LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Iqbal X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 4e chambre, en date du 19 décembre 2013, qui, pour aide à l'entrée et au séjour irrégulier d'étrangers en France en bande organisée, faux et usage, et obtention frauduleuse de documents administratifs, l'a condamné à cinq ans d'emprisonnement et 10 000 euros d'amende ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 29 octobre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Beghin, conseiller rapporteur, M. Foulquié, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire BEGHIN, les observations de la société civile professionnelle BOUZIDI et BOUHANNA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BONNET ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 132-24 et suivants, 132-19 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable des fais qui lui étaient reprochés et l'a condamné à une peine de cinq ans d'emprisonnement et à une amende de 10 000 euros.
" aux motifs que devant la cour, le prévenu reconnaît son implication dans une filière d'immigration clandestine entre l'Inde et la France qu'il considère que les peines prononcées à son encontre sont trop sévères, qu'il admet avoir hébergé des personnes en situation irrégulière en provenance d'Inde, à son domicile ou au temple dont il était le responsable, être intervenu pour que ces personnes bénéficient de documents leur permettant de vivre et de travailler le cas échéant en France, ainsi que de passeports ou de récépissés de demandes d'asile ; qu'il conteste en revanche être à la tête du réseau mis à jour par la procédure et affirme n'avoir fait qu'aider des compatriotes de manière non lucrative ; qu'il refuse de répondre précisément aux questions sur son rôle exact ou fait mine de ne pas les comprendre ; que devant le tribunal correctionnel, il contestait toute participation à cette organisation et affirmait par ailleurs, soutenu en cela par son fils M. Joginder X..., également présent à l'audience, qu'il n'avait jamais été le véritable gérant de la société Super Isolation, ce qu'il continue de prétendre devant la cour ; qu'il avait pourtant reconnu au cours de sa garde à vue et jusque devant le juge d'instruction être l'un des gérants de fait de cette société employant des clandestins à l'aide de fausses pièces établies à cet effet, conformément aux déclarations des autres mis en cause ; que pour le reste, ses aveux devant la cour viennent corroborer les éléments qui fondaient sa culpabilité et qui ressortaient aussi bien des déclarations des autres prévenus que des preuves matérielles recueillies à son encontre au cours de l'enquête, s'agissant notamment des documents découverts au cours des perquisitions et de la téléphonie ; que la circonstance aggravante de bande organisée n'est pas contestée par M. Iqbal X... puisqu'il s'inscrit de lui-même dans une organisation qu'il affirme le dépasser largement ; que cette circonstance résulte surtout du nombre de participants à ce réseau, dont chacun occupe un rôle bien particulier, depuis l'arrivée en France, l'hébergement, l'exploitation à travers une société de bâtiment, la recherche d'une régularisation ou l'organisation du départ vers un autre pays européen à l'aide de faux documents transfrontaliers des étrangers en situation irrégulière ; qu'à cette structure s'ajoutent les flux financiers générés par ce trafic, qui ont été organisés de telle sorte que, par le biais de sociétés écrans basées en Grande-Bretagne, les bénéfices perçus par les auteurs puissent selon toute vraisemblance être utilisés en Inde ; que dans ces conditions et au vu de l'ensemble des éléments du dossier, la cour, s'appropriant l'exposé des faits tels que relatés par les premiers juges, estime que ceux-ci ont, par des motifs pertinents qu'elle adopte, fait une exacte appréciation des circonstances de la cause et de la règle de droit pour entrer en voie de condamnation ; que la déclaration de culpabilité sera donc confirmée ; la peine ; que la personnalité : M. Iqbal X... est de nationalité indienne ; il indique être en France depuis 1991 et se trouve titulaire d'une carte de résident ; qu'il est marié et a 5 enfants ; qu'il a déclaré être maçon de profession mais avoir cessé de travailler en 2006 pour s'occuper de l'un de ses