LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un jugement a prononcé le divorce de Mme X... et de M. Y..., aux torts du mari ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche, ci-après annexé :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à son épouse une prestation compensatoire payable pour partie sous forme de rente ;
Attendu qu'ayant relevé que, compte tenu d'un état de santé fragile, l'épouse, âgée de 65 ans, n'était pas en mesure de subvenir à ses besoins, et qu'ayant cessé toute activité professionnelle pour suivre son mari qui travaillait à l'étranger, elle ne disposait d'aucun revenu personnel et n'avait pas accumulé de droits à pension, la cour d'appel a pu décider que la prestation compensatoire serait payable, pour partie, sous forme de rente viagère ; qu'en sa première branche, le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur la seconde branche du moyen :
Vu l'article 274 du code civil ;
Vu la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-151 QPC du 13 juillet 2011, aux termes de laquelle l'atteinte au droit de propriété qui résulte de l'attribution forcée prévue par le 2° de l'article 274 du code civil ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d'intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation compensatoire en capital de sorte qu'elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l'espèce, les modalités prévues au 1° n'apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation ;
Attendu que, pour imposer à M. Y... le règlement de la prestation compensatoire par l'abandon de la part dont il était titulaire dans le pavillon commun situé à Twickenham, l'arrêt énonce que la disparité constatée dans les conditions de vie des époux au détriment de l'épouse sera compensée par l'octroi d'une prestation compensatoire évaluée à la somme de 224 962, 50 euros pour partie sous la forme de l'attribution de la part du mari dans le pavillon ;
Qu'en statuant ainsi, sans constater que les modalités prévues au 1° de l'article 274 du code civil n'étaient pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en celles de ses dispositions ayant fixé les modalités de paiement de la prestation compensatoire en capital due par M. Y... à Mme X..., l'arrêt rendu le 13 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de Mme X... et la condamne à payer à M. Y... une somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils, pour M. Z...
Y...
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné M. Y... à payer à son épouse, à titre de prestation compensatoire, un capital de 224 962, 50 € payable sous forme d'attribution de sa part dans la propriété du bien immobilier situé à TWICKENHAM, ... dont la jouissance lui a été attribuée et d'une rente mensuelle viagère de 1 400 € par mois ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la prestation compensatoire : M. Y... sollicite de la cour qu'elle sursoie à statuer sur la demande de prestation compensatoire en ce que la fixation de celle-ci est subordonnée à la détermination des droits respectifs des époux dans les biens immobiliers que le juge doit prononcer le divorce et statuer sur la prestation compensatoire par une seule décision ; qu'il n'y a pas lieu de surseoir à statuer ; que s'agissant de la détermination de la prestation compensatoire, qu'au soutien de son appel, M. Y... expose que :- il perçoit une retraite relativement modeste qui s'élève à 2690 € par mois ;- le couple est propriétaire de trois biens immobiliers : un pavillon à Croissy sur Seine, une maison à Twickenham (Royaume-Uni) et un immeuble en Espagne dont les époux ont conservé l'usufruit, la nue-propriété ayant été cédée à l'enfant commun et qu'il évalue respectivement aux sommes de 535 000 € et de 262 000 à 273 000 €, aucune estimation n'étant formulé s'agissant de l'immeuble en usufruit ;- ces biens ont vocation à faire l'objet d'un partage par moitié et en conséquence, son épouse ne sera pas démunie ; qu'il fait en outre valoir que Mme X... a obtenu la pièce qu'elle produit sous le numéro 181 consécutivement au piratage de son ordinateur ; que toutefois il ne sollicite pas au dispositif de ses écritures que cette pièce soit écartée des débats ; que Mme X... soutient pour sa part que :- elle est de santé précaire et a dû subir sept opérations ainsi qu'une lourde chimiothérapie outre son cancer, elle est victime de problèmes osseux et a été au cours de la vie commune, contaminée par le papillomavirus ;- elle n'a que très peu travaillé et