LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 1351 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite de l'accident dont elle a été victime, le 1er novembre 1997, Mme X... est devenue tétraplégique ; qu'une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) lui a accordé diverses sommes en indemnisation de ses préjudices ; que la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la caisse) a demandé la condamnation de la société Hertz Alisa Car Rental à lui rembourser les prestations versées au profit de Mme X... et à lui régler les frais futurs au fur et à mesure de leur engagement ;
Attendu, que pour limiter à 30 160,90 euros la somme due par la société Hertz Alisa Car Rental à la caisse, au titre des prestations versées à la victime, la cour d'appel énonce que le recours des caisses ne peut s'exercer que dans les limites fixées par la CIVI dans ses décisions définitives et que celle-ci ayant, par décision du 5 juillet 2001, fixé à 608 172,96 euros le préjudice subi par la victime dont elle a déduit la créance de la caisse pour la somme de 30 160,90 euros, il convient de condamner la société Hertz Alisa Car Rental à payer cette somme à la caisse ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part que la décision de la CIVI en date du 5 juillet 2001 avait fixé la créance de la victime à l'égard du Fonds de garantie des victimes d'infractions et non celle que détient la caisse envers le tiers responsable, d'autre part que la caisse n'était pas partie à la procédure devant la CIVI, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Hertz Aliza Car Rental à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 30 160,90 euros avec intérêts au taux légal à compter de sa demande, l'arrêt rendu le 18 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Hertz Alisa Car Rental aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Hertz Alisa Car Rental à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie de Paris.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société HERTZ ALISA RENT LTD à verser à la CPAM de Paris la somme limitée de 30.160, 90 euros en remboursement des prestations versées à Mademoiselle Axelle X... ou pour elle, avec intérêts au taux légal à compter de sa demande.
AUX MOTIFS QUE la CRAMIF et la CPAM soutiennent que le tribunal leur a enjoint à tort, de justifier du détail de la somme de 643.644,26 ¿ mise à la charge de la société HERTZ ALISA RENT LTD puisque les décisions de la CIVI en date des 29 mars 2001 et 5 juillet 200l, produites aux débats, détaillent les postes de préjudice indemnisés et que leurs créances ont été déduites de l'indemnité allouée à la victime ; qu'elles demandent la condamnation de la société HERTZ ALISA RENT LTD à leur payer les montants actualisés de leurs créances et la CRAMIF invite la cour à fixer les divers postes sur lesquels elle peut exercer son recours en faisant application de la nomenclature dite DINTILHAC et de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, pour imputer sa créance par priorité sur les indemnités réparant les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle puis sur l'indemnité réparant le déficit fonctionnel permanent ; que cependant, Mademoiselle Axelle X... rappelle que la CIVI a, par deux décisions définitives, fixé certains postes de son préjudice et sursis à statuer sur d'autres : qu'elle justifie qu'elle est toujours prise en charge par la MAS Saint Jean de MALTE, indique qu'elle n'a pas l'intention de modifier cette situation, si bien que le poste assistance tierce personne n'est en l'état qu'hypothétique et qu'elle ne perçoit d'ailleurs pas la majoration pour tierce personne réclamée par la CRAMIF ; que la CIVI dans sa décision du 5 juillet 2001 a sursis à statuer sur la réparation du poste tierce personne jusqu'au retour de la victime à son domicile en précisant qu'une nouvelle expertise médicale devra alors être diligentée sur les besoins de la victime, il appartiendra en conséquence à la CRAMIF de demander le remboursement de la majoration tierce personne de la pension d'invalidité lorsque la victime aura quitté la maison médicalisée qui la prend en charge et que ce préjudice sera effectivement subi ; que Mademoiselle Axelle X... fait également valoir, à juste titre, que l'application de l'article 25 de la loi du 21 décembre 2006, ne saurait remettre en cause la décision définitive de la CIVI qui a fixé l'indemnisation de certains postes de préjudice ; qu'en effet, cet article ne doit s'appliquer aux événements ayant occasionné le dommage survenus antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi du 21 décembre 2006, que lorsque le montant de l'indemnité due à la victime n'a pas été définitivement fixé ; que le recours des Caisses ne pourra donc s'exercer que dans les limites fixées par la CIVI dans ses décisions