La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/11/2014 | FRANCE | N°13-27683

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 25 novembre 2014, 13-27683


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que par une ordonnance de référé du 6 janvier 2012, confirmée par un arrêt de cour d'appel du 31 octobre suivant, la société Bricorama France (la société Bricoroma) a été condamnée sous astreinte à fermer le dimanche ses magasins de bricolage situés en région parisienne ; qu'invoquant les règles de la concurrence déloyale, elle a poursuivi en référé la fermeture le dimanche de plusieurs magasins à l'enseigne Castorama et Leroy Mer

lin ; que, par une ordonnance du 11 décembre 2012, le juge des référés du tribuna...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu en matière de référé, que par une ordonnance de référé du 6 janvier 2012, confirmée par un arrêt de cour d'appel du 31 octobre suivant, la société Bricorama France (la société Bricoroma) a été condamnée sous astreinte à fermer le dimanche ses magasins de bricolage situés en région parisienne ; qu'invoquant les règles de la concurrence déloyale, elle a poursuivi en référé la fermeture le dimanche de plusieurs magasins à l'enseigne Castorama et Leroy Merlin ; que, par une ordonnance du 11 décembre 2012, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny, constatant l'existence d'une contestation sérieuse, a dit n'y avoir lieu à référé, y compris sur la demande portant question prioritaire de constitutionnalité, et a renvoyé l'affaire devant la juridiction du fond en application de l'article 873-1 du code de procédure civile ; que la société Bricorama ayant renouvelé ses demandes de fermeture sous astreinte, à titre provisoire jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond du litige, et des questions prioritaires de constitutionnalité ayant été posées, le tribunal de commerce de Bobigny, par un jugement du 19 avril 2013, a mis en délibéré la décision sur les questions prioritaires de constitutionnalité, sursis à statuer sur les demandes au fond et rejeté les demandes de mesures provisoires de la société Bricorama ; que le 16 juillet 2013, la société Bricorama a assigné en référé la société Castorama France (la société Castorama) et les sociétés Leroy Merlin France et Leroy Merlin GSB (les sociétés Leroy Merlin), devant le même tribunal, pour qu'il leur soit ordonné sous astreinte de fermer le dimanche plusieurs de leurs magasins situés en région parisienne ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 482 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer irrecevables les demandes de la société Bricorama, l'arrêt retient que le tribunal de commerce ayant, par son jugement du 19 avril 2013, statué sur les demandes d'interdiction à titre provisoire formulées par la société Bricorama, cette dernière ne saurait prétendre revenir sur cette décision, revêtue de l'autorité de la chose jugée au principal, en saisissant le juge des référés, dont la décision est provisoire, des mêmes demandes dirigées contre les mêmes parties avant qu'il soit statué au fond sur le litige par le tribunal de commerce ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'est dépourvu de l'autorité de chose jugée, au principal, le jugement qui se borne à statuer sur une demande de mesure provisoire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le moyen, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 488, alinéa 2, du code de procédure civile ;
Attendu qu'une ordonnance de référé peut être modifiée ou rapportée en cas de circonstances nouvelles ;
Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes de la société Bricorama, qui soutenait que l'ordonnance du juge des référés du 11 décembre 2012 devait être modifiée en raison des circonstances nouvelles tenant au fait que les questions prioritaires de constitutionnalité visant les textes du code du travail relatifs au travail dominical avaient fait l'objet de décisions de non-lieu à renvoi par la Cour de cassation, l'arrêt retient qu'il résulte de ces décisions que les questions posées étaient dénuées de sérieux et que les dispositions invoquées en 2012 devant le juge des référés continuent de constituer le droit applicable ; qu'il en déduit que le refus de transmettre ou de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité ne constitue pas une circonstance nouvelle justifiant de rapporter l'ordonnance précitée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que les décisions invoquées, en ce qu'elles levaient l'incertitude pesant sur la constitutionnalité des textes invoqués devant le juge des référés, étaient susceptibles d'avoir une influence sur l'appréciation du bien-fondé des demandes formées par la société Bricorama, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, sauf en ce qu'il prononce la jonction des procédures et déclare recevable l'intervention volontaire de la Fédération des syndicats interprofessionnels autonomes, l'arrêt rendu le 29 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les sociétés Castorama France, Leroy Merlin France et Leroy Merlin GSB aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leurs demandes et les condamne à payer à la société Bricorama France la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Bricorama France.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé l'ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, d'avoir déclaré irrecevables les demandes de la société BRICORAMA France comme se heurtant à l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 19 avril 2013 et à l'autorité de l'ordonnance de référé du 11 décembre 2012 ;