a dû renoncer à son activité entrepreneuriale de fabrication de cosmétiques, commencée en 1976 pour suivre son mari à l'étranger et a cessé toute activité professionnelle, excepté pendant qu'il était à Riyad où elle a travaillé à l'école anglaise ;- elle s'est par la suite, exclusivement consacrée à son mari et à l'éducation de son fils ;- elle ne percevra pas de retraite et n'exerce actuellement aucune profession ;- ses charges fixes s'élèvent à une somme avoisinant 3000 € ;- elle doit revenir cinq fois par an à Paris aux fins de faire surveiller l'évolution du de son état de santé en oncologie ;- son mari a consacré sa vie à sa carrière, ce qui lui a assuré une situation professionnelle prospère, notamment en tant que directeur général adjoint au sein de la société Esso puis au sein du groupe BIRECIK dont la société PHILIPPE HOLTZMANN ;- la retraite qu'il perçoit avoisine 5000 € par mois ;- il dispose d'une assurance-vie AMERICAN LIFE INSURANCE ;- il est propriétaire de terrains en Israël ainsi que d'une propriété sise à Balikesir en Turquie ;- il exerce toujours une activité de consultant financier quand il se rend dans ce pays ; que le divorce met fin au devoir de secours entre époux mais que l'un des conjoints peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage créé dans les conditions de vie respectives ; que cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre, en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ; que dans la détermination des besoins et des ressources, le juge a notamment égard à :- la durée du mariage ; - l'âge et l'état de santé des époux ;- leur qualification et leur situation professionnelles ;- les conséquences des choix professionnels fait par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faut encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;- le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;- leurs droits existants et prévisibles ;- leur situation respective en matière de pension de retraite ; que cette prestation prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge qui décide des modalités selon lesquelles elle s'exécutera : versement d'une somme en argent, attribution de biens en propriété ou d'un droit temporaire ou viager d'usage, d'habitation ou d'usufruit ; que c'est seulement à titre exceptionnel, en raison de l'âge de l'état de santé du créancier et ne lui permettant pas de subvenir à ses besoins, qu'une rente viagère peut être accordée ; que le mariage des époux a duré 43 ans et la vie commune 35 ans ; que le mari est âgé de 74 ans et la femme de 66 ans ; que M. Y... n'allègue aucun problème de santé ; que Mme X... justifie avoir été victime à compter de 1994 d'un cancer du sein qui a donné lieu à plusieurs récidives et à de multiples complications dont une affection au papillomavirus ; qu'elle fait l'objet d'une surveillance vigilante du corps médical ; qu'ainsi que cela résulte un extrait du registre du commerce de Paris en date du 31 mars 1979, elle a interrompu les activités de l'entreprise de fabrication de cosmétiques qu'elle dirigeait depuis 1976 ; qu'à compter de cette époque, elle a suivi son mari en Arabie Saoudite où elle a pu exercer les fonctions de professeur d'anglais après quoi, elle a cessé toute activité professionnelle pour rejoindre son mari en Turquie ; qu'il est constant qu'elle ne bénéficie d'aucun revenu personnel et qu'elle n'a pas accumulé de droits à pension ; que M. Y... a exercé des fonctions d'auditeur comptable au sein du groupe ESSO de 1969 à 1971 puis des fonctions importantes d'encadrement dans diverses entreprises, en Arabie Saoudite et en Turquie et en particulier, pour le compte du groupe BIRECIK ; que selon la déclaration sur l'honneur qu'il a versée au dossier, il perçoit la somme de 15 287 € par an, versée au titre du régime général ainsi que celles dell 758 et de 5230 €, au titre des caisses complémentaires soit 2689 € par mois ; qu'il ne déclare aucune charge particulière hormis la pension due à son épouse au titre du devoir de secours laquelle n'a pas lieu d'être prise en compte ; qu'il déclare également être propriétaire de 6/ 24 de diverses parcelles situées en Israël et dont l'évaluation n'est pas précisée ; qu'il résulte du projet de liquidation des intérêts patrimoniaux des époux établis par Me A..., notaire désigné par le juge aux affaires familiales en application des dispositions de'article 255 10° du Code civil, que les époux qui sont mariés sous le régime de la communauté légale de droit