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10/12/2014 | FRANCE | N°13-21411

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 décembre 2014, 13-21411


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Constate la déchéance partielle du pourvoi à l'égard de MM. O..., P..., Q..., R... et S..., lesquels n'ont pas remis au greffe de la Cour de cassation ni signifié aux défendeurs un mémoire contenant les moyens invoqués contre la décision attaquée ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'article 26- II de cette même loi et l'article 2224 du code civil ;
Attendu que les actions personnelles ou mobilières se presc

rivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aur...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Constate la déchéance partielle du pourvoi à l'égard de MM. O..., P..., Q..., R... et S..., lesquels n'ont pas remis au greffe de la Cour de cassation ni signifié aux défendeurs un mémoire contenant les moyens invoqués contre la décision attaquée ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 2262 du code civil dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'article 26- II de cette même loi et l'article 2224 du code civil ;
Attendu que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Les Chantiers du Nord et de la Méditerranée (La Normed) a été créée le 24 décembre 1982, à la suite du regroupement, suivant traité d'apport partiel d'actifs conclu le 3 novembre 1982, des branches navales de trois autres sociétés ; que la société Normed a été mise en redressement judiciaire le 30 juin 1986 puis en liquidation judiciaire le 27 février 1989, Mme X... étant désignée en qualité de mandataire liquidateur ; que par arrêté du 7 juillet 2000, l'activité de réparation et construction navales de cette société a été inscrite sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; qu'invoquant, du fait d'une exposition à l'amiante, avoir subi des préjudices économique et d'anxiété, M. Y... et d'autres salariés ont saisi le 15 février 2011 la juridiction prud'homale aux fins d'obtenir des dommages-intérêts ;
Attendu que pour déclarer prescrites les actions exercées par MM. Y..., T..., U..., V..., W..., XX..., Mme Z..., MM. A..., B..., Mme D..., MM. E..., F..., G..., YY..., ZZ..., AA..., Mme H... M. I..., Mme J..., MM. K..., L..., M... et N..., l'arrêt retient que la nocivité de l'amiante est connue depuis 1906, que la maladie de l'asbestose est visée pour la première fois dans le décret du 17 décembre 1947, que le tableau n° 30 relatif aux maladies consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante a été créé par décret du 3 octobre 1951, puis étendu par celui du 5 janvier 1976, que ce n'est qu'à compter du décret du 17 août 1977 que les mesures de protection à prendre contre les inhalations des micro-fibres d'amiante sur les lieux de travail ont été réglementées de façon spécifique, que les travailleurs de l'amiante avaient donc eu une information minimum mais suffisante, du risque de voir se développer une maladie professionnelle, à compter du 20 août 1977, date de parution au journal officiel du décret susvisé ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les salariés, bénéficiaires de l'ACAATA, avaient eu connaissance du risque à l'origine de l'anxiété à compter de l'arrêté ministériel ayant inscrit l'activité de réparation et de construction navales de la Normed sur la liste des établissements permettant la mise en oeuvre de ce régime légal spécifique, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il constate la prescription et déclare irrecevables les actions de MM. Y..., T..., BB..., V..., W..., XX..., Mme Z..., MM. A..., B..., Mme D..., MM. E..., F..., G..., YY..., ZZ..., AA..., Mme H..., M. I..., Mme J..., MM. K..., L..., M... et N..., l'arrêt rendu le 23 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société MJA prise en la personne de Mme X..., ès qualités aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société MJA prise en la personne de Mme X..., ès qualités à payer à MM. Y..., T..., BB..., V..., W..., XX..., Mme Z..., MM. A..., B..., Mme D..., MM. E..., F..., G..., YY..., ZZ..., AA..., Mme H..., M. I..., Mme J..., MM. K..., L..., M... et N... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour MM. Y..., T..., BB..., V..., W..., XX..., Mme Z..., MM. A..., B..., Mme D..., MM. E..., F..., G..., YY..., ZZ..., AA..., Mme H..., M. I..., Mme J..., MM. K..., L..., M..., N... et le syndicat Union locale des syndicats CGT de La Ciotat.
