LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 10 septembre 2013), que par acte sous seing privé du 30 juin 2006 rédigé par la SCP X...- Y...- Z...- A...- B... et C... (le notaire), M. et Mme D... ont promis de vendre à Mme A..., notaire de profession, et M. E... (les acquéreurs) un bien immobilier à usage d'habitation ; que par une décision irrévocable, cet acte a été annulé pour erreur sur les qualités substantielles du bien vendu ; que, condamnés à restituer aux acquéreurs le montant du dépôt de garantie et à les indemniser, M. et Mme D... ont assigné le notaire en indemnisation lui reprochant des manquements professionnels lors de la rédaction de la promesse de vente ;
Attendu que M. et Mme D... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en indemnisation contre le notaire, alors, selon le moyen :
1°/ que tenus d'éclairer les parties, quelles que soient les compétences personnelles de celles-ci, sur l'efficacité et les conséquences des actes qu'ils rédigent, les notaires doivent à cette fin prendre tous les renseignements nécessaires à l'accomplissement de leur mission et procéder à des vérifications personnelles, dès lors qu'ils sont en présence d'éléments de nature à faire douter de l'exactitude ou de la précision des informations en leur possession ; qu'en se bornant en l'espèce à énoncer que les vendeurs n'auraient pas rempli leur obligation d'information à l'égard des acquéreurs, sans examiner, ainsi qu'elle y était invitée, si l'imprécision des clauses du compromis litigieux relatives à de futurs travaux de réparation d'un important sinistre devait conduire le notaire rédacteur à en vérifier lui-même les modalités, sans s'arrêter aux déclarations des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant d'office le moyen tiré de ce que le préjudice ne pouvait être constitué que par une perte de chance, sans inviter au préalable les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
3°/ que les vendeurs soulignaient que les renseignements afférents à l'arrêt du 23 mars 2006 « n'étaient pas de nature à (¿) empêcher (les acheteurs) d'acquérir car finalement aucune somme n'aurait été à leur charge, la société d'assurance de l'association syndicale prenant en charge les frais du procès » et leur propre vendeur, « ainsi qu'il s'y était engagé, la part des frais de réfection du chemin concernant la villa » ; qu'en énonçant qu'il était certain que les acquéreurs n'auraient pas signé le compromis si celui-ci avait mentionné le contenu de l'arrêt du 23 mars 2006, de sorte que les vendeurs n'avaient subi une quelconque perte de chance de réaliser la vente, tout en délaissant leurs écritures établissant que la connaissance dudit arrêt par les acquéreurs ne les aurait pas empêchés de signer le compromis, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'annulation judiciaire de l'acte valant promesse de vente n'était due qu'à la défaillance de M. et Mme D... dans leur obligation d'information à l'égard des acquéreurs, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche prétendument omise dès lors que cet avant-contrat était destiné à arrêter la volonté des parties sans attendre l'expiration des délais utiles à l'obtention des renseignements complémentaires et documents administratifs nécessaires à la perfection de la vente, a pu en déduire l'absence de toute faute du notaire, lequel n'avait aucun motif de suspecter l'inexactitude des déclarations de M. et Mme D... ; que le moyen qui, pris en ses deux dernières branches, s'attaque à des motifs surabondants, ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. et Mme D... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer à la SCP X...- Y...- Z...- A...- B... et C... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. et Mme D....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les vendeurs d'un immeuble (M. et Mme D..., les exposants) de leur action en responsabilité civile dirigée contre le notaire (la SCP X...
Y...
Z...
A...
B... et C...) rédacteur du compromis de vente ;
AUX MOTIFS QUE l'action des époux D... tendait à faire juger que la société notariale à laquelle appartenait Mme A... était responsable de la mauvaise rédaction du compromis ainsi que d'une absence d'information des acquéreurs, ces manquements ayant permis à ces derniers par la suite de faire annuler la vente ; que la responsabilité de l'annulation de la vente incombait cependant aux seuls époux D... qui n'avaient pas rempli leur obligation d'information à l'égard des acquéreurs ; qu'en tout état de cause, le préjudice des époux D... ne pourrait être constitué que par une perte de chance de voir Mme A... et M. E..., bien que totalement informés, soit réitérer l'acte de vente, soit être condamnés au paiement de l'indemnité d'immobilisation ; que toutefois, si le compromis signé le 30 juin 2006 avait mentionné et relaté de manière complète le contenu de l'arrêt du 23 mars 2006 aux termes duquel l'association syndicale se voyait tenue de prendre à sa charge 70 % du montant des travaux pour remédier aux conséquences du glissement de terrain, il était certain que Mme A... et M. E... n'auraient pas signé le compromis, de sorte que les époux D... ne pouvaient prétendre avoir subi une quelconque perte de chance de réaliser la vente ; qu'en l'absence de faute de la société notariale et en l'absence de préjudice, il convenait de débouter les époux D... de leurs demandes (arrêt attaqué, p. 5, 5ème, 6ème, 8ème, 9ème et 10ème al.) ;
ALORS QUE, tenus d'éclairer les parties, quelles que soient les compétences personnelles de celles-ci, sur l'efficacité et les conséquences des actes qu'ils rédigent, les notaires doivent à cette fin prendre tous les renseignements nécessaires à l'accomplissement de leur mission et procéder à des vérifications personnelles, dès lors qu'ils sont en présence d'éléments de nature à faire douter de l'exactitude ou de la précision des informations en leur possession ; qu'en se bornant en l'espèce à énoncer que les vendeurs n'auraient pas rempli leur obligation d'information à l'égard des acquéreurs, sans examiner, ainsi qu'elle y était invitée, si l'imprécision des clauses du compromis litigieux relatives à de futurs travaux de réparation d'un important sinistre devait conduire le notaire rédacteur à en vérifier lui-même les modalités, sans s'arrêter aux déclarations des parties, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
ALORS QUE, par ailleurs, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant d'office le moyen tiré de ce que le préjudice ne pouvait être constitué que par une perte de chance, sans inviter au préalable les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, les vendeurs soulignaient (v. leurs concl. d'appel notifiées le 14 février 2013, p. 15, 1er al., prod.) que les renseignements afférents à l'arrêt du 23 mars 2006 « n'étaient pas de nature à (...) empêcher (les acheteurs) d'acquérir car finalement aucune somme n'aurait été à leur charge, la compagnie d'assurance de l'association syndicale prenant en charge les frais du procès » et leur propre vendeur, « ainsi qu'il s'y était engagé, la part des frais de réfection du chemin concernant la villa (concernée) » ; qu'en énonçant qu'il était certain que les acquéreurs n'auraient pas signé le compromis si celui-ci avait mentionné le contenu de l'arrêt du 23 mars 2006, de sorte que les vendeurs n'avaient subi une quelconque perte de chance de réaliser la vente, tout en délaissant leurs écritures établissant que la connaissance dudit arrêt par les acquéreurs ne les aurait pas empêchés de signer le compromis, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.