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13/11/2014 | FRANCE | N°13-87943

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 novembre 2014, 13-87943


Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Philippe X...,- M. Jean-Michel Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 8-2, en date du 14 novembre 2013, qui les a déclarés coupables de divulgation de secret de la défense nationale et les a dispensés de peine ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er octobre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, M. Foulquié, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre

: Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de l...

Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Philippe X...,- M. Jean-Michel Y...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 8-2, en date du 14 novembre 2013, qui les a déclarés coupables de divulgation de secret de la défense nationale et les a dispensés de peine ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 1er octobre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, Mme Caron, conseiller rapporteur, M. Foulquié, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
Sur le rapport de Mme le conseiller CARON, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocat en la Cour ;
Vu la communication faite au procureur général ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire et 592 du code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que la cour d'appel, qui a rendu la décision attaquée du 14 novembre 2013, était composée de M. Philippe Prudhomme, président et de Mmes Mireille Maubert-Loeffel et Emmanuelle Bavelier, conseillers ;
" 1°) alors qu'il résulte des dispositions de l'article 592 du code de procédure pénale édictées à peine de nullité que lorsque plusieurs audiences sont consacrées à la même affaire, la cour d'appel doit être composée des mêmes magistrats ; qu'il résulte de la procédure que les audiences du 5 juillet 2012, 20 septembre 2012, 17 octobre 2013 et 14 novembre 2013 de la chambre 2 du pôle 8 de la cour d'appel de Paris ont toutes été consacrées à la même affaire ; que lors des audiences du 5 juillet 2012 et 20 septembre 2012, la cour d'appel était composée de M. Alain Albert, président, et Mmes Emmanuelle Bavelier et Catherine Katz, conseillers, tandis que lors des audiences des 17 octobre 2013 et 14 novembre 2013, la cour d'appel était composée de M. Philippe Prud'homme, président, et de Mmes Mireille Maubert-Loeffel et Emmanuelle Bavelier, conseillers, en sorte que les dispositions d'ordre public de l'article 592 du code de procédure pénale, élément essentiel du procès équitable, ont été méconnues ;
" 2°) alors qu'à la suite des débats du 5 juillet 2012, un premier arrêt a été rendu le 20 septembre 2012 par la cour d'appel dans sa première composition et que l'arrêt du 14 novembre 2013 est un arrêt distinct rendu par la cour d'appel dans sa seconde composition ; qu'il résulte sans ambiguïté du dispositif du premier arrêt que la cour d'appel a annulé le jugement déféré et sursis à statuer jusqu'à la réponse aux renseignements dont elle a constaté la nécessité et jusqu'à l'obtention éventuelle de la décision du ministre de la défense sur la déclassification ou non de ces documents et renvoyé l'affaire pour fixation à l'audience du 14 mars 2013, ce qui met en évidence la nécessaire continuité des débats successifs devant la cour d'appel, imposant que celle-ci soit constamment composée des mêmes magistrats ;
" 3°) alors qu'il ne saurait davantage être objecté que l'article 592 ne s'applique pas aux audiences au cours de laquelle a été ordonnée avant-dire droit un supplément d'information, dans la mesure où, dans son premier arrêt, la cour d'appel ne s'était pas contentée d'ordonner un supplément d'information, mais avait annulé le jugement déféré et qu'ainsi la règle selon laquelle l'article 592 s'applique aux audiences au cours desquelles la cause est instruite, plaidée ou jugée, aurait dû être respectée, ce qui n'a pas été le cas, en sorte que la cassation est encourue " ;
Attendu qu'il résulte des pièces de procédure qu'après avoir sursis à statuer aux fins d'interroger le ministère de la défense sur les documents couverts par le secret, la cour d'appel, à l'audience de renvoi, a poursuivi l'examen de l'affaire dans un autre composition ;
Attendu qu'en cet état, il n'importe que la juridiction ait été autrement composée, dès lors que les débats ont été repris sur un nouveau rapport, qu'ils se sont déroulés conformément aux dispositions de l'article 513 du code de procédure pénale et que les mêmes magistrats ont participé au délibéré, l'arrêt ayant été lu par l'un d'eux en application de l'article 485 dudit code ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être écarté ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, et 6, § 3, a, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré MM. Jean-Michel Y... et Philippe X...coupables de reproduction et divulgation d'informations figurant dans des documents classifiés ;