Aux motifs que « aux termes de l'article 480 du code de procédure civile, « le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la question qu'il tranche » ; que de ce principe s'infère que la décision rendue ne peut plus être remise en question sous réserve de l'exercice des voies de recours ouvertes à son encontre, et que toute nouvelle demande présentant une identité de parties, d'objet et de cause est par conséquent irrecevable ; qu'en l'espèce, il n'est pas contesté que par ordonnance de référé du 11 décembre 2012, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny a renvoyé les demandes de fermeture provisoire de magasins à l'enseigne CASTORAMA et LEROY MERLIN formées par la société BRICORAMA devant la juridiction du fond par application de l'article 873-1 du code de procédure civile qui prévoit la possibilité en cas d'urgence de renvoyer l'affaire à date fixée pour statuer au fond, et que BRICORAMA a réitéré ces demandes à titre provisoire devant le tribunal ainsi saisi ; que par jugement en date du 19 avril 2013, le tribunal de commerce de Bobigny, mentionnant qu'il a entendu les parties sur les demandes portant question prioritaire de constitutionnalité formées et qu'il a mis la cause en délibéré au 28 mai, rejette les mesures provisoires avec astreinte de BRICORAMA, le dispositif de la décision étant ainsi rédigé : « rejette l'ensemble des mesures provisoires sollicitées avec astreinte et ordonne le sursis à statuer sur les demandes au fond ; renvoie la cause à l'audience du 31 mai 2013 à 9h30 pour calendrier de procédure ou prolongation du sursis à statuer » ; que dans son jugement du 28 mai 2013, le tribunal de commerce statue sur les deux questions prioritaires de constitutionnalité qui lui ont été soumises relatives au repos dominical des salariés et à ses dérogations pour les déclarer irrecevables comme dépourvues de caractère sérieux ; que, dans la même décision, répondant à la demande de BRICORAMA qui avait sollicité la fermeture provisoire des enseignes LEROY MERLIN et CASTORAMA ouvertes le dimanche pour les magasins visés dans l'assignation dans l'hypothèse d'une transmission des questions prioritaires de constitutionnalité, le tribunal a rappelé qu'il avait statué le 19 avril 2013 et dit n'y avoir lieu à se prononcer dans la présente instance sur ces mesures provisoires ; que cette décision a renvoyé les parties à une audience ultérieure sur le fond du litige ; que le tribunal de commerce a donc statué par son jugement du 19 avril 2013 sur les demandes d'interdiction à titre provisoire formulées par la société BRICORAMA ; que cette décision n'a pas été frappée d'appel, qu'elle est passée en force de chose jugée ; que dès lors, la société BRICORAMA ne saurait prétendre revenir sur cette décision revêtue de l'autorité de la chose jugée au principal, en saisissant le juge des référés, dont la décision est provisoire, des mêmes demandes dirigées contre les mêmes parties avant que soit statué au fond sur le litige par le tribunal de commerce ; que par conséquent, l'action de la société BRICORAMA se heurte à l'autorité de la chose jugée du jugement susvisé ; qu'est opposée de surcroît par les appelants l'autorité de l'ordonnance de référé du 11 décembre 2012 ci-dessus évoquée ; qu'aux termes de l'article 488 du code de procédure civile, « l'ordonnance de référé n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée ; elle ne peut être modifiée ou rapportée en référé qu'en cas de circonstances nouvelles » ; qu'ainsi, en l'absence de circonstances nouvelles, le juge des référés ne saurait méconnaître l'autorité qui s'attache à une ordonnance rendue antérieurement ; que la circonstance nouvelle est celle dont le juge n'avait pas connaissance lors de sa première décision et qui constitue un élément d'appréciation nécessaire à la décision ou qui a une incidence sur elle ; qu'en l'espèce, l'ordonnance du 11 décembre 2012 et l'ordonnance dont appel, toutes deux rendues par le tribunal de commerce de Bobigny concernent les mêmes parties et tendent aux mêmes fins d'interdiction d'ouverture de magasins le dimanche ; que la première ordonnance (11 décembre 2012) avait dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes y compris la demande portant question prioritaire de constitutionnalité, qu'elle renvoyait devant les juges du fond ; que BRICORAMA prétend justifier de circonstances nouvelles de nature à permettre de rapporter la première ordonnance, caractérisées par l'intervention de décisions rendues postérieurement à celle-ci par le tribunal de commerce et par la Cour de cassation sur des questions prioritaires de constitutionnalité, et par le Conseil d'Etat et par le tribunal administratif de Melun ; que le juge des référés le 11 décembre 2012 s'était déterminé « au vu des documents produits et des déclarations faites à la barre » sans autre précision ; que si le Conseil d'Etat, par un arrêt du 13 février 2013, a annulé un arrêté du préfet d'Ile-de-France du 8 septembre 2009 définissant les communes rattachées à la communauté urbaine de Paris en ce qu'il a inscrit à tort certaines communes, dont les communes de Brie-Comte-Robert et Claye-Souilly, et en vertu duquel l'autorisation d'ouverture le dimanche avait été concédée par arrêté préfectoral