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02/12/2014 | FRANCE | N°13-13424

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 02 décembre 2014, 13-13424


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1354 du code civil, ensemble l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 4 octobre 2012), que Régis X..., revendiquant la qualité de fermier sur les parcelles acquises par M. et Mme Y... des consorts Z..., a sollicité la reconnaissance d'un bail rural à son profit ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que les divers courriers produits aux débats constituent un faisceau d'indices graves

et concordants permettant de présumer la qualité de fermier de M. X.....

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 1354 du code civil, ensemble l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 4 octobre 2012), que Régis X..., revendiquant la qualité de fermier sur les parcelles acquises par M. et Mme Y... des consorts Z..., a sollicité la reconnaissance d'un bail rural à son profit ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que les divers courriers produits aux débats constituent un faisceau d'indices graves et concordants permettant de présumer la qualité de fermier de M. X... sur les parcelles objet de la vente et que les époux Y... reconnaissent explicitement dans un courrier que M. X... est titulaire d'un bail qui lui a été consenti par les consorts Z... ;
Qu'en se fondant ainsi sur l'aveu d'un droit et alors que les autres éléments retenus ne suffisent pas à caractériser l'existence d'une contrepartie onéreuse à la mise à disposition des terres, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à M. et Mme Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille quatorze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, dit que Monsieur Régis X... est fermier de diverses parcelles situées à VIELLE-ADOUR portant les références mentionnées au dispositif du jugement, dit que le bail a pris effet le 1er novembre 1993, condamné les époux Y... à libérer les parcelles sous astreinte, et condamné ces derniers à payer à M. Régis X... les sommes de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice économique, et 2 000 euros au titre du préjudice moral ;
AUX MOTIFS QUE le 14 juin 2007 Maître A..., notaire à Tarbes, a adressé à Monsieur Régis X... un courrier l'informant qu'un rendez-vous était fixé en son étude le lundi 25 juin 2007 « afin de faire le point avec les héritiers de Monsieur Edmond Z... sur les parcelles de terre que vous exploitez » ; que ce même notaire adressait un nouveau courrier à Monsieur Régis X... en date du 2 juillet 2007 lui demandant de prendre contact avec l'étude afin de lui indiquer sa position suite au rendez-vous intervenu avec les héritiers de Monsieur Z... le 25 juin 2007, puis par courrier du 19 octobre 2007 il l'informait qu'un rendez-vous pour la signature du compromis de vente concernant les parcelles sises à VIELLEADOUR et dépendant de la succession de Monsieur Edmond Z... était fixé au 24 octobre 2007 en son étude et ajoutait : « votre présence est indispensable pour la signature de ce compromis de vente, en votre qualité de fermier de ces parcelles et afin d'indiquer votre intention, de libérer les parcelles cadastrées section C numéros 117-119-120-122-253 et 254 et partie des parcelles 116 et 121. Tous ces éléments constituent un faisceau d'indices graves et concordants permettant de présumer la qualité de fermier de M. X... sur les parcelles objet de la vente aux époux Y... » ; qu'à ces éléments, il convient d'ajouter le courrier recommandé avec avis de réception que les époux Y... ont adressé le 1 août 2008 à Monsieur Régis X... ainsi rédigé : « Vous n'êtes pas sans savoir que nous avons acquis des consorts Z... la propriété rurale sise à VIELLE ADOUR, comprenant notamment une maison d'habitation avec dépendances. Les bâtiments ne faisaient pas partie du bail que vous avait consenti la famille Z.... Or, nous constatons ce jour au moment de la prise de possession qu'il y a du matériel agricole vous appartenant ainsi que de la paille (où s'y promènent des rats..) qui encombrent les bâtiments. Par la présente, nous vous mettons en demeure de, sous 18 heures pour tout délai, évacuer tout votre matériel y compris la paille entreposés, afin que nous puissions faire les travaux que nous avons envisagés (...). » ; que dans ce courrier, les époux Y... reconnaissent explicitement que Monsieur Régis X... était titulaire d'un bail qui lui avait été consenti par la famille Z... ; que dans leurs conclusions écrites d'appel, les époux Y... prétendent que dans ce courrier, lorsqu'ils parlent du bail consenti par la famille Z..., ils font simplement référence implicitement à la parcelle C 143 qui ne fait pas partie de la vente ; mais, que cet argument est dépourvu de toute pertinence ; qu'en effet, si ce courrier ne visait que la parcelle C 143, alors les époux Y... seraient privés de tout droit à contester la présence de Monsieur Régis X... sur ladite parcelle car précisément, et ainsi qu'ils le rappellent, cette parcelle ne faisait pas partie de la vente, de sorte que n'étant pas devenus propriétaires de cette parcelle son occupation ou non par Monsieur Régis X... ne les concernait pas ; que de plus, il ressort des pièces versées aux débats, et notamment du relevé cadastral de la commune de VIELLE ADOUR produit par les époux Y..., que la parcelle 