enfants, handicapé ; qu'il a mentionné sur sa déclaration d'impôt 2007 avoir perçu des revenus à hauteur de 8c400 euros ; qu'il est propriétaire du terrain et des murs du temple sikh situé rue Suzanne Masson à La Courneuve ; qu'à l'audience, il indique en outre être diabétique ; que son casier judiciaire porte la mention d'une condamnation à 300 euros d'amende par ordonnance pénale rendue le 11 octobre 2006 par le tribunal correctionnel de Bobigny, suite à une conduite sans permis ; que l'emprisonnement : qu'au vu des éléments susvisés, la peine d'emprisonnement prononcée par le jugement à l'encontre du prévenu sera confirmée ; que les faits commis par M. Iqbal X... rendent en effet nécessaire la peine choisie par les premiers juges, à l'exclusion de toute autre sanction qui serait manifestement inadéquate, une peine d'emprisonnement ferme étant l'unique réponse pénale adaptée à l'égard d'un prévenu qui minimise sa responsabilité et banalise les délits commis pourtant d'une gravité particulière s'agissant notamment de l'exploitation de la misère humaine à des fins lucratives dans le cadre d'un réseau d'immigration clandestine de grande ampleur, et alors que les pièces de la procédure révèlent que s'il n'est pas à la tête de ce réseau d'immigration clandestine, il y occupe à tout le moins un rôle essentiel, intervenant quasiment à chaque stade de son organisation et en recueillant les fruits à travers des transferts de fonds dont certains co-prévenus ont indiqué qu'ils étaient destinés à financer sa campagne électorale en Inde ; que compte tenu du quantum de la peine d'emprisonnement prononcée à l'encontre du prévenu et en application des dispositions de l'article 132-24 du code pénal, celle-ci ne peut faire l'objet d'aucune des mesures d'aménagement ab initio prévues aux articles 132-25 à 132-28 de ce même code ; que l'amende : que la peine d'amende sera fixée à hauteur de 10 000 euros, le jugement étant infirmé sur ce point ;
"1°) alors qu'en matière correctionnelle, la juridiction ne peut prononcer une peine d'emprisonnement sans sursis qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine ; que ne satisfait pas à cette exigence, la motivation tirée de la nature et de la gravité de l'infraction elle-même ; qu'en se fondant, pour condamner de demandeur, qui n'était pas poursuivi en état de récidive légale, à la peine de 5 ans d'emprisonnement ferme, sur la gravité des faits et la circonstance que les délits commis sont relatifs à « l'exploitation de la misère humaine à des fins lucratives dans le cadre d'un réseau d'immigration clandestine de grande ampleur, et alors que les pièces de la procédure révèlent que s'il n'est pas à la tête de ce réseau d'immigration clandestine, il y occupe à tout le moins un rôle essentiel », la cour d'appel n'a pas satisfait à l'exigence de motivation spéciale prévue par l'article 132-19 du code pénal et a violé ledit texte ;
"2°) alors qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1 du code pénal, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours, si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'après avoir pourtant expressément relevé que le demandeur est marié et père de cinq enfants dont l'un handicapé dont il s'occupe personnellement après avoir cessé son activité professionnelle pour ce faire, qu'il est diabétique et que son casier judiciaire ne porte mention que d'une condamnation à 300 euros d'amende suite à une conduite sans permis, la chambre de l'instruction qui pour fixer à cinq ans d'emprisonnement ferme le quantum de la peine prononcée ne se réfère qu'à des circonstances tenant à la gravité de l'infraction, n'a par là même tenu aucun compte de ces circonstances tenant à la personnalité du demandeur dans l'appréciation du point de savoir si la peine d'emprisonnement ferme était nécessaire en dernier recours et si toute autre sanction était manifestement inadéquate, et n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 132-24 du code pénal ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a prononcé une peine d'emprisonnement sans sursis par des motifs qui satisfont aux exigences de l'article 132-24 du code pénal, dans sa rédaction alors applicable ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix décembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;