à la société Castorama pour son magasin à Claye-Souilly et à Leroy Merlin pour son magasin de Brie-Comte-Robert, il n'est pas justifié de l'annulation subséquente de cette autorisation ; que les règles du droit administratif ne prévoient pas l'annulation automatique de l'ensemble des décisions individuelles prises en vertu d'une décision réglementaire annulée ; que cet arrêt est par conséquent dépourvu d'effet sur les dérogations que pouvaient opposer les sociétés défenderesses et ne saurait constituer une circonstance nouvelle au sens de l'article 488 du code de procédure civile ; que deux décisions du tribunal administratif de Melun du 21 juin 2013 relatives à la contestation par la société BRICORAMA FRANCE du rejet de ses demandes de dérogations au repos dominical, qui relèvent de la motivation que ces rejets risqueraient d'entraîner d'importants détournements de clientèle à son détriment, sont dénuées de portée sur le litige en cause, s'agissant de simples appréciations formulées dans le cadre de ces décisions administratives, et ne caractérisent pas davantage une circonstance nouvelle de nature à permettre de rapporter l'ordonnance antérieure ; que la société BRICORAMA entend tirer argument du refus de transmettre des questions prioritaires de constitutionnalité visant les articles du code du travail intéressant le litige en cours entre les parties, la première posée devant le juge des référés, une seconde devant le juge du fond, et toutes deux rejetées par décision du 28 mai 2013 du tribunal de commerce de Paris, BRICORAMA en ayant également formulé trois devant la Cour de cassation dans une autre instance qui ont fait l'objet d'arrêts de non renvoi au Conseil constitutionnel du 5 juin 2013 ; que toutefois, ces décisions de non transmission et de non renvoi ne sauraient constituer une circonstance nouvelle au sens de l'article 488 du code de procédure civile dès lors que les questions contestant la constitutionnalité des textes applicables ont été jugées dénuées de caractère sérieux, que par conséquent, les dispositions invoquées devant le juge des référés de 2012 continuent de constituer le droit applicable ; que le cadre juridique du litige ne subit donc pas de modification ; que le refus de transmettre ou de renvoyer ces questions prioritaires de constitutionnalité n'est donc pas de nature à caractériser une circonstance nouvelle au sens de l'article 488 du code de procédure civile ; qu'il suit de là que les demandes de la société BRICORAMA doivent être déclarées irrecevables, comme se heurtant à l'autorité de chose jugée du jugement du tribunal de commerce du 19 avril 2013, et à défaut de circonstances nouvelles susceptibles de justifier que l'ordonnance de référé du 11 décembre 2012 soit rapportée ; que l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a écarté les moyens d'irrecevabilité soulevés, ne peut qu'être infirmée » (arrêt p. 9 à 11) ;
1° Alors, d'une part, qu'est dépourvu d'autorité de chose jugée le jugement qui ordonne le sursis à statuer et refuse de prononcer les mesures provisoires sollicitées par une partie ; qu'en conséquence, en considérant que le jugement du 19 avril 2013, par lequel le tribunal de commerce a mis en délibéré les questions prioritaires de constitutionnalité et a rejeté « l'ensemble des mesures provisoires sollicitées avec astreinte et ordonné le sursis à statuer sur les demandes au fond », constituait une « décision revêtue de l'autorité de la chose jugée au principal », empêchant l'examen des demandes de la société BRICORAMA tendant à l'interdiction provisoire d'une ouverture dominicale, la cour d'appel a violé les articles 480 et 482 du code de procédure civile;
2° Alors, d'autre part, que l'ordonnance de référé, qui n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, peut être rapportée en cas de circonstances nouvelles ; qu'une décision de justice constitue une circonstance nouvelle dès lors qu'elle renforce le caractère manifestement illicite du trouble dont la cessation est demandée ; qu'en l'espèce, après l'ordonnance du 11 décembre 2012 ayant dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société BRICORAMA tendant à la fermeture le dimanche des magasins sous enseigne CASTORAMA et LEROY MERLIN, le tribunal de commerce, par jugement du 28 mai 2013, et la Cour de cassation, par arrêts du 5 juin 2013, ont refusé de transmettre les questions prioritaires de constitutionnalité ayant pour objet, notamment, l'article L. 3132-3 du code du travail, qui pose le principe du repos dominical et sert de fondement aux demandes de la société BRICORAMA ; que ces décisions de justice, qui levaient les incertitudes pesant sur la constitutionnalité des textes au regard desquels la société BRICORAMA caractérisait le trouble manifestement illicite, constituaient des circonstances nouvelles propres à permettre le réexamen des demandes de cette société ; qu'en décidant que ces demandes seraient irrecevables à défaut de circonstances nouvelles susceptibles de justifier que l'ordonnance de référé du 11 décembre 2012 soit rapportée, la cour a violé l'article 488 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-27683
Date de la décision : 25/11/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 octobre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 25 nov. 2014, pourvoi n°13-27683


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.27683
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award