143 ne comporte aucun bâtiment, qu'elle est éloignée des autres parcelles concernées par la vente, et que les bâtiments sont situés sur la parcelle 118, au milieu des autres parcelles, de sorte que s'ils n'entendaient être concernés que par la parcelle comprenant les bâtiments, et éventuellement les parcelles qui l'entouraient, il n'était nullement nécessaire, ni même utile de faire état d'une parcelle éloignée donnée à bail, qu'ils n'avaient pas acquise et qui ne les intéressait donc pas ; qu'ainsi, en écrivant que les bâtiments ne faisaient pas partie du bail consenti par la famille Z..., les époux Y... reconnaissent l'existence d'un bail au profit de Monsieur Régis X..., à l'exception des bâtiments exclus dudit bail ; or, que ce courrier, non contesté, caractérise l'aveu par les époux Y... de l'existence d'un bail à ferme au profit de Monsieur Régis X... ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DES PREMIERS JUGES QUE avant la passation de l'acte authentique, Maître A..., notaire ayant participé à la vente, a adressé à Monsieur Régis X... une lettre recommandée avec demande d'avis de réception lui notifiant le projet et les conditions de la vente, rédigée notamment en ces termes : " Conformément à l'article L 411-8 du code rural, et en qualité de notaire chargé d'instrumenter, la présente notification vous est adressée par mes soins afin de vous permettre, si vous remplissez les conditions légales, de bénéficier du droit de préemption sur les immeubles précédemment désignés aux prix et conditions ci-dessus. En application de l'article L 412-5 du code rural, vous pouvez exercer ce droit :- soit pour exploiter vous-même les immeubles ou pour en faire assurer l'exploitation par votre conjoint ou par un de vos descendants.- soit subroger l'un d'eux dans votre droit d'acquérir en priorité, sous réserve, dans tous les cas, que soient réunies les conditions exigées par la loi. " ; qu'ainsi le notaire a pris soin de mentionner que le droit de préemption pourrait être exercé par le demandeur s'il remplissait les conditions légales, ce qui ne peut constituer un aveu de la part du mandataire des vendeurs ; que la notification faite par le notaire avait uniquement pour but, de permettre au demandeur de prouver le bail et aux défendeurs de le contester devant le Tribunal paritaire des baux ruraux dans le cas où le droit de préemption serait exercé, ce en évitant toute action en nullité de la vente pour non respect de ce droit ; qu'en revanche par courrier du 19 octobre 2007 alors que la vente des parcelles par la succession Z... aux époux Y... était en projet, Maître A..., ayant connaissance du litige opposant la succession à M. Régis X..., a convoqué ce dernier afin de parvenir à une solution amiable ; que la convocation a été libellée en ces termes : " Je vous informe par la présente qu'un rendez-vous pour la signature du compromis de vente concernant les parcelles sises à VIELLE-ADOUR et dépendant de la succession de Monsieur Edmond Z... est fixé au mercredi 24 octobre 2007 à 9 h en mon étude. Votre présence est indispensable pour la signature de ce compromis de vente, en votre qualité de fermier de ces parcelles et afin d'indiquer votre intention de libérer les parcelles cadastrées section C n° 117- l 19-120-122 et 254 et partie des parcelles 116 et 121. Merci de bien vouloir m'indiquer si vous pouvez être présent à ce rendez-vous. " ; qu'ainsi par ce courrier Maître A..., mandataire de la succession Z..., a reconnu que Monsieur Régis X... était fermier des parcelles dont la vente était projetée, le convoquant pour qu'il donne son accord à la libération de tout ou partie de ces parcelles, ce qui suppose que des contacts avaient été pris préalablement par les héritiers en vue de cette libération ; que les circonstances que Monsieur X... n'a pas donné son accord, que l'acte sous seing privé n'a pas été signé à la date prévue et qu'il n'a été signé que le 9 avril 2008, ne font qu'accréditer la thèse selon laquelle d'autres pourparlers ont été entrepris, qu'ils n'ont pas abouti et que, faute d'obtenir la libération des parcelles et afin d'éviter le désistement des acquéreurs, la succession Z... a souhaité vendre en l'état, laissant à ces derniers le soin de régler la difficulté ; que les dénégations de la qualité de fermier figurant dans l'acte sous seing privé du 9 avril 2008 et dans l'acte authentique du 29 juillet 2008 sont sans effet sur un aveu antérieurement avéré ; que cet aveu de la part de la succession Z... engage ses ayants droit, les époux Y... ;
ALORS, D'UNE PART, QUE celui qui se prévaut de l'existence d'un bail rural doit rapporter la preuve non seulement de l'existence d'une mise à disposition mais également du caractère onéreux de celle-ci ; qu'en outre, l'inscription à la M. S. A. des parcelles mises en valeur par l'exploitant agricole, qui résulte d'un acte unilatéral ne vaut pas preuve d'un bail à ferme ; que dès lors, en se fondant sur les courriers et attestations de la Caisse de Mutualité Sociale Agricole des Hautes Pyrénées des 6 novembre 2006, 29 mai 2007 et 14 juin 2007 pour retenir la qualité de fermier de Monsieur Régis X... sur les parcelles, objet de la vente aux époux Y..., la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-1 du code rural et des articles 1315 et 1353 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE si le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, c'est à la