" aux motifs que les différents ingénieurs de la DGA interrogés s'accordent pour indiquer que les feuillets litigieux apportaient des précisions détaillées, et pour l'un d'eux, sous forme de fourchettes, sur les performances du système SIGE (bandes de fréquences des cibles) ; que le supplément d'information a appris que ces informations étaient toujours classées confidentiel défense ; qu'ainsi, étaient définis et connus les éléments à charge reprochés aux prévenus, mal fondés à prétendre qu'ils les ignoraient alors que, dans leurs écritures, ils en contestent ce caractère ;
" 1°) alors que, dans son second arrêt du 14 novembre 2013, la cour d'appel n'a pu considérer que les prévenus étaient informés, contrairement à ce qu'ils soutenaient dans leurs conclusions, de manière détaillée, de la cause de la prévention et notamment des éléments à charge qui leur étaient reprochés, qu'en contredisant les constatations de fait servant de soutien nécessaire à son premier arrêt du 20 septembre 2012 rendu par une juridiction autrement composée d'où il résulte que « si la DPSD a été conduite au cours de l'instruction à soutenir que quatre des vingt et un feuillets que comportait le document de classification diffusé par la société Agora technologies aurait contenu des informations classifiés à la date de leur émission et à la date de leur compromission, à aucun moment le service n'a indiqué précisément lesquelles de ces informations dites confidentiel défense le seraient ; « en outre, le ministère public a admis dans sa requête d'appel les contradictions ressortant des déclarations des responsables du projet SPOTI, interrogés dans le cadre de l'instruction et c'est sur les bases de ces déclarations, indécises et contradictoires, que les prévenus ont été renvoyés devant la juridiction de jugement par le magistrat-instructeur » ;
" 2°) alors qu'en l'état d'un dossier dont elle avait précédemment constaté le caractère lacunaire de nature à porter atteinte au droit fondamental des prévenus d'être informés de manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention, la cour d'appel ne pouvait considérer, aux termes de son second arrêt, que les lacunes du dossier étaient réparées à la suite du supplément d'information qu'elle avait précédemment ordonné, dans la mesure même où il résulte de ce supplément d'information concrétisé par une unique lettre du ministère de la défense en date du 31 janvier 2003 jointe au dossier de la procédure, que le représentant du ministre, chef de la division des affaires pénales militaires, se bornait à affirmer le caractère de documents classés des feuillets 4, 10, 11 et 12 sans préciser les informations confidentielles qu'ils contenaient et en affirmant leur caractère non communicable, affirmation servant de soutien à un refus de communication ;
" 3°) alors qu'il résulte des conclusions de relaxe déposées par la défense de MM. Jean-Michel Y... et Philippe X...devant la cour d'appel que les prévenus ont refusé de comparaître volontairement sur une prévention dont ils affirmaient le caractère trop imprécis pour qu'ils puissent se défendre en connaissance de cause, les explications qu'ils ont données ne pouvant valoir, eu égard à ce refus de principe clairement affirmé par eux, comparution volontaire autorisant la cour d'appel à les juger sur le fond " ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, et 6, § 2, de la Convention européenne des droits de l'homme, 413-9 et 413-10 du code pénal, préliminaire, 427, 591 et 593 du code de procédure pénale, violation du principe du contradictoire, ensemble violation des droits de la défense ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré MM. Jean-Michel Y... et Philippe X...coupables de reproduction et divulgation d'informations figurant dans des documents classifiés ;
" aux motifs que les différents ingénieurs de la DGA interrogés s'accordent pour indiquer que les feuillets litigieux (4, 10, 11 et 12) apportaient des précisions détaillées, et pour l'un d'eux sous forme de fourchette sur les performances du système SIGE (bandes de fréquence des cibles), que le supplément d'information a appris que ces informations étaient toujours classées confidentiel défense et que les prévenus ont reconnu que de telles informations avaient été apportées par eux à M. Pierre A...pour compléter le document, dont il avait constaté la trame et envoyé par lui par voie électronique aux différents équipementiers, non habilités, et dont tous n'avaient pas à connaître de l'ensemble des performances attendues ;
