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19/11/2014 | FRANCE | N°13-18902

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 19 novembre 2014, 13-18902


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 mars 2013), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 29 février 2012, n° 1115613), que le ministère public a assigné Mme X... sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants afin que soit déclaré illicite le déplacement d'Allemagne en France de l'enfant né de l'union de M. Y... et de Mme X... effectué par celle-ci en aoÃ

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Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer mal fon...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 mars 2013), rendu sur renvoi après cassation (Civ. 1re, 29 février 2012, n° 1115613), que le ministère public a assigné Mme X... sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants afin que soit déclaré illicite le déplacement d'Allemagne en France de l'enfant né de l'union de M. Y... et de Mme X... effectué par celle-ci en août 2010 ;
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de déclarer mal fondé le déféré d'une ordonnance du conseiller de la mise en état et de constater l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour d'appel, alors, selon le moyen :
1°/ que l'absence ou l'inexactitude de la mention relative du domicile du demandeur dans la déclaration de saisine de la cour d'appel constitue une irrégularité de forme susceptible d'entrainer la nullité de la déclaration seulement s'il en est résulté un préjudice ; que la mention du domicile n'est exigée que pour assurer l'identification du demandeur ; que pour dire irrecevable la déclaration de saisine, la cour d'appel a énoncé que la non révélation de son adresse par Mme X... entrainait un préjudice pour M. Y... qui ne pouvait apprécier les conditions de vie de l'enfant ; qu'en se déterminant ainsi au regard du fond du litige, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants et qui n'a pas caractérisé le préjudice causé, s'agissant de l'exercice du recours, par l'absence de révélation du domicile de la demanderesse, a violé les articles 58, 114, 901 et 1033 du code de procédure civile ;
2°/ que le prononcé de l'irrecevabilité du recours, fondé de manière déterminante sur le fait que Mme X..., se sachant recherchée et visée par un mandat d'arrêt européen, n'a pas communiqué son adresse, constitue une atteinte à l'accès au juge, en ce qu'elle la contraint à révéler son lieu de résidence et à s'exposer à être interpellée et à devoir restituer l'enfant, avant même qu'il ait été statué sur la situation juridique de celui-ci ; qu'en disant la déclaration de saisine de Mme X... irrecevable, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge et a ainsi violé l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
3°/ que l'irrecevabilité du recours, motif pris de ce que l'exigence procédurale en cause tendait à préserver l'intérêt supérieur de l'enfant, est en réalité contraire à celui-ci, en ce qu'elle ne permet pas à la juridiction saisie de caractériser le caractère illicite du déplacement de l'enfant, pourtant premier concerné par ce litige qui porte en premier lieu sur son lieu de résidence habituelle avant ledit déplacement ; qu'en estimant le contraire, et en se fondant sur des considérations regardant le fond du litige et non l'intérêt de l'enfant à voir le recours déclaré recevable et sa situation appréciée par un juge, la cour d'appel a porté une atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et a ainsi violé l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant et à l'article 8 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble le dixième alinéa du Préambule de la constitution de 1946 ;
Mais attendu, d'abord, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a estimé que la dissimulation par Mme X... de son adresse faisait grief à M. Y... en le privant de la possibilité d'apprécier l'environnement dans lequel évoluait son fils et compromettait toute chance d'une solution amiable au litige ;
Attendu, ensuite, que l'arrêt retient qu'en refusant de communiquer son adresse réelle, Mme X... porte atteinte aux principes d'un procès équitable, rompt l'égalité des armes entre les adversaires en empêchant toute investigation sur les conditions de vie et l'état de l'enfant, qu'en outre, son comportement se heurte à l'intérêt supérieur de celui-ci puisqu'en l'absence d'investigation utile, elle l'expose à ce qu'une décision soit prise sans que soient portés à la connaissance du juge tous les éléments d'appréciation de son intérêt ; qu'ainsi la cour d'appel, qui n'a pas méconnu le droit d'accès au juge de l'appelante, a fait une exacte application des principes d'équilibre et de proportionnalité indispensables à la mise en oeuvre des dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré le déféré mal fondé et constaté l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour d'appel,
