LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Michel X..., partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 2-7, en date du 23 mai 2013, qui, dans la procédure suivie, sur sa plainte, contre M. Eric Y..., du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 30 septembre 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Straehli, conseiller rapporteur, M. Beauvais, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Hervé ;
Sur le rapport de M. le conseiller STRAEHLI, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN et THIRIEZ, de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général MATHON ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 29 et 31 de la loi du 29 juillet 1881, 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, 459, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a jugé que la diffamation envers un citoyen chargé d'un mandat public pour laquelle M. Eric Y...était poursuivi n'était pas établi et a débouté la partie civile de ses demandes ;
" aux motifs que sur la bonne foi, « cette excuse, qui concerne l'élément intentionnel de la diffamation, doit être appréciée en fonction de trois caractéristiques de la procédure, à savoir : que le sujet traité ressortit à la question du traitement et de la conservation des déchets, que la gestion d'une commune génère, et confère à l'article mis en ligne sur le blog la caractéristique d'un sujet d'intérêt général ; que les critères d'admission au bénéfice de la bonne foi sont appréciés avec une moindre rigueur lorsque, comme au cas d'espèce, une polémique matérialisée par des écrits (postérieurs d'une semaine par rapport à la mise en ligne du 28 janvier 2010), opposait trois associations de défense de l'environnement, signataires du courrier figurant en pièce une de l'offre de preuve, à la Commune dirigée par la partie civile, le cour rappelant que la présence de déchets provenant à l'évidence de l'exploitation de services municipaux (en l'occurrence des éléments de décors utilisés par le théâtre municipal) a été constaté avant la mise en ligne ; que la partie civile est mise en cause en sa qualité d'élue et l'intimé ayant revendiqué, sans être démenti, un engagement personnel en faveur des questions tenant à la protection de l'environnement ; que « le critère de la légitimité du but poursuivi est acquis compte tenu de sa nature et de son objet tels qu'ils viennent d'être définis par la cour, l'observation complémentaire étant faite que ce critère ne fait pas l'objet de contestation, détaillée au écritures de la partie civile, qui fait valoir des contestations de deux ordres, tenant à l'absence de prudence dans l'expression et à l'animosité personnelle manifeste dont l'intimé avait fait preuve dans l'article attaqué, et affirme l'impossibilité, pour celui-ci de faire état de documents postérieurs à la date de mise en ligne ; que le critère déterminant se situe sur le plan de la base factuelle détenue par l'intimé, la cour rappelant l'état de la jurisprudence de la cour de Strasbourg, qui, en la matière, (sujet d'intérêt général, opposant un citoyen se disant défenseur de la sauvegarde de l'environnement de la commune où il réside au maire de sa commune rappelle « le niveau élevé de protection du droit à la liberté d'expression exigé par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que « la cour retient des débats qu'est établie la présence, au cours du mois de janvier 2010, sur un site contigu d'un emplacement où la commune de Gagny peut déposer des déchets, d'autres déchets eux déposés sans droit ni titre ; que « la nature de certains (éléments de décors de théâtre, volume d'autres déchets, qualifiés d'industriels) et des traces de pneus pouvaient laisser accroire qu'ils provenaient de la déchetterie municipale ; que le témoin D... n'a pas été contredit lorsqu'il a témoigné devant le tribunal avoir constaté la présence à cet endroit, non accessible en voiture (pas de chemin tracé), « de restes de poteaux de Gagny, de carcasses de voitures, de décors datant d'une animation Jules Verne, qui n'étaient pas récents et précisé « que cela faisait plusieurs années qu'il y avait ces déchets » ; que « la cour retient le témoignage reçu par le tribunal, de M. B...(témoin de la partie civile) qui du fait d'une surcharge du centre de dépôt, « on a posé des structures sur une autre partie », qu'il se déduit de ce témoignage que la pratique pour les agents municipaux de déposer des déchets en dehors des emplacements idoines, n'a pas été réfutée par l'agent alors placé sous l'autorité hiérarchique de la partie civile ; qu'entendu à la suite, M. C...a estimé devoir préciser que ces objets devant être réutilisés « ça ne gênait en rien » ; qu'en conséquence, qu'en mettant en cause dans les termes attaqués par la partie civile, l'intimé disposait d'une base factuelle précise l'autorisant, en commentant un texte émanant d'une association de défense de l'environnement, à formuler l'imputation incriminée ; qu'est indifférent le fait que les documents, produits par l'intimé, sont postérieurs d'une semaine à deux mois par rapport à la date de mise en ligne dans l'exacte mesure où ils se rattachent à cet état de fait, lui antérieur à la mise en ligne, décrit par les trois témoins susvisés, entendus par le tribunal, définissant que de