" 1°) alors que, selon l'ordonnance de renvoi, la faute d'imprudence ou de négligence reprochée aux prévenus consistait à avoir sélectionné les informations contenues dans un document classifié, à les avoir communiquées à une personne non habilitée sans s'assurer qu'elles pouvaient l'être, afin qu'elles soient intégrées dans un autre document sans vérifier si cet autre document ainsi enrichi ne méritait pas lui-même de faire l'objet d'une classification et pouvait être diffusé comme tel ; que compte tenu des termes de la prévention, la cour d'appel ne pouvait statuer qu'autant qu'étaient versés aux débats les documents classifiés (les feuillets 4, 10, 11 et 12) et qu'autant que leur contenu pouvait être contradictoirement discuté et confronté aux documents transmis par les prévenus à des personnes non habilitées et qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de MM. Jean-Michel Y... et Philippe X...en l'état d'un dossier où ne figuraient pas les documents classifiés incriminés dès lors que le ministère de la défense avait expressément refusé de les communiquer, la cour d'appel a privé les demandeurs du procès équitable auquel ils avaient droit ;
" 2°) alors que le juge ne peut fonder sa conviction que sur des pièces régulièrement versées aux débats et soumis à la libre discussion des parties et qu'en fondant sa décision de condamnation sur le contenu supposé de documents classifiés non versés aux débats et par conséquent extérieurs au dossier de la procédure, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des dispositions de l'article 427 du code de procédure pénale, ensemble l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" 3°) alors qu'en l'état du refus catégorique du ministre de la défense de communiquer les documents litigieux, la cour d'appel ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs et méconnaître ce faisant les droits de la défense, déduire arbitrairement le contenu de ses documents de seules déclarations d'ingénieurs de la DGA ;
" 4°) alors qu'il en découle que la décision de condamnation prononcée à l'encontre des prévenus, qui repose sur des motifs impliquant le renversement de la charge de la preuve, procède d'une violation caractérisée du principe de la présomption d'innocence " ;
Sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 8 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, 111-4, 413-9 et 413-10 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré MM. Jean-Michel Y... et Philippe X...coupables de reproduction et divulgation d'informations figurant dans des documents classifiés ;
" aux motifs que les différents ingénieurs de la DGA interrogés s'accordent pour indiquer que les feuillets litigieux apportaient des précisions détaillées, et pour l'un d'eux sous forme de fourchettes, sur les performances du système SIGE (bandes de fréquences des cibles) ; que le supplément d'information a appris que ces informations étaient toujours classées confidentiel défense ; qu'ainsi étaient définis et connus les éléments à charge reprochés aux prévenus, mal fondés à prétendre qu'ils les ignoraient alors que, dans leurs écritures, ils en contestent ce caractère ; que les prévenus ont reconnu que de telles informations avaient été apportées par eux à M. A...pour compléter le document, dont il avait constitué la trame et envoyé par lui par voie électronique aux différents équipementiers, non habilités, et dont tous n'avaient pas à connaître de l'ensemble des performances attendues ; que l'affirmation, selon laquelle les bandes de fréquence des cibles figuraient sur des documents commerciaux n'est étayée d'aucune production par eux de telles plaquettes, en dehors de documents en langue anglaise inexploitables par la cour ; qu'il importe d'ailleurs peu que des équipementiers se disent à rechercher ou exploiter telle ou telle gamme de fréquence ; que seule compte l'association de cette capacité de recherche ou d'exploitation à un programme de défense donné ; que si une consultation pertinente des équipementiers nécessitait la communication des bandes ou gammes de fréquence à intercepter, le respect de leur caractère « confidentiel défense » exigeait qu'elles soient incluses dans des fourchettes ou classes de performances élargies, de façon à ce que leur insertion parmi d'autres, sans rendre la consultation inefficace, évite de dévoiler les gammes de fréquence des cibles ; que tel n'a pas été le cas ; que l'absence d'instruction de la DGA sur la nécessité d'un cloisonnement ne peut prospérer tant il est vrai qu'il appartient à la personne tenue à la confidentialité de prendre les précautions nécessaires, sans attendre de la partie qui la lui impose en définisse toutes les modalités et lui dicte toutes les précautions à prendre ; que M. X...a convenu que les mails auraient dû être soumis à la DGA, dont M. Y... a admis qu'elle était la mieux placée pour apprécier la caractère « confidentiel défense » ; que les prévenus ont manqué aux diligences qu'on pouvait normalement attendre d'eux ; qu'ils ont failli par imprudence ou négligence à leurs obligations et commis ainsi les délits reprochés ;