AUX MOTIFS QUE pour échapper à la nullité de sa déclaration de saisine résultant de l'absence de mention de son domicile, Caroline X... a procédé le 12 février 2013, soit une semaine avant l'audience, à une élection de domicile au sein de "l'espace solidarité HAFB", 17, rue Mendelssolm 75020 PARIS et se prévaut des articles L 264-2 et suivants du code de l'action sociale et des familles pour prétendre qu'elle satisfait aux prescriptions des articles 1013, 901 et 58 du code de procédure civile ; que les dispositions des articles L 264 - 2 du code précité sont insérées dans le titre VI de ce code consacré à la lutte contre la pauvreté et les exclusions; qu'elles n'ont pour but que d'assurer aux personnes éligibles aux dispositifs de lutte contre la pauvreté et les exclusions que l'absence de domicile ne peut constituer un obstacle à l'exercice de leurs droits; Que ces dispositions particulières sont dérogatoires au droit commun ; que Caroline X... les détourne de leur finalité en tentant de les utiliser pour régulariser un acte de procédure; qu'il ne peut être contesté que l'espace solidarité dans lequel elle se domicilie ne constitue pas le lieu habituel de sa résidence puisqu'il s'agit seulement, selon l'attestation d'accueil versée aux débats, d'un accueil de jour intégré dans un dispositif tendant à prévenir les drames de l'urgence sociale, lutter contre l'exclusion et la désocialisation, rompre l'isolement et le silence qui entourent les violences au sein du couple, hypothèses en outre totalement étrangères à la situation de Caroline X... ; que dès lors, force est de constater que Caroline X... persiste à cacher délibérément son adresse exacte et celle de l'enfant ; que cette dissimulation fait grief à Michel Y... ; qu'en effet, elle le prive de la possibilité d'apprécier l'environnement dans lequel évolue actuellement son fils et compromet toute chance d'une solution amiable au litige; qu'en outre, s'il appartient au juge de vérifier les implications concrètes d'une décision de retour, d'apprécier les exceptions qui lui sont opposées, il a une mission plus générale de veiller à l'intérêt de l'enfant qui peut le conduire à mettre éventuellement en balance les facteurs de risques d'un retour mais également ceux d'un maintien sur le territoire qui peuvent se révéler au terme d'une appréciation globale de la situation de l'enfant; que l'abstention délibérée de Caroline X... prive Michel Y... de la possibilité de demander utilement la réalisation de mesures d'investigation relatives aux conditions matérielles et morales dans lesquelles se trouve l'enfant, la qualité de son intégration et son niveau d'épanouissement et de permettre ainsi au juge de prendre une décision éclairée; qu'elle porte atteinte à l'égalité des armes devant la juridiction puisqu'à l'inverse, des mesures d'investigation pourraient être réalisées en Allemagne au domicile de Michel Y... pour vérifier les conditions d'accueil qu'il est en mesure de proposer pour l'enfant ; que Caroline X... reproche à l'irrecevabilité de sa saisine prononcée par l'ordonnance déférée de constituer une entrave au droit d'accès au juge et de porter atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant ; qu'elle fait valoir d'une part que, faisant l'objet d'un mandat d'arrêt européen, la révélation de son domicile réel, qui serait de nature à régulariser sa procédure, entraînerait son interpellation, que l'irrecevabilité, si elle était maintenue, empêcherait l'examen du fond de l'affaire alors que l'enjeu est important et que l'exception retenue est disproportionnée à la finalité recherchée; que d'autre part, Caroline X... soutient que l'irrecevabilité empêche d'examiner la question du retour ou du non-retour de l'enfant en Allemagne et porte atteinte à son intérêt; que Caroline X... n'est pas fondée à soutenir que le moyen d'irrecevabilité qui lui a été opposé par le père de l'enfant et qui a été retenu par le conseiller de la mise en état constitue une entrave à son droit à un recours juridictionnel effectif; qu'en effet, elle avait la possibilité de régulariser la procédure jusqu'aux débats tenus le 19 février 2013, en indiquant son adresse réelle ; que si cette mention avait pour conséquence son interpellation, elle ne porterait pas une atteinte irrémédiable à l'exercice de sa défense puisqu'elle n'empêcherait pas sa communication avec son avocat et que la représentation est obligatoire devant la cour d'appel; qu'au contraire, en s'acharnant à refuser de communiquer son adresse réelle, Caroline X... porte atteinte aux principes d'un procès équitable ; qu'elle rompt l'égalité des armes entre les adversaires en empêchant toute investigation sur les conditions de vie et l'état de l'enfant ; qu'en outre, son comportement porte atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant puisque, en l'absence d'investigation utile, elle l'expose à ce qu'une décision soit prise sans que soient portés à la connaissance du juge tous les éléments d'appréciation de son intérêt; qu'en définitive, l'exigence procédurale que Caroline X... bafoue tend en réalité dans le cas particulier d'un déplacement illicite d'enfant, à préserver l'intérêt de ce dernier ; que Caroline X... ne peut dès lors se plaindre d'une atteinte disproportionnée à la finalité de la procédure; que le conseiller de la mise en état a donc justement annulé la déclaration de saisine de Caroline X...; qu'il convient de constater le dessaisissement de la cour,
