Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Jean-Philippe Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7e chambre, en date du 22 octobre 2013, qui, pour infractions au code de l'urbanisme, l'a condamné à 15 000 euros d'amende, a ordonné la remise en état des lieux sous astreinte, et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 octobre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Fossier, conseiller rapporteur, M. Pers, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de M. le conseiller FOSSIER, les observations de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général RAYSSÉGUIER ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte du dossier et des pièces de procédure qu'en mai 2007 puis juillet 2009, M. Y... a acquis diverses parcelles à usage de chemin et de carrière équestre, sur la commune de Roquefort-la-Bédoule ; que le 16 juillet 2010, la police municipale du lieu a constaté que le nouveau propriétaire avait fait " nettoyer " et remblayer son terrain dans des conditions susceptibles de consommer une ou des infractions au code de l'urbanisme ; qu'il a, en outre, été constaté que les locataires de M. Y... avaient édifié sur ledit terrain, avant l'acquisition du 27 juillet 2009, diverses constructions telles que des boxes à chevaux et un chalet en bois, et transformé ainsi la carrière d'entraînement en véritable centre équestre ; que M. Y... a été poursuivi pour dépôt illicite de gravats ou déchets, exhaussement illicite et, en tant que bénéficiaire des travaux, déclaré pénalement responsable des constructions réalisées par ses locataires sans permis de construire et en violation du plan local d'urbanisme ;
En cet état ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 123-1, L. 160-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7 du code de l'urbanisme, 121-1 du code pénal, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, défaut de réponse à conclusions, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. Y... coupable d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et d'infractions aux dispositions du plan local d'urbanisme (PLU) ;
" aux motifs que le 19 février 2009, deux agents de la police municipale de Roquefort la Bédoule constataient par procès-verbal sur les parcelles 3 et 4 qui sont la propriété de M. Y... : « se trouvent entreposés : de nombreux tuyaux pour effectuer des forages, un camion chargé de ces mêmes tuyaux, des réservoirs et des bidons remplis d'hydrocarbures, un véhicule sérigraphié au nom de l'entreprise JPB sur cales, un établi installé sous abri, de nombreux câbles et matériaux divers dispersés aux alentours, de plus, une tractopelle servant à effectuer des dépôts de terre et de gravats est présent sur les lieux, nous constatons un exhaussement du sol dont la hauteur excède 2 mètres et portant sur une superficie supérieure à 100 m ², le terrain se trouve classé en zone ND1, tous dépôts de matériaux et affouillement du sol non lié à une opération de construction autorisée sont interdits » ; que le 16 juillet 2010, il était constaté par procès-verbal des policiers municipaux que des camions étaient en train de vider des décombres (terres, gravats, ferrailles) sur la parcelle de M. Jean-Philippe Y...en zone ND1 ; que M. Jean-Philippe Y...a déclaré à l'audience qu'il avait fait nettoyer le terrain, que toutefois, à la date du procès-verbal susvisé, l'infraction était caractérisée, qu'il convient de confirmer le jugement qui a déclaré M. Jean Philippe Y...coupable de ce chef en sa qualité de propriétaire des parcelles où ont été constatées les infractions ; qu'en ce qui concerne les infractions relevées sur les parcelles 95 et 97, soit la construction de box à chevaux et du chalet en bois, et l'activité équestre, parcelles acquises par M. Jean-Philippe Y...le 29 juillet 2009, il est établi que les locataires desdites parcelles, Mme
A...