" 1°) alors que, conformément au principe de la séparation des pouvoirs, il n'appartient pas au juge, non seulement de se substituer à l'autorité de classification en déterminant a posteriori quelles informations méritaient ou non d'être protégées, mais encore de se substituer à l'autorité chargée réglementairement en application de l'article 413-9, dernier alinéa, du code pénal, de déterminer les modalités de protection des informations figurant dans des documents classifiés défense et que dès lors, en énonçant que « si une consultation pertinente des équipementiers nécessitait la communication des bandes ou gammes de fréquence à intercepter, le respect de leur caractère « confidentiel défense » exigeait qu'elles soient incluses dans des fourchettes ou classes de performances élargies, de façon à ce que leur insertion parmi d'autres, sans rendre la consultation inefficace évite de dévoiler les gammes de fréquence des cibles » pour entrer en voie de condamnation, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs ;
" 2°) alors qu'il se déduit des dispositions de l'article 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et 111-4 du code pénal, que nul ne peut être condamné pour une infraction qui n'est pas clairement définie par la loi et que la cour d'appel, qui a admis qu'il existe implicitement dans les dispositions des articles 413-9 et 413-10 du code pénal, une limite à l'interdiction de la divulgation d'un secret défense, à savoir la nécessité de la divulgation d'informations figurant dans un document classifié dans l'intérêt du fonctionnement du service public de la défense nationale ¿ ce qui, en l'espèce, se traduit par la nécessité pour des raisons techniques d'une divulgation d'informations figurant dans un document classifié en vue de permettre l'exécution d'un contrat passé entre la DGA et des entreprises privées ¿ ne pouvait décider arbitrairement ¿ cette condition n'étant pas définie par la loi ¿ que cette divulgation nécessaire et par conséquent conforme au droit était subordonnée à sa dissimulation corrélative parmi d'autres informations ou documents transmis aux équipementiers " ;
Sur le cinquième moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3, alinéa 3, 413-9 et 413-10 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré MM. Jean-Michel Y... et Philippe X...coupables de reproduction et divulgation d'informations figurant dans des documents classifiés ; " aux motifs que les différents ingénieurs de la DGA interrogés s'accordent pour indiquer que les feuillets litigieux apportaient des précisions détaillées, et pour l'un d'eux sous forme de fourchettes, sur les performances du système SIGE (bandes de fréquences des cibles) ; que le supplément d'information a appris que ces informations étaient toujours classées confidentiel défense ; qu'ainsi étaient définis et connus les éléments à charge reprochés aux prévenus, mal fondés à prétendre qu'ils les ignoraient alors que, dans leurs écritures, ils en contestent ce caractère ; que les prévenus ont reconnu que de telles informations avaient été apportées par eux à M. A...pour compléter le document, dont il avait constitué la trame et envoyé par lui par voie électronique aux différents équipementiers, non habilités, et dont tous n'avaient pas à connaître de l'ensemble des performances attendues ; que l'affirmation selon laquelle les bandes de fréquence des cibles figuraient sur des documents commerciaux n'est étayée d'aucune production par eux de telles plaquettes, en dehors de documents en langue anglaise inexploitables par la cour ; qu'il importe d'ailleurs peu que des équipementiers se disent à rechercher ou exploiter telle ou telle gamme de fréquence ; que seule compte l'association de cette capacité de recherche ou d'exploitation à un programme de défense donné ; que si une consultation pertinente des équipementiers nécessitait la communication des bandes ou gammes de fréquence à intercepter, le respect de leur caractère « confidentiel défense » exigeait qu'elles soient incluses dans des fourchettes ou classes de performances élargies, de façon à ce que leur insertion parmi d'autres, sans rendre la consultation inefficace, évite de dévoiler les gammes de fréquence des cibles ; que tel n'a pas été le cas ; que l'absence d'instruction de la DGA sur la nécessité d'un cloisonnement ne peut prospérer tant il est vrai qu'il appartient à la personne tenue à la confidentialité de prendre les précautions nécessaires, sans attendre de la partie qui la lui impose en définisse toutes les modalités et lui dicte toutes les précautions à prendre ; que M. X...a convenu que les mails auraient dû être soumis à la DGA, dont M. Y... a admis qu'elle était la mieux placée pour apprécier la caractère « confidentiel défense » ; que les prévenus ont manqué aux diligences qu'on pouvait normalement attendre d'eux ; qu'ils ont failli par imprudence ou négligence à leurs obligations et commis ainsi les délits reprochés ;