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré irrecevables les demandes formées par les salariés exposants au titre de leur préjudice spécifique d'anxiété et d'AVOIR partiellement débouté l'union locale CGT LA CIOTAT de sa demande tendant à la fixation d'une créance de dommages et intérêts au passif de la procédure collective ;
AUX MOTIFS propres QUE le point de départ de la prescription d'une action en responsabilité fondée sur le contrat de travail est, en principe, le dernier jour de la relation contractuelle ; que toutefois, le point de départ de la prescription peut être celui du jour de la réalisation du dommage ou de sa révélation au demandeur si celui-ci établit qu'il n'en avait pas eu précédemment connaissance ; qu'en l'espèce, il ne saurait être soutenu que jusqu'à la parution de l'arrêté de classement de LA NORMED, le 7 juillet 2000, les salariés de LA NORMED auraient ignoré le risque amiante lié à leur exposition et notamment la circonstance que les maladies professionnelles engendrées par l'amiante pouvaient se déclarer très tardivement après leur exposition ; qu'en effet, force est de constater que la nocivité du minerai d'amiante est connue depuis très longtemps, les premières parutions en France, en 1906, faisant déjà état d'une surmortalité des ouvriers utilisant l'amiante ; que la maladie professionnelle liée à l'amiante (asbestose) est apparue pour la première fois dans le décret du 17 décembre 1947 puis le tableau n° 30 relatif aux maladies consécutives à l'inhalation dépoussières d'amiante a été créé par le décret du 3 octobre 1951 ; qu'ensuite, le décret du 5 janvier 1976 a ajouté le mésothéliome primitif et a étendu certaines pathologies résultant de l'asbestose ; que si la loi du 12 juin 1893, le décret d'application du 11 mars 1894, le décret du 13 décembre 1948 ont concerné de manière générale la protection contre les poussières, en revanche c'est le décret du 17 août 1977 qui a visé de manière spécifique la protection contre les poussières d'amiante puisqu'il a réglementé les mesures de protections contre de telles inhalations sur les lieux du travail en prévoyant notamment des prélèvements dans l'air, soulignant ainsi la particularité et donc la nocivité des micro-fibres d'amiante ; que la liste des maladies de l'amiante sera encore précisée par un décret du 19 juin 1985 créant les tableaux 30 A, B, C, D et E, ajoutant des maladies consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante ; que le décret du 22 mai 1996 a créé le tableau n° 30 bis spécifique à certains cancers provoqués par ces inhalations ; que l'article D. 465-25 du code la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 26 mars 1993, modifié par la décret du 4 janvier 1995, a institué une surveillance médicale post professionnelle, certes facultative, des anciens travailleurs exposés à l'amiante, sur présentation d'une attestation d'exposition délivrée par l'employeur et le médecin du travail ; que sont ensuite intervenus la loi du 23 décembre 1998 (en application de laquelle sera pris l'arrêté du 7 juillet 2000) instaurant le dispositif de cessation anticipée d'activité pour les salariés exposés à l'amiante et organisant le fond finançant l'allocation ACAATA, la loi du 23 décembre 2000 et le décret du 23 octobre 2001 mettant en place le FIVA offrant une réparation intégrale aux personnes ayant obtenu la reconnaissance d'une maladie professionnelle liée à l'amiante ; que si l'évolution de la législation jusqu'à la dernière décennie, telle que rappelée ci-dessus, a pu correspondre à une connaissance de plus en plus grande des maladies liées à l'amiante, il doit être retenu que les travailleurs ayant été exposés à l'amiante n'avaient eu, indépendamment des données acquises de la science bien avant 1976, une information minimum mais suffisante quant au risque de voir un jour la maladie se déclencher, même très tardivement, qu'à compter du décret du 17 août 1977 de sorte que la date du 20 août 1977 (date de parution au JORF du décret du 17 août 1977) doit être retenue comme étant le point de départ de la prescription trentenaire pour les contrats de travail ayant pris fin avant le 20 août 1977 ;
