Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Gérard X..., partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'ORLÉANS, en date du 16 avril 2014, qui, dans l'information suivie contre lui, notamment, du chef de complicité de contrefaçon, a prononcé sur sa requête aux fins d'annulation d'actes de la procédure ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 14 octobre 2014 où étaient présents : M. Guérin, président, M. Straehli, conseiller rapporteur, MM. Beauvais, Finidori, Monfort, Buisson, Mme Durin-Karsenty, conseillers de la chambre, Mme Moreau, MM. Maziau, Barbier, Talabardon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Desportes ;
Greffier de chambre : Mme Zita ;
Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI, les observations de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN et SOLTNER, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 20 août 2014, prescrivant l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 173-1, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté les demandes de M. X... tendant à l'annulation de pièces de la procédure suivie par un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Tours, dans laquelle il a à la fois la qualité de mis en examen et de partie civile ;
" aux motifs qu'aux termes des articles 85 et 87 du code de procédure pénale, toute personne qui se prétend lésée par un crime ou délit peut se constituer partie civile par voie d'action en initiant l'action publique ou par voie d'intervention à tout moment au cours de l'instruction ; qu'aux termes de l'article 80-1 du code de procédure pénale, le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer comme auteur ou complice à la commission des infractions dont il est saisi ; qu'en l'espèce, le juge d'instruction a été saisi par réquisitoire introductif pris le 18 mars 2009 en suite de la constitution de partie civile par voie d'action de M. Andrei Z... et l'association Alexandra Exter de faits poursuivis sous les qualifications pénales de contrefaçon par édition ou reproduction d'une oeuvre de l'esprit au mépris des droits de l'auteur, d'apposition de fausses signatures sur des oeuvres non encore tombées dans le domaine public, d'escroqueries et de recels ; que dès le 19 mars 2009, les enquêteurs de la brigade centrale pour la répression des contrefaçons industrielles et artistiques ont saisi au musée du château de Tours, 195 tableaux et au domicile de M. X..., 11 tableaux supplémentaires ; que c'est par lettre datée du 8 avril 2009, enregistrée au greffe le 16 avril, que M. X..., arguant de sa qualité de propriétaire d'au moins 130 oeuvres saisies à son domicile parisien et sur le lieu de l'exposition organisée par la ville de Tours, a manifesté son intention de se constituer partie civile par voie d'intervention ; que le juge d'instruction n'avait pas préalablement fait application à son profit des dispositions de l'article 80-3 du code de procédure pénale qui dispose que dès le début de l'information il doit avertir la victime de la/ des infraction (s), de l'ouverture d'une procédure, de son droit à se constituer partie civile et des modalités de ce droit ; que pour autant, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Tours a pris le 21 avril 2009 des réquisitions tendant à la recevabilité de cette constitution de partie civile au motif que M. X... se prévalait d'un droit apparent sur les oeuvres litigieuses et que cette situation lui donnait un intérêt à agir ; que plusieurs autres propriétaires d'oeuvres saisies se sont également constitués parties civiles dans les semaines qui ont suivi ; que dès lors M. X... a indéniablement acquis la qualité de partie civile et, ainsi que le soutient à juste titre son avocat dans son mémoire, rien n'indique qu'il a perdu cette qualité du fait de sa mise en examen le 5 juin 2012 dans la mesure où l'apparition d'indices graves ou concordants en faveur de sa participation à tout ou partie des faits de la saisine n'est pas, en son principe, absolument exclusive d'un préjudice qu'il serait le cas échéant susceptible d'avoir concomitamment subi du fait d'autrui dans le cadre des mêmes faits ; que l'absence de pièces au dossier d'instruction attestant d'une quelconque contestation de la part du parquet ou d'une des parties et les notifications qui lui ont été faites au surplus par le juge d'instruction au titre de ces deux qualités, y compris après sa mise en examen, en attestent suffisamment ; qu'aux termes de l'article 173 du code de procédure pénale, il appartient au juge d'instruction, s'il estime qu'une pièce de la procédure est frappée de nullité, de saisir la chambre de l'instruction aux fins d'annulation ; qu'il en va de même pour le procureur de la République qui agit, dans cette hypothèse par voie de requête ; que de même, l'article 173 du code de procédure pénale stipule en son troisième alinéa que « si l'une des parties ou le témoin assisté estime qu'une nullité a été commise, elle saisit la chambre de l'instruction par requête motivée » ; que l'article 173-1 du code de procédure pénale dispose que « sous peine d'irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen, sauf le cas où elle n'aurait pu les connaître. Il en est de même s'agissant des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun de ses interrogatoires ultérieurs ; qu'il en est de même pour le témoin assisté à compter de sa première audition puis de ses auditions ultérieures ; qu'il en est de même pour la partie civile à compter de sa première audition puis de ses auditions ultérieures » ; que la limitation dans le temps du droit de saisine de la chambre de l'instruction aux fins d'annulation d'actes de procédure, participe d'un juste équilibre entre l'exercice des droits des parties à l'instruction et la sécurisation de la procédure pénale qui ne saurait être fragilisée par la possibilité d'en remettre en question les fondements à tout instant par le biais de requêtes tardives ; que la requête formée dans l'intérêt de M. X... le 10 juin 2013 tend à l'annulation du réquisitoire introductif et de la désignation du juge d'instruction du 18 mars 2009, d'actes accomplis le 19 mars 2009 sur commission rogatoire et, par suite, des actes ultérieurement réalisés ; que son témoignage avait été recueilli avant qu'il ne se constitue partie civile en avril 2009 par courrier ; qu'ensuite, jusqu'à son interrogatoire de première comparution, il n'a pas été entendu par