et son compagnon M. B..., avaient déjà édifié ces constructions et avaient tenté d'y pratiquer une activité de loisirs ; que M. Y..., à la date d'acquisition de ces parcelles, ne pouvait ignorer la présence de ces constructions irrégulières et de l'activité équestre qui y était pratiquée ; qu'il est donc bénéficiaire de ces constructions, édifiées en vue de la pratique d'activités équestres, en qualité de propriétaire des parcelles litigieuses ; que le jugement qui l'a déclaré coupable de ces infractions doit être confirmé ;
" 1°) alors que nul n'est passible de peine qu'à raison de son fait personnel ; que les énonciations de l'article L. 480-4, alinéa 2, du code de l'urbanisme ne dérogent pas à ce principe ; que les bénéficiaires de travaux visés à cet article ne sauraient encourir de responsabilité pénale au titre de constructions irrégulièrement édifiées par un tiers que s'ils ont personnellement participé à l'exécution des travaux ou s'il est établi qu'ils en ont bénéficié en parfaite connaissance de leur caractère illicite ; que, pour condamner M. Y... coupable des délits reprochés, la cour d'appel se borne à relever qu'à la date d'acquisition des parcelles, ce dernier ne pouvait ignorer la présence de ces constructions irrégulières et de l'activité équestre qui y était pratiquée ; qu'en l'état de ces seuls motifs qui n'établissent pas que M. Y..., devenu propriétaire postérieurement à la date d'achèvement des travaux irrégulièrement entrepris par les locataires, en ait bénéficié en connaissance de leur caractère illicite, ni qu'il ait été responsable à un titre quelconque de leur exécution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" 2°) alors qu'aux termes de l'article 388, les juges ne peuvent statuer que sur les faits dont ils sont saisis, à moins que le prévenu n'accepte expressément d'être jugé sur des faits distincts de ceux visés à la prévention ; qu'en l'espèce, M. Y... a été cité devant le tribunal correctionnel pour avoir « fait une utilisation du sol contraire au plan local d'urbanisme (notamment les articles ND1 et ND2), en l'espèce en exerçant une activité équestre » ; qu'en retenant néanmoins la culpabilité de M. Y... du chef d'infraction au plan local d'urbanisme pour avoir bénéficié de l'activité équestre exercée par ses locataires, quand la citation ne visait que l'exercice d'une activité équestre et non le fait d'en bénéficier et que ce dernier n'avait pas accepté d'être jugé sur ces faits, la Cour d'appel a excédé les termes de sa saisine et violé le texte susvisé ;
" 3°) alors qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le bail portant sur les parcelles section N 95 et 97 conclu le 2 janvier 2008 entre le précédent propriétaire et Mme Florence A..., précisait que les locaux étaient à usage exclusif du parcage de poneys en vue de les entraîner ; que la cour d'appel en a justement déduit qu'en l'absence de toute mention au contrat de bail relative à une quelconque activité de loisirs, ainsi qu'en l'absence d'accord écrit de la part du bailleur pour la réalisation des aménagements effectués par les locataires, il est abusif de considérer le propriétaire de la parcelle comme bénéficiaire des travaux entrepris par son locataire, ce dernier ne pouvant être personnellement tenu responsable de l'usage illicite du bien loué ; qu'il n'est pas contesté en l'espèce que M. Y... a acquis les parcelles litigieuses le 29 juillet 2009 sans qu'aucun bail nouveau ne soit signé entre lui et les locataires ; que, pour le déclarer coupable des faits dont elle a relaxé l'ancien propriétaire, la cour d'appel se borne à relever qu'il ne pouvait ignorer l'activité équestre pratiquée sur les parcelles qu'il avait acquises ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que la destination des lieux figurant au bail ne visait que le seul parcage de poneys et que le propriétaire ne pouvait en tout état de cause être tenu pour personnellement responsable de l'usage illicite du bien loué, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui s'en imposaient, et privé de ce fait sa décision de toute base légale au regard des textes visés au moyen ;