condition que la preuve de l'existence du mandat soit établie ; que, dès lors, en se déterminant comme elle l'a fait, par motifs propres et adoptés des premiers juges, tirés de ce que Maître A..., notaire, mandataire de la succession JONCA, avait reconnu que Monsieur Régis X... était fermier des parcelles dont la vente était projetée, sans même rechercher si Maître A... avait reçu pouvoir ou mandat pour engager d'une manière ou d'une autre, les vendeurs et les acquéreurs des parcelles en cause sur leur situation juridique et locative, la Cour d'appel n'a pas davantage légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime, et de l'article 1985 du code civil ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l'existence d'un bail rural fait sans écrit ne peut résulter de la seule occupation des lieux et suppose de la part de celui qui s'en prévaut que soit rapportée la preuve du caractère onéreux de la mise à disposition du fonds prétendument loué ; que dès lors, en statuant encore comme elle l'a fait, sans même relever l'existence d'une contrepartie onéreuse à la mise à disposition de Jean Claude X..., puis de son fils, Régis X..., des parcelles en cause, la Cour d'appel n'a pas davantage justifié sa décision au regard de l'article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ;
ALORS, EN OUTRE, QUE la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle, comme constituant un aveu que si elle porte sur des points de fait et non sur des points de droit ; que porte sur des points de droit une déclaration relative à l'existence et à la qualification d'un contrat ; que dès lors, en se déterminant encore comme elle l'a fait, par des motifs tirés de la lettre des époux Y... adressée le 1er août 2008, à M. Régis X... pour reconnaître l'existence caractérisée d'un aveu de ces derniers quant à l'existence d'un bail à ferme au profit de M. Régis X..., la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1354 du code civil et L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime.
ALORS ENFIN QU'en se déterminant encore comme elle l'a fait, par adoption des motifs des premiers juges, tirés de ce que les termes de la lettre du 19 octobre 2007, adressée à Monsieur Régis X... par Maître A..., notaire mandataire de la succession Z..., constituaient un aveu de la part de cette dernière, sur la qualité de fermier de Monsieur X..., engageant les époux Y..., la cour d'appel n'a pas davantage légalement justifié sa décision au regard des mêmes textes.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, par confirmation du jugement entrepris, dit que Monsieur Régis X... est fermier de parcelles mentionnées au dispositif de ce jugement, dit que le bail a pris effet le 1er novembre 1993, condamné les époux Y... à libérer les parcelles sous astreinte, et condamné, en conséquence, les époux Y... à libérer les parcelles sous astreinte ;
AUX MOTIFS QU'en application des dispositions de l'article L. 411-34 du code rural, en cas de décès du preneur, le bail peut continuer au profit de ses descendants participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que Monsieur Régis X... a été inscrit auprès de la M. S. A. en qualité d'aide familial sur l'exploitation de son père, Monsieur Jean-Claude X... du 25 novembre 1993 au 15 septembre 2006 (1996 étant indiqué par erreur) ; qu'à compter du 16 septembre 2006 (1996 étant indiqué dans l'arrêt par erreur) il a été affilié en qualité de chef d'exploitation pour un volume de production de 21 ha 66 a 22 ca, et qu'en 1995 son relevé parcellaire d'exploitation faisait état d'un total de 36 ha 72 a 56 ca, de sorte qu'il y a lieu de dire qu'il remplissait les conditions de l'article L. 411-34 pour venir aux droits de son père et acquérir en ses lieu et place la qualité de fermier ;
ALORS D'UNE PART que si en cas de décès du preneur, son descendant a vocation à continuer le bail dans les conditions de l'article L411-34 du code rural et de la pêche maritime, encore faut-il que l'existence d'un bail soit reconnue et établie entre le propriétaire et le preneur, dont le descendant entend poursuivre l'exploitation ; que dès lors en statuant comme elle l'a fait sans caractériser l'existence d'un bail consenti par les consorts Z... à feu Jean Baptiste X..., la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L411-34 du code rural et de la pêche maritime.
ALORS D'AUTRE PART ET EN TOUTE HYPOTHESE QU'en cas de décès du preneur, le nouveau titulaire du bail qui poursuit l'exploitation des parcelles louées dans les conditions de l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime, est soumis aux exiges du contrôle des structures, même en l'absence d'exercice par le bailleur de son droit légal de résiliation ; que dès lors, en statuant comme elle l'a fait, sans même rechercher comme elle y avait pourtant été invitée, si Monsieur Régis X..., ayant droit de son père décédé devait ou non justifier d'une autorisation d'exploiter et dans l'affirmative, si celle-ci lui avait été délivrée, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 13-13424
Date de la décision : 02/12/2014
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, 04 octobre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 02 déc. 2014, pourvoi n°13-13424


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Rousseau et Tapie

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.13424
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