le juge d'instruction ; que durant ce laps de temps, assisté d'un avocat habilité à consulter le dossier, il a manifesté la connaissance qu'il avait de ses droits de partie civile en saisissant à plusieurs reprises le juge d'instruction par le biais de ses avocats de demandes d'expertises ou de restitution mais il n'a toutefois formé aucune requête en nullité ; qu'il n'a pas davantage fait état de moyens pris de la nullité de ces actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution et de l'interrogatoire lui-même, dans le délai de six mois qui a suivi la notification de sa mise en examen le 5 juin 2012 ; qu'en sa qualité de mis en examen, il était donc forclos depuis le 6 décembre 2012 à se prévaloir de la nullité d'actes antérieurs à sa première comparution et du procès-verbal de celle-ci ; que M. X... entend s'affranchir du délai de forclusion qui a couru à dater de sa mise en examen le 5 juin 2012, en arguant que son droit à soulever des nullités demeure intact à raison de sa qualité de partie civile, indépendamment de ceux qu'il a épuisés en sa qualité de mis en examen ; que toutefois, l'article 173 du code de procédure pénale relatif au droit à présenter des requêtes en annulation englobe indistinctement la partie civile et le mis en examen sous l'unique vocable de « parties » sans les discriminer quant à l'exercice de ce droit qui leur est conféré dans des termes strictement identiques ; qu'aux termes de l'article 173-1, le délai pour exercer ce droit identique et commun aux deux parties est décompté soit à partir de la date de la première audition de partie civile, soit à partir de la mise en examen, c'est-à-dire à partir de la date à laquelle les droits, dont celui de présenter une requête en nullité, qui s'attachent à la qualité de partie au dossier, ont été notifiés ; que les règles de procédure pénale sont d'application stricte ; qu'il s'en déduit donc que, sauf à ajouter au texte et, par suite, à rompre l'égalité des parties dans l'exercice de leur faculté à soulever des nullités de procédure et à compromettre l'équilibre instauré par le législateur entre la nécessaire sécurisation de la procédure et l'exercice du recours en nullité, le droit d'une personne qui s'est constituée partie civile à présenter une requête en annulation tant que le juge d'instruction n'a pas procédé à sa première audition, ne saurait perdurer cumulativement, sine die, après qu'elle ait été mise en examen ultérieurement, dès lors qu'un délai de six mois est écoulé ; qu'en conséquence, M. X... qui n'a jamais été entendu en qualité de partie civile et qui n'avait pas sollicité l'annulation des actes en cause antérieurs à sa constitution de partie civile avant sa mise en examen le 5 juin 2012, était recevable à exercer son droit pendant six mois à compter de cette date, en la qualité de son choix, suivant la nature de l'intérêt poursuivi ; que pour autant, il n'était pas fondé à s'exonérer du délai de forclusion qui courait à dater de sa mise en examen, en arguant rétroactivement du prétexte de sa qualité concurrente pour cumuler artificiellement des délais qui paraissent alternatifs au terme des règles procédurales énoncées à ce titre » ;
" alors que la circonstance que dans une même procédure, une partie civile soit également mise en examen ne saurait restreindre les droits qu'elle tient de sa qualité de partie civile ; qu'elle conserve en particulier, en dépit de sa mise en examen, le droit de présenter des requêtes en annulation de pièces jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois suivant sa première audition en qualité de partie civile ; que la chambre de l'instruction qui, après avoir constaté que M. X... était valablement constitué partie civile, a néanmoins rejeté comme tardive sa requête en annulation de pièces de la procédure faute pour cette requête d'avoir été présentée dans les six mois de sa mise en examen, a violé l'article 173-1 du code de procédure pénale ; "
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 10 mars 2009, M. Andrei Z..., se présentant comme ayant droit du peintre Mme Alexandra A..., et l'association Alexandra Exter ont porté plainte et se sont constitués parties civiles des chefs de contrefaçon, apposition de fausses signatures sur des oeuvres non encore tombées dans le domaine public, escroquerie et recel ; que les parties civiles ont fait valoir que des oeuvres faussement attribuées à Mme Alexandra A... avaient été exposées au musée de Tours par M. X... ; qu'à la suite du réquisitoire aux fins d'informer délivré par le procureur de la République, le juge d'instruction a fait procéder à des investigations au cours desquelles cent trente tableaux attribués à MmeAlexandra A... ont été saisis tant au musée qui les exposait qu'au domicile de M. X... ; que, le 8 avril 2009, celui-ci s'est constitué partie civile par voie d'intervention en invoquant un intérêt à agir résultant de son droit sur les oeuvres litigieuses ;
Que, le 5 juin 2012, le magistrat instructeur a mis en examen M. X... des chefs susvisés ; que, le 10 juin 2013, ce dernier a déposé une requête en annulation d'actes de la procédure en invoquant exclusivement sa qualité de partie civile et le fait qu'il n'avait fait l'objet d'aucune audition à ce titre ;
Attendu que, pour déclarer sa requête irrecevable en application de l'article 173-1 du code de procédure pénale, l'arrêt retient qu'elle a été été présentée plus de six mois après que M. X... eut été entendu par le juge d'instruction lors de son interrogatoire de première comparution à l'issue duquel il a été mis en examen ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Qu'en effet, il se déduit de l'article 173-1 du code de procédure pénale que, lorsqu'une personne a acquis, dans une même information, les qualités de partie civile et de mis en examen, le délai de six mois qui lui est ouvert pour faire état des moyens de nullité des actes accomplis antérieurement a pour point de départ l'audition ou l'interrogatoire au cours duquel elle a été entendue pour la première fois par le juge d'instruction, en l'une ou l'autre qualité, sauf dans le cas où elle aurait été irrecevable, en raison de la première qualité acquise par elle, à les présenter ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 000 euros la somme que M. X... devra payer à M. Z... en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-cinq novembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;