AUX MOTIFS adoptés QUE le délai de prescription du droit à engager une action en réparation pour des faits antérieurs à la loi du 17 juin 2008 court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure soit trente ans à compter de la date de saisine ; que la durée se calcule de la date de saisine jusqu'au « jour ou le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer » ; que lors de l'audience la partie demanderesse, a fixé à l'année 1996 sa prise de conscience « aiguë » du danger lié à son exposition à l'amiante durant sa période de travail à LA NORMED suite à l'évolution de l'information médicale concernant la gravité des maladies potentielles découlant d'une exposition à l'amiante ; qu'elle a également évoqué durant sa plaidoirie que l'entrepreneur aurait dû prendre des mesures protectrices pour éviter l'exposition de son personnel aux poussières d'amiante car d'après elle, il avait une connaissance des effets nuisibles de l'amiante compte tenu des publications médicales et réglementaires durant cette période d'exposition notamment : le décret n° 1082 du 31 août 1950 a inscrit l'asbestose au tableau n° 30 des maladies professionnelles, comme étant consécutive à l'inhalation des poussières d'amiante, le décret du 17 octobre 19i7 a fixé les modalités spéciales d'application aux affections provoquées, notamment, par l'inhalation de poussières d'amiante, le décret n° 76 34 du 5 janvier 1976 inscrit le mésothéliome et le cancer branoncho-pulmonaire au tableau n° 30, comme complication de l'asbestose, l'arrêté du 29 juin 1977 a interdit le flocage de ce matériau dans les locaux à usage d'habitation, interdiction étendue l'année suivante à toutes les constructions, le décret n° 77-949 du 17 août 1977, suivi et d'un arrêté du 25 août 1977 qui ont édicté des mesures particulières d'hygiène applicables dans les établissements ou le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante ; que ces informations médicales et réglementaires expliquent déjà la gravité des conséquences subies sur la santé des personnes exposées à la poussière d'amiante ; qu'elles sont du domaine public et sont nécessairement connues par l'employeur mais aussi par l'ensemble des salariés et plus particulièrement ceux qui travaillent dans des entreprises fabricant ou transformant des produits contenant de l'amiante donc du personnel de la société NORMED ; que ces informations sont disponibles dès le décret de 1950 et sont devenues plus particulièrement sensibles au personnel des sociétés travaillant l'amiante par la parution des décrets d'octobre 1975, janvier 1976, juin et août 1977 ; qu'il découle de ces faits que la partie demanderesse a connu ou aurait dû connaître ces informations propres à générer un état d'angoisse, dès cette époque donc au plus tard depuis août 1977 ; que l'article 2222 du Code Civil dit que la durée totale de prescription des faits antérieurs à la loi du 17 juin 2008 ne doit pas excéder la durée prévue par la loi antérieure soit trente ans ; qu'en prenant pour dates de calcul de la durée de prescription la date de saisine 10 février 2011 et celle de la connaissance des informations générant une anxiété soit au plus tard août 1977, le résultat du calcul donne une durée de plus de 33 ans qui est supérieure au délai de prescription : que le résultat est de plus de 30 ans si au lieu de prendre la date de saisine, on prend la date du 17 juin 2008 de parution de la loi concernant la prescription ;
ALORS QUE la prescription d'une action en responsabilité résultant d'un manquement aux obligations nées du contrat de travail ne commence à courir qu'à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que le décret du 17 août 1977 instituant des mesures particulières d'hygiène dans les établissements employant des travailleurs exposés à l'amiante n'emporte pas révélation aux salariés du risque de développer une maladie professionnelle liée à l'amiante des travailleurs concernés ; qu'en retenant néanmoins cette date comme point de départ de la prescription de l'action en responsabilité intentée par les salariés exposants, la cour d'appel a violé l'article 2262 du code civil dans sa rédaction alors applicable.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-21411
Date de la décision : 10/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 23 mai 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 déc. 2014, pourvoi n°13-21411


Composition du Tribunal
Président : M. Chollet (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Spinosi et Sureau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.21411
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