" 1°) alors qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que les deux prévenus, MM. Jean-Michel Y... et Philippe X..., ingénieurs chez Thomson ISR, habilités secret défense, étaient chargés d'intervenir pour finaliser l'exécution d'un marché complexe de la DGA, administration dont la cour d'appel a relevé la carence et obligés pour des raisons techniques inhérentes à l'objet de ce marché, de transmettre à la société sous-traitante la société Agora, elle-même chargée de consulter les équipementiers, certaines informations techniques figurant prétendument dans des documents classifiés et que dans un tel cas, la notion même d'imprudence ou de négligence au sens des articles 413-9 et 413-10 du code pénal ne saurait recevoir application ;
" 2°) alors que la notion de « diligences normales » dont il est fait état dans l'article 121-3 du code pénal, implique par elle-même que les diligences requises de la part de la personne concernée aient eu, à l'époque des faits, un caractère d'évidence suffisant et que la cour d'appel, qui, après avoir admis que la consultation pertinente des équipementiers ¿ consultation dont les prévenus avaient la charge ¿ nécessitait la communication des bandes ou gammes de fréquence à intercepter, c'est-à-dire pour partie d'informations incluses dans des documents classifiés, a affirmé que le respect de leur caractère « confidentiel défense » exigeait qu'elles soient incluses dans des fourchettes ou classes élargies de façon à ce que leur insertion parmi d'autres, sans rendre la consultation inefficace, évite de dévoiler les gammes de fréquence des cibles, a fait de la notion de diligences normales une notion illisible et a dès lors privé sa décision de base légale au regard des dispositions de l'article 121-3 du code pénal " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société Thomson ISR a passé avec la direction générale de l'armement un marché d'études classé " confidentiel défense " portant sur un projet de station intégrée de guerre électronique (SIGE) ; que M. A..., ingénieur de la société Agora technologiques, sous-traitante non habilitée " défense " de la société Thomson ISR, a adressé un courrier électronique, destiné à des équipementiers potentiels, contenant des renseignements extraits du cahier des charges classé " confidentiel défense " du marché d'études précité ; que l'enquête puis l'information ouvertes du chef de divulgation de secret de la défense nationale ont établi que ces informations avaient été communiquées à M. A...par MM. X...et Y..., ingénieurs de la société Thomson ISR, habilités défense, lesquels ont reconnu être les auteurs de cette divulgation à un sous-traitant dont ils savaient qu'il ne possédait pas d'habilitation ;
Attendu que, pour déclarer MM. X...et Y... coupables de divulgation de secret de la défense nationale pour avoir reproduit une partie des renseignements contenus dans le cahier des charges du marché, identifiée dans quatre feuillets de la documentation fournie par la société Agora aux équipementiers consultés par elle, puis d'avoir laissé celle-ci les divulguer, l'arrêt attaqué relève que le supplément d'information a confirmé que ces feuillets, dont les prévenus ont contesté qu'ils contenaient des informations à caractère secret, apportaient des précisions détaillées sur les performances attendues du système SIGE, lesquelles étaient encore classées " confidentiel défense " ; que MM. X...et Y... ont reconnu avoir communiqué ces informations classifiées à un ingénieur d'une société qu'ils savaient non habilitée défense, avoir eu connaissance du courrier, dans lequel elles figuraient, qui allait être adressé par voie électronique aux divers équipementiers et l'avoir, d'ailleurs, complété ; que les juges ajoutent que ni la brièveté des délais de recherche de ces équipementiers, ni la nécessité alléguée, pour la pertinence de leur consultation, d'une communication de renseignements protégés, ni le défaut de vigilance de la délégation générale de l'armement, concernant l'absence d'habilitation par elle de la société sous-traitante et d'instructions données à ce sujet, ne sauraient exonérer les prévenus, tenus à la confidentialité, de leur responsabilité pénale, dès lors que, par imprudence ou négligence, ils n'ont pas pris les précautions nécessaires à la non-divulgation des informations qu'ils savaient couvertes par le secret dont ils étaient dépositaires et pour la communication éventuelle desquelles ils n'avaient pas sollicité d'instructions de la part de l'autorité de classification ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, la cour d'appel a, sans contradiction ni insuffisance, et sans méconnaître les dispositions conventionnelles invoquées aux moyens, justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le treize novembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 13-87943
Date de la décision : 13/11/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 14 novembre 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 nov. 2014, pourvoi n°13-87943


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.87943
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