français, sont propriétaires d'une maison située à Croissy sur Seine et évaluée à l'époque à 530 000 €, d'une maison située à Twickenham d'une valeur de 299 000 €, d'un autre immeuble situé à Tossa de Mar en Espagne et dont ils ont cédé la nue-propriété à leur fils, le notaire précisant que ce bien a été acquis le 9 novembre 2003 pour la somme de 33 100 ; qu'il convient d'ajouter à ce patrimoine un véhicule automobile de marque Mercedes dont la valeur n'est pas précisée, un bateau de plaisance évalué à 10 820 € et diverses liquidités détenues sur plusieurs comptes ; que Me A... retient à l'issue de ses travaux que le total de l'actif à partager s'élève à 1 114 700 le passif à 4780 € et qu'il doit revenir au mari la somme de 554 960 € et à l'épouse celle de 491 960 € ; que selon la dernière estimation produite par Mme X... s'agissant du pavillon situé à Croissy sur Seine, celui-ci atteindrait une valeur comprise entre 660 000 € et 680 000 € (estimation agence FONCIA en date du 4 février 2011) ; qu'elle produit également une évaluation de la maison située à TWICKENHAM réalisée par l'agence Churchill le 4 février 2011 et dont il résulte que celle-ci atteint une valeur de 473 000 € ; que Mme X... qui prétend que son mari est propriétaire de biens en Turquie, ne produit pour le démontrer que des pièces en langue turque non traduites et dépourvues de toute force probante ; qu'elle ne produit aucun élément de nature à démontrer que M. Y... est titulaire d'une assurance-vie AMERICAN LIFE INSURANCE ; qu'il résulte d'une interrogation effectuée le 19 novembre 2011 sur Internet que M. Y... s'est inscrit sur le réseau social Linked-in en qualité de consultant financier ; qu'il n'est cependant pas démontré que cette activité lui rapporte un revenu ; que la rupture du lien conjugal va créer au détriment de l'épouse une disparité en ce que cette dernière a sacrifié toute activité professionnelle pour se consacrer à sa famille pour suivre son mari à l'étranger et est dépourvue de toute ressource ; que c'est donc par une exacte appréciation que le premier juge a décidé que M. Y... était redevable envers son épouse d'une prestation compensatoire ; que la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes, ni à corriger les conséquences du régime matrimonial adopté par les conjoints ; doit seulement permettre d'éviter que l'un des époux soit plus atteint que l'autre par le divorce ; que c'est également par une exacte appréciation que le premier juge a fixé sous la forme d'un capital d'un montant de 224 962, 50 €, payable sous la forme de l'attribution de la part du mari dans le pavillon situé à Twickenham ainsi que sous la forme, compte tenu de l'état de santé très fragile de l'épouse, qui ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, d'une rente viagère d'un montant de 1400 € par mois, avec indexation ; que le jugement est à cet égard confirmé ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE ; sur la prestation compensatoire aux termes de l'article 270 du Code civil, lorsqu'il est prononcé en raison de la rupture de la vie commune, le divorce met fin au devoir de secours prévu par l'article 212 du code civil ; mais l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité de la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ; la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle-ci dans un avenir prévisible. En l'espèce, le mariage des époux a duré 42 ans. Le couple est marié sous le régime de la communauté légale et a un enfant majeur. La communauté est composée de deux biens immobiliers en pleine propriété : un sis à TWICKENHAM, ... et un autre sis à Croissy sur Seine et de l'usufruit d'un bien sis en Espagne sis à Tossa de Mar dont la nue-propriété appartient à leur fils commun. Mme X... est âgée de 65 ans et elle n'a aucun revenu personnel. Elle a une santé précaire pour avoir été atteinte d'un cancer en 1994 qui a nécessité des interventions chirurgicales courant 2010. M. Y... est âgé de 73 ans. Il perçoit, selon l'avis d'imposition de l'année 2009, une retraite de 2653 euros par mois. Compte tenu de ces éléments, il convient de considérer que la rupture du mariage a créé dans la situation des époux une disparité qu'il convient de compenser et d'attribuer à l'épouse une prestation compensatoire d'un montant de 1400 euros par mois à titre de rente viagère et d'attribution en pleine propriété de la part de l'époux dans l'immeuble sis à Twickenham, ... évaluée par l'expert à la somme de 224. 962, 50 euros.
1. ALORS