" 4°) alors que le nouveau propriétaire d'une parcelle sur laquelle ont été irrégulièrement exécutés des travaux par le locataire antérieurement à son acquisition en vue de pratiquer une activité illicite ne peut en être considéré comme bénéficiaire s'il n'en a retiré aucun avantage ; que dans ses conclusions d'appel, le prévenu faisait ainsi expressément valoir qu'il ne pouvait être considéré comme bénéficiaire de l'activité irrégulièrement exercée par les locataires dans la mesure où ces derniers ne payaient pas de loyers depuis 2008 de sorte qu'il ne pouvait avoir retiré de leur activité un quelconque profit ; qu'en s'abstenant de toute réponse à cet argument déterminant des conclusions du prévenu de nature à écarter définitivement la qualité de « bénéficiaire de ces constructions » qui lui avait été à tort attribuée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale " ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-5 et L. 480-7 du code de l'urbanisme, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné à la charge de M. Y... une mesure de restitution qui consistera à procéder à l'enlèvement de tous les matériaux et déchets se trouvant sur les parcelles, et à l'enlèvement des box à chevaux et du chalet en bois, ce dans un délai d'un an à compter du jour où le présent arrêt sera définitif, et sous astreinte de 75 euros par jour passé ce délai ;
" alors que les mesures de remise en état des lieux ne peuvent être mises qu'à la charge du bénéficiaire des travaux à la date des faits ; qu'en ordonnant à la charge de M. Y... l'enlèvement des box à chevaux et du chalet en bois, quand il n'était ni à l'origine, ni responsable à un titre quelconque des travaux de construction irrégulièrement réalisés par les locataires sur les parcelles litigieuses, ni propriétaire de ces parcelles à la date de leur réalisation, la cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article L. 480-7 du code de l'urbanisme " ;
Les moyens étant réunis ;
Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Attendu que, faute d'avoir été proposé devant les juges du fond, le gief, mélangé de fait, est nouveau et, comme tel, irrecevable ;
Mais sur le deuxième moyen et sur le premier moyen, pris en ses autres branches :
Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu que, pour déclarer M. Y... coupable d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et d'infractions aux dispositions du plan local d'urbanisme, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que le prévenu, à la date d'acquisition de ces parcelles, ne pouvait ignorer la présence de ces constructions irrégulières et de l'activité équestre qui y était pratiquée ; que les juges d'appel ajoutent qu'il était donc bénéficiaire de ces constructions, édifiées en vue de la pratique d'activités équestres, en qualité de propriétaire des parcelles litigieuses ; que par motifs adoptés, l'arrêt retient encore que M. Y... a acquis ce bien en connaissance de cause, une fois les constructions achevées et l'activité exercée ;
Mais attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, qui n'établissent pas que M. Y... ait été bénéficiaire des travaux irréguliers ou responsable à un autre titre de leur exécution, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 475-1, 480-1 et 591 du code de procédure pénale, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné solidairement M. Y..., M. C..., M. B...et Mme
A...
, à payer à la commune de Roquefort-la-Bédoule la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant le tribunal et la somme de 500 euros au titre des mêmes frais exposés devant la cour ;
" alors que la solidarité édictée par l'article 480-1 du code de procédure pénale pour les restitutions et dommages et intérêts n'est pas applicable au paiement des frais non recouvrables de l'article 475-1 du code de procédure pénale ; qu'en condamnant solidairement les prévenus, à payer sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale la somme de 1 500 euros à la partie civile, la cour d'appel a méconnu les textes précités " ;
Vu les articles 475-1 et 480-1 du code de procédure pénale ;
Attendu que la solidarité édictée par le second de ces textes pour les restitutions et dommages-intérêts n'est pas applicable au paiement des frais non recouvrables ;
Attendu que l'arrêt condamne M. Y... à verser solidairement avec les autres prévenus, la somme allouée à la partie civile au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, en date du 22 octobre 2013, en ses dispositions ayant déclaré M. Y... coupable d'exécution de travaux non autorisés par un permis de construire et d'infractions aux dispositions du plan local d'urbanisme, sur les peines et la remise en état, et sur les dispositions l'ayant condamné solidairement avec les autres prévenus sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel d'Aix-en-Provence et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit novembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;