1) ALORS QUE l'absence ou l'inexactitude de la mention relative du domicile du demandeur dans la déclaration de saisine de la cour d'appel constitue une irrégularité de forme susceptible d'entrainer la nullité de la déclaration seulement s'il en est résulté un préjudice; que la mention du domicile n'est exigée que pour assurer l'identification du demandeur; que pour dire irrecevable la déclaration de saisine, la cour d'appel a énoncé que la non révélation de son adresse par Madame X... entrainait un préjudice pour Monsieur Y... qui ne pouvait apprécier les conditions de vie de l'enfant; qu'en se déterminant ainsi au regard du fond du litige, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs inopérants et qui n'a pas caractérisé le préjudice causé, s'agissant de l'exercice du recours, par l'absence de révélation du domicile de la demanderesse, a violé les articles 58, 114,901 et 1033 du code de procédure civile;
2) ALORS QUE le prononcé de l'irrecevabilité du recours, fondé de manière déterminante sur le fait que Madame X..., se sachant recherchée et visée par un mandat d'arrêt européen, n'a pas communiqué son adresse, constitue une atteinte à l'accès au juge, en ce qu'elle la contraint à révéler son lieu de résidence et à s'exposer à être interpellée et à devoir restituer l'enfant, avant même qu'il ait été statué sur la situation juridique de celui-ci; qu'en disant la déclaration de saisine de Madame X... irrecevable, la cour d'appel a porté une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge et a ainsi violé l'article 6§1 de la convention européenne des droits de l'homme ;
3) ALORS QUE l'irrecevabilité du recours, motif pris de ce que l'exigence procédurale en cause tendait à préserver l'intérêt supérieur de l'enfant, est en réalité contraire à celui-ci, en ce qu'elle ne permet pas à la juridiction saisie de caractériser le caractère illicite du déplacement de l'enfant, pourtant premier concerné par ce litige qui porte en premier lieu sur son lieu de résidence habituelle avant ledit déplacement; qu'en estimant le contraire, et en se fondant sur des considérations regardant le fond du litige et non l'intérêt de l'enfant à voir le recours déclaré recevable et sa situation appréciée par un juge, la cour d'appel a porté une atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant et a ainsi violé l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant et à l'article 8 § 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme, ensemble le dixième alinéa du Préambule de la constitution de 1946.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-18902
Date de la décision : 19/11/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accord et conventions divers - Convention de La Haye du 25 octobre 1980 - Aspects civils de l'enlèvement international d'enfants - Décision rendue sur une demande de retour - Acte d'appel émanant du parent devant remettre l'enfant - Nullité - Convention européenne des droits de l'homme - Compatibilité

APPEL CIVIL - Acte d'appel - Mentions nécessaires - Appelant - Domicile - Absence ou inexactitude de la mention

Selon l'article 58 du code de procédure civile, l'acte de saisine d'une juridiction par une personne physique contient, à peine de nullité, l'indication de son domicile. Statuant en appel d'un jugement ayant, sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, ordonné le retour d'un enfant, une cour d'appel fait l'exacte application des principes d'équilibre et de proportionnalité indispensables à la mise en oeuvre des dispositions de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, sans méconnaître le droit d'accès au juge, en retenant, en vertu de ce texte, qu'est nul l'acte l'ayant saisi émanant du parent devant remettre l'enfant, lorsque celui-ci a refusé de communiquer son adresse réelle


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 28 mars 2013

Sur les mentions nécessaires de l'acte d'appel, à rapprocher :2e Civ., 21 novembre 2002, pourvoi n° 01-00935, Bull. 2002, II, n° 262 (rejet)

arrêt cité


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 19 nov. 2014, pourvoi n°13-18902, Bull. civ. 2014, I, n° 193
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2014, I, n° 193

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat général : M. Sarcelet
Rapporteur ?: M. Hascher
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 27/08/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.18902
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