'article 321-4 du code pénal ces infractions sont l'une et l'autre punies de 10 ans d'emprisonnement, en application de l'article 313-2 du code pénal et de la peine complémentaire de la confiscation en application de l'article 131-21-6° du code pénal, que dès lors la saisie pratiquée par ordonnance du 26 février 2013, sr les trois comptes créditeurs à la banque ING de Namur est régulière et bien fondée, que ladite ordonnance sera confirmée ;
"1°) alors que le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme implique que toute personne concernée par une saisie spéciale de ses biens bénéficie de la présomption d'innocence ; que les dispositions de l'article 706-153 du code de procédure pénale autorisant le juge d'instruction à effectuer la saisie spéciale des biens d'une personne à l'encontre de laquelle il n'existe aucune déclaration de culpabilité, ni même aucun indice de participation à la commission d'une infraction, permettent ainsi de saisir les biens d'une personne sans exiger la caractérisation d'une quelconque charge pesant sur elle, en sorte qu'elles s'inscrivent en méconnaissance des exigences du texte conventionnel susvisé ;
"2°) alors que M. X... soutenait dans son mémoire déposé devant la chambre de l'instruction que les virements dits suspects en provenance de la société CEPF ou de la société COFMOB avaient été effectués pour le compte de ses employeurs, les sociétés SCILI et IBE, ou à titre d'avoir sur salaires dus ; qu'en confirmant l'ordonnance de saisie entreprise, sans répondre à cette articulation essentielle du mémoire de M. X... justifiant de l'origine des fonds figurant sur ses comptes, la chambre de l'instruction a méconnu les textes susvisés ;
"3°) alors qu'en toute hypothèse que les saisies de patrimoine, qui sont régies par l'article 706-148 du code de procédure pénale, nécessitent une requête ou un avis préalable du ministère public ; qu'en validant la saisie pénale litigieuse sur le fondement de l'article 706-153 du code de procédure pénale, quand la saisie effectuée constituait, au sens de l'article 706-148 du code de procédure pénale, une saisie de patrimoine nécessitant l'avis préalable du ministère public, la chambre de l'instruction a violé les textes susvisés" ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la chambre de l'instruction, qui s'est fondée à bon droit sur les dispositions, non contraires à celles de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, de l'article 706-153 du code de procédure pénale autorisant la saisie de biens ou droits mobiliers incorporels dont la confiscation est prévue par l'article 131-21 du code pénal visant notamment les produits de l'infraction, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-sept décembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi de forme ou de procédure - Application immédiate - Domaine d'application - Article 706-153 issu de la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 - Procédure applicable devant la chambre de l'instruction statuant sur l'appel formé par un tiers de l'ordonnance de saisie de certains de ses biens

Conformément à ce que prévoit l'article 112-2, 2°, du code pénal, la procédure applicable devant la chambre de l'instruction statuant sur l'appel, formé par un tiers, de l'ordonnance de saisie de certains de ses biens, rendue en application de l'article 706-153, alinéa 1er, du code de procédure pénale, est celle en vigueur au moment où cette juridiction statue. C'est donc à bon droit que, conformément aux prévisions de l'article 706-153, deuxième alinéa, du même code, dans sa rédaction alors applicable, la chambre de l'instruction s'est prononcée sans que l'appelant ait eu accès à d'autres pièces que les réquisitions écrites du procureur général, une telle restriction n'étant pas contraire à l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme


Références :

article 112-2, 2°, du code pénal

article 706-153 du code de procédure pénale

article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

Décision attaquée : Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, 02 décembre 2013

Sur l'application immédiate d'une loi de forme ou de procédure, en matière de saisies conservatoires de certains biens, à rapprocher :Crim., 9 mai 2012, pourvoi n° 11-85522, Bull. crim. 2012, n° 110 (2) (annulation)


Publications
Proposition de citation: Cass. Crim., 17 déc. 2014, pourvoi n°14-80064, Bull. crim. criminel 2014, n° 280
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2014, n° 280
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Composition du Tribunal
Président : M. Guérin
Avocat général : M. Bonnet
Rapporteur ?: M. Soulard
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Formation : Chambre criminelle
Date de la décision : 17/12/2014
Date de l'import : 25/08/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14-80064
Numéro NOR : JURITEXT000029934105 ?
Numéro d'affaire : 14-80064
Numéro de décision : C1407300
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2014-12-17;14.80064 ?
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