manière constante et par solution de facilité des objets volumineux étaient déposés en nombre sur un terrain non habilité et viabilisé à cet effet » ; que ces documents n'étant que la concrétisation de cet état de fait et de la controverse qui s'en suivit, l'intimé est fondé à s'en prévaloir pour justifier de sa bonne foi, jugée selon l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme ; que la cour jugera que l'imputation attaquée correspond à une déduction admissible en la matière, son évident caractère hyperbolique étant excusable par l'ancienneté de la pratique fustigée, qui pouvait faire accroire à l'intimé que la partie civile, tolérant ces pratiques, pouvait avoir consenti à leur accomplissement » ; que l'intimé n'ayant pas de plus démontré la vindicte ou d'animosité envers la personne de la partie civile, la cour, par ces motifs, substitués à ceux des premiers juges, confirmera le jugement sur le débouté de la partie civile et la mise hors de cause de l'intimé ;
" 1°) alors qu'en vertu de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, si la présomption de mauvaise foi qui s'attache de plein droit aux imputations diffamatoires peut être combattue par des faits justificatifs dont il appartient au prévenu d'administrer la preuve, la bonne foi de celui-ci ne peut être reconnue que s'il a disposé, au moment où il a tenu ses propos, d'éléments suffisants pour croire à la vérité de ses attaques ; qu'en l'état des motifs de l'arrêt, d'où il résulte que la bonne foi du prévenu est déduite de pièces postérieures aux faits, et notamment des témoignages devant le tribunal correctionnel, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;
" 2°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision, et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que, si la bonne foi s'apprécie au regard du motif d'intérêt général justifiant les propos diffamatoires, la légitimité de ce débat ne dispense pas son auteur et ceux qui éditent de tels propos de se montrer prudents dans leur expression, en ne se livrant pas à des accusations qui ne sont pas corroborés par les informations dont ils disposent et en n'utilisant pas un ton inadéquat au regard de la base factuelle dont ils disposent, porterait-elle sur un débat d'intérêt général local ; que la cour d'appel qui n'a pas recherché si l'intimé pouvait faire état de la pollution d'un site protégé, quand les conclusions pour le prévenu soutenaient que le lieu de stockage ne faisait pas partie de ce site protégé, ce qui n'avait pas été vérifié, elle a privé sa décision de base légale ;
" 3°) alors que la prudence dans l'expression s'apprécie au regard des conséquences que pouvait tirer l'auteur des propos incriminés des faits dont il avait connaissance au moment de la diffusion de ces propos ; que l'arrêt retient la prudence dans l'expression, en ce que le maire, tolérant les pratiques de ses services municipaux déversant des déchets sur un site protégé, depuis plusieurs années, l'intimé pouvait en avoir déduit que le maire avait consenti à leur accomplissement ; qu'en admettant au titre de la bonne foi, l'imputation sous-entendue à la partie civile d'une infraction aux dispositions du code de l'environnement, sans base factuelle suffisante, l'intimé n'ayant pas prétendu disposer d'éléments d'information sur la tolérance invoquée au moment de la diffusion de l'article, et la cour d'appel n'expliquant pas d'où elle déduit cette tolérance, elle a encore privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de la procédure qu'à la suite de la mise en ligne, le 28 janvier 2010, sur un blog intitulé " actualités de Gagny-Blog ", d'un texte intitulé " la ville de Gagny pollue la carrière Saint-Pierre ", M. X..., maire de cette commune, a porté plainte et s'est constitué partie civile contre personne non dénommée, du chef de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, à raison d'un passage de cet article ainsi rédigé : " (...) Comment Michel X...peut-il avoir (...) Un deuxième discours autorisant le centre d'apport volontaire de la ville de Gagny à déverser une partie de ses ordures dans la carrière Saint-Pierre ? " ; que les investigations effectuées sur commission rogatoire ont permis d'identifier M. Eric Y...comme étant le responsable légal de ce blog et qu'à la fin de l'information, le juge d'instruction a renvoyé celui-ci devant le tribunal correctionnel, du chef du délit susvisé ;
Attendu que le tribunal a relaxé M. Y...et débouté M. X...de sa demande ; que seule la partie civile a interjeté appel de ce jugement ;
Attendu que, pour confirmer la décision entreprise, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'abstraction faite des énonciations critiquées par le demandeur mais surabondantes, relatives à des documents établis postérieurement à la diffusion des propos litigieux, la cour d'appel, qui a déduit la base factuelle dont disposait l'auteur de ceux-ci d'un texte antérieur émanant d'une association de défense de l'environnement et qui a caractérisé l'existence d'un débat d'intérêt général portant sur la gestion des déchets dans une commune, a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X...devra verser à M. Y...en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze novembre deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;