définitives, sans que les indemnités allouées par ces décisions à Mademoiselle Axelle X... puissent être modifiée ; qu'il résulte des pièces produites que par décision du 29 mars 2001, la CIVI a indemnisé les postes de préjudice suivants: souffrances, préjudices esthétique, d'agrément et sexuel et il n'est pas contesté qu'aucun recours n'est possible sur les indemnités fixées de ces chefs ; que par décision du 5 juillet 2001, la CIVI a fixé les postes de préjudice patrimoniaux sur lesquels elle n'a pas sursis à statuer ainsi: - ITT : 192.905,65F (29.408,28¿) pour la perte de revenus et 99.066,67F (15.102,62 ¿) au titre des troubles dans les conditions d'existence, - IPP : 2.430.000F (370.451, 1l ¿), - préjudice professionnel:1.267.380F (193.210,84 ¿), qu'elle a déduit de cette indemnité de 3.989.353,10F (608.172,96 ¿), outre une provision : * la créance de la CPAM pour la somme de 1 97.842,54F (30.160,90 E), * les créances de la CRAMIF pour les sommes de 854.325,07F (130.241,02 ¿) et 13.109,56F (1.998,54 ¿), et a alloué à la victime la somme complémentaire de 2.919.030,50F (445.003,33 ¿) ; que dès lors le recours de la CPAM de Paris qui a versé selon son décompte daté du 8 mars 2012, des indemnités journalières pour la somme de 20.409,34 ¿ et des prestations en nature pour plus d'un million d'euros, recevra la somme de 30.160,90 ¿ retenue par la CIVI et déduite de l'indemnité revenant à la victime, et la CRAMIF qui sert à Mademoiselle Axelle X... une pension d'invalidité d'un montant, majoration pour tierce personne non comprise, de 95.928,47¿ pour les arrérages échus au 30 septembre 2010 et dont le capital représentatif des arrérages à échoir s'élève à 125.870,49 ¿, recevra dans la limite de sa créance également déduite des indemnités allouées à Mademoiselle Axelle X... par la CIVI, d'un montant total de 132.239,56 ¿ (130.241,02 ¿ + 1.998,54 ¿) , d'une part, la somme de 95.928,47 ¿ en remboursement des prestations déjà versées et d'autre part les arrérages à échoir au fur et à mesure de leur échéance, dans la limite de la somme de 36.311,09¿ (132.239,56 ¿ - 95928,47 ¿), ou cette somme de 36.311,09 ¿ en capital si la société HERTZ ALISA RENT LTD opte pour un paiement immédiat ; que les Caisses recevront ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de leurs demandes pour les prestations déjà versées en application de l'article 1153 du code civil, et à compter de chaque échéance échue pour les arrérages à échoir : qu'il sera fait droit à la demande de la CRAMIF et de la CPAM en paiement de l'indemnité forfaitaire de 966 ¿ prévue par l'article L.376-1 du code de la sécurité sociale.
1° - ALORS QUE la décision de la Commission d'Indemnisation des Victimes d'Infractions (CIVI) fixe la créance de la victime à l'égard du Fonds de Garantie, en tenant compte des prestations versées par les organismes gérant un régime obligatoire de sécurité sociale, mais ne fixe par la créance que détient l'organisme de sécurité sociale à l'égard du tiers responsable ; que cette décision de la CIVI ne peut limiter le recours subrogatoire dont dispose l'organisme de sécurité sociale contre le tiers responsable pour obtenir le remboursement des prestations mises à sa charge dans les conditions prévues à l'article 376-1 du Code de la sécurité sociale, que ce soit antérieurement ou postérieurement à sa modification issue de l'article 25 III de la loi n°2006-1640 du 21 décembre 2006 ; qu'en l'espèce, pour condamner la société HERTZ ALISA RENT LTD tiers responsable à verser à la CPAM de Paris une somme limitée à 30.160,90 euros en remboursement des prestations versées à la victime, la Cour d'appel a considéré que le recours de la Caisse ne pouvait s'exercer que dans les limites fixées par la CIVI dans ses décisions définitives, celle-ci ayant par décision du 5 juillet 2001 fixé à 608.172, 96 euros le préjudice subi par la victime dont elle a déduit la créance de la CPAM de Paris pour la somme de 30.160, 90 euros ; qu'en statuant ainsi lorsque la décision de la CIVI en date du 5 juillet 2001 avait fixé la créance de la victime à l'égard du Fonds et non pas la créance de la CPAM de Paris à l'égard du tiers responsable, la Cour d'appel a violé l'article 376-1 du Code de la sécurité sociale, les articles 706-3 et 706-9 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 1351 du Code Civil.
2° - ALORS QU'en opposant à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la décision définitive du 5 juillet 2001 de la CIVI ayant fixé l'indemnité de la victime déduction faite de sa créance, décision à laquelle l'intéressée n'a pas été et ne pouvait être partie, la Cour d'appel, qui a privé la caisse de la possibilité de faire entendre en justice ses moyens sur le montant de sa créance, a violé l'article 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le droit d'accéder au juge.