La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2014 | FRANCE | N°13-13447

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 13 novembre 2014, 13-13447


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mme Nicole X... et à M. Gérard X... de leur reprise de l'instance introduite par Jean-Louis X..., décédé le 2 juillet 2013 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 2012), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 16 octobre 2008, pourvoi n° 07-15. 778, Bull. I, n° 230), que M. Z..., fils du dirigeant de la société Les Chaussures André décédé en 1960, a engagé deux actions civile et pénale à l'encontre de Jean-Louis X..., proche collabo

rateur et homme de confiance du défunt, désigné par celui-ci pour lui succéder à ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Donne acte à Mme Nicole X... et à M. Gérard X... de leur reprise de l'instance introduite par Jean-Louis X..., décédé le 2 juillet 2013 ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 26 septembre 2012), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 16 octobre 2008, pourvoi n° 07-15. 778, Bull. I, n° 230), que M. Z..., fils du dirigeant de la société Les Chaussures André décédé en 1960, a engagé deux actions civile et pénale à l'encontre de Jean-Louis X..., proche collaborateur et homme de confiance du défunt, désigné par celui-ci pour lui succéder à la tête de l'entreprise, en lui reprochant les conditions préjudiciables dans lesquelles il l'aurait déterminé à céder ses participations dans la société ; qu'au cours des poursuites pénales, Jean-Louis X... a produit une note qui lui avait été remise par le dirigeant peu de temps avant son décès, dans laquelle, mettant en doute les capacités professionnelles de son fils, il avait, au terme d'un portrait très défavorable de celui-ci, manifesté le souhait de le voir écarté de la direction de la société ; qu'estimant que la production de cette note portait atteinte à son droit au respect de la vie privée, M. Z... a assigné Jean-Louis X... en réparation de son préjudice ;
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt attaqué de rejeter sa demande, alors, selon le moyen,
1°/ que la production en justice d'un document portant atteinte à un droit fondamental comme le droit au respect dû à la vie privée n'est justifiée qu'à la condition que ce document soit strictement nécessaire à l'exercice des droits de la défense ; que ne répond donc pas à cette exigence la production en justice d'une pièce qui n'est pas indispensable au succès de la prétention de la partie qui l'invoque ; qu'en retenant que la production de la note litigieuse dans l'instance pénale permettait à Jean-Louis X... d'expliciter, dans le contexte de son accession à la direction de la société Chaussures André en 1960 et de sa relation de confiance avec Georges A..., un point de vue de ce dernier à propos de l'inaptitude de son fils à lui succéder à la tête de ladite société et constituait ainsi un élément de contestation des positions de M. Z..., sans constater que cette note était strictement nécessaire à l'exercice de ses droits de la défense, ni caractériser, en particulier, en quoi elle aurait été seule de nature à écarter les accusations d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance qu'il était reproché à Jean-Louis X... d'avoir commis en 1978, soit dix-huit ans plus tard, à l'occasion de l'achat des parts de M. Z... dans le capital de ladite société et qui ne concernaient que les relations de confiance ayant existé entre M. Z... et Jean-Louis X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu'en retenant que la production de la note litigieuse dans l'instance pénale répondait pour Jean-Louis X... à une nécessité de se défendre contre les accusations faites par M. Z..., quand il ressortait de ses propres constatations que M. Z... ne contestait pas les conditions dans lesquelles Jean-Louis X... avait accédé à la direction de la société Chaussures André en 1960 au décès de son père et ne lui reprochait que d'avoir commis des abus de biens sociaux et des abus de confiance en 1978 à l'occasion de l'achat de ses parts dans le capital de ladite société en abusant de la confiance que M. Z... lui avait accordée, ce dont il se déduisait qu'il n'était pas nécessaire à Jean-Louis X... d'expliciter, par la production de la note litigieuse, le contexte non contesté dans lequel il avait accédé à la direction de la société susvisée en 1960, soit dix-huit ans plus tôt que les faits constitutifs des infractions reprochées, la cour d'appel a violé les articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
Mais attendu qu'après avoir souverainement estimé que les droits de la défense ne pouvaient être cantonnés à une discussion des seuls éléments constitutifs des infractions dénoncées par les plaintes de M. Z..., la cour d'appel a retenu que la communication, dans la confidentialité de l'information judiciaire, des impressions et jugement de valeur portés sur celui-ci par son père, répondait pour Jean-Louis X... à la nécessité de se défendre contre les accusations du plaignant développées depuis 1988 auprès de l'autorité judiciaire et que la production de la note litigieuse, destinée à contredire les accusations d'abus de confiance résultant d'une prise de pouvoir indue et de manoeuvres frauduleuses prétendues pour spolier les héritiers du dirigeant défunt, était proportionnée au but recherché ; que par ces motifs, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. Z... ; le condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à Mme Nicole X... et à M. Gérard X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize novembre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour M. Z....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. Z... de sa demande tendant à voir juger que la production en justice d'une note manuscrite établie en 1960 par son père et comportant diverses appréciations touchant à la vie privée de ses fils a porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée ;
AUX MOTIFS QUE « la justification tirée de l'exercice des droits de la défense doit être appréciée selon les termes exacts du débat judiciaire dans le cours duquel ces droits sont exercés selon ce qui est soutenu par l'intimé ; que s'agissant de la communication au juge d'instruction la lecture des pièces du dossier, mis à disposition suite à l'arrêt de cette cour du 6 avril 2011, établi d'emblée la volonté expresse de Gérard Z... de situer les infractions commises à son détriment lors de la cession de sa participation (1978) dans le contexte de ses relations avec l'intimé (Jean-Louis X...) en remontant à l'époque où celui-ci a pris la direction de la société (1960) ; qu'ainsi, il fût exposé à l'attention de l'autorité judiciaire dans la plainte avec constitution de partie civile : « les soussignés ¿ ont hérité de leur père décédé en 1960, 97, 5 % des actions du Groupe Chaussures André, dont 2, 5 % avaient antérieurement été attribuées à M. Jean-Louis X..., homme de confiance de leur père depuis de nombreuses années. Aucun des plaignants n'ayant une formation susceptible de lui permettre d'exercer effectivement la direction d'une importante affaire industrielle et commerciale, ils ont conféré à M. Jean-Louis X... la présidence de la société Chaussures André et lui ont cédé, dans des conditions particulièrement avantageuses, 10 % des actions de ladite société (5 % à titre gratuit et 5 % au prix figurant dans la déclaration de succession). Ils pensaient ainsi perpétuer la gestion de leur père. M. X... était, en outre, et d'une manière générale le conseil et le mandataire des plaignants pour tout ce qui concernait leur patrimoine personnel. Ils avaient en lui la confiance la plus absolue et le considéraient comme un ami intime. La confiance placée en M. X... peut être caractérisée par les exemples suivants :- dans son testament, rédigé en 1973, M. Gérard Z... nommait Jean-Louis X... son exécuteur testamentaire (annexe n° 1) ;- M. Jean-Louis X... est le parrain de Philippe Z..., fils de Daniel Z... (annexe n° 2) ;- M. Jean-Louis X... a été nomme gérant de la société civile immobilière propriétaire des biens et immeubles de la famille Z... ;- le collaborateur direct de M. X..., M. B..., jusqu'à ces derniers mois secrétaire général des Chaussures André, avait procuration sur les comptes bancaires personnels des plaignants. En 1982 encore, M. Daniel Z... constituait M. B... son mandataire pour opérer sur son compte en banque personnel (¿). M. X... se trouvait ainsi dans la double position de principal mandataire social de la SA Chaussures André et de mandataire personnel de ses deux principaux actionnaires. Cette situation lui a permis de réaliser, dans la confusion totale des intéressés, MM. Gérard et Daniel Z..., des opérations contraires à l'intérêt de la société, dont il était le dirigeant, à son profit personnel » ; que fût placé dans le débat judiciaire initié par cette plainte les circonstances dans lesquelles Jean-Louis X... était devenu président et le stratagème qu'il a ensuite fomenté pour tout à la fois s'attirer la confiance des fils de Georges A... et la surprendre pour les dépouiller de leurs biens ; que cette présentation de l'historique de la société et du comportement de l'intimé figure, sous une forme certes atténuée mais clairement exprimée dans la plainte reçue le 22 janvier 1988 par la juridiction d'instruction de Paris et dirigée nominativement contre l'intimé du chef d'abus de biens sociaux (tome1 D20) ; que le fait pour Gérard Z..., dès l'engagement des poursuites, de situer dans le cadre juridique de ses plaintes la chronologie de la prise de pouvoir de Jean-Louis X... et les manoeuvres ensuite ourdies pour le spolier est une constante de la procédure ; que la Cour cite un extrait du courrier adressé en réponse à la communication incriminée ; que dans une lettre datée du 14 avril 1995 et adressée au juge d'instruction sur ce point significatif s'il est écrit : « par cette communication M. X... signe son forfait. En effet si la détention par lui de cette note privée émanant du père de MM. Daniel et Gérard Z... est régulière, ce qu'il lui appartiendra de prouver, elle établirait bien la confiance qui était manifestée par son auteur à M. X.... C'est fort du pouvoir que lui conférait cette confiance que M. X... a su gagner à son tour la confiance de MM. Daniel et Gérard Z... pour mieux les manoeuvrer et mieux les dépouiller. Ils lui étaient livrés, il a su s'en servir ; il doit maintenant répondre de ses actes sauf à prétendre que la culpabilité ou l'impunité de l'auteur d'actes frauduleux se mesure aux qualités ou aux défauts des victimes ¿ » ; qu'objet de plaintes nominativement déposées contre lui, décrit comme étant parvenu en 1960, du fait de la confiance que lui accordait Georges A..., à la direction de la société puis comme ayant su abuser de la confiance de ses deux fils pour les spolier de leur fortune et héritage en 1978, Jean-Louis X..., qui disposait du droit fondamental à pouvoir se défendre effectivement envers les accusations pénales des frères Z..., était, dans ce contexte factuel et procédural, fondé à fournir au juge d'instruction, magistrat tenu au secret professionnel, dans le cadre d'une procédure alors couverte par le secret de l'instruction, selon l'observation de la cour, la copie d'une note au sujet de laquelle il ne peut être sérieusement contesté qu'il la détenait, à l'époque depuis près de 35 ans ; qu'en effet, expliciter un des points de vue du dirigeant de l'entreprise, de 1935 à sa mort survenue en 1960 à propos de l'inaptitude de Gérard Z... à lui succéder est un élément de contestation des points de vue et position de celui-ci lorsque par ses plaintes avec constitution de partie civile, il a engagé l'action publique contre Jean-Louis X... ; qu'en définitive communiquer dans la confidentialité légalement organisée de l'information judiciaire, les impressions et jugements de valeur de Georges A... envers ses fils répondait pour Jean-Louis X... à la nécessité de se défendre contre les accusations susvisées développées depuis 1988 par Gérard Z... auprès de l'autorité judiciaire ; que cette réplique n'excède pas le rapport de proportionnalité exigé par rapport au but recherché qui consistait à contredire Gérard Z..., au surplus décrit dans cette note comme « suscitant la peur et la gêne chez les plus proches collaborateurs de Georges A... » ; qu'au cas d'espèce, les droits de la défense devaient ne pas être cantonnés à la seule discussion portant sur les éléments constitutifs des infractions retenues aux plaintes ; que de plus la cour relève que le principal destinataire, le juge d'instruction, n'a émis aucune observation ou commentaire envers la communication du 14 mai 1995 ni n'a pris une décision juridictionnelle disant que cette note excédait le cadre de l'article 81 du code de procédure pénale » (arrêt attaqué, p. 6, al. 1 à p. 8, al. 5) ;
ALORS QUE la production en justice d'un document portant atteinte à un droit fondamental comme le droit au respect dû à la vie privée n'est justifiée qu'à la condition que ce document soit strictement nécessaire à l'exercice des droits de la défense ; que ne répond donc pas à cette exigence la production en justice d'une pièce qui n'est pas indispensable au succès de la prétention de la partie qui l'invoque ; qu'en retenant que la production de la note litigieuse dans l'instance pénale permettait à M. X... d'expliciter, dans le contexte de son accession à la direction de la société Chaussures André en 1960 et de sa relation de confiance avec M. A..., un point de vue de ce dernier à propos de l'inaptitude de son fils à lui succéder à la tête de ladite société et constituait ainsi un élément de contestation des positions de M. Z..., sans constater que cette note était strictement nécessaire à l'exercice de ses droits de la défense, ni caractériser, en particulier, en quoi elle aurait été seule de nature à écarter les accusations d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance qu'il était reproché à M. X... d'avoir commis en 1978, soit dix-huit ans plus tard, à l'occasion de l'achat des parts de M. Z... dans le capital de ladite société et qui ne concernaient que les relations de confiance ayant existé entre M. Z... et M. X..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
ALORS, au demeurant, QU'en retenant que la production de la note litigieuse dans l'instance pénale répondait pour M. X... à une nécessité de se défendre contre les accusations faites par M. Z..., quand il ressortait de ses propres constatations que M. Z... ne contestait pas les conditions dans lesquelles M. X... avait accédé à la direction de la société Chaussures André en 1960 au décès de son père et ne lui reprochait que d'avoir commis des abus de biens sociaux et des abus de confiance en 1978 à l'occasion de l'achat de ses parts dans le capital de ladite société en abusant de la confiance que M. Z... lui avait accordée, ce dont il se déduisait qu'il n'était pas nécessaire à M. X... d'expliciter, par la production de la note litigieuse, le contexte non contesté dans lequel il avait accédé à la direction de la société susvisée en 1960, soit 18 ans plus tôt que les faits constitutifs des infractions reprochées, la cour d'appel a violé les articles 9 du Code civil et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 13-13447
Date de la décision : 13/11/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 26 septembre 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 13 nov. 2014, pourvoi n°13-13447


Composition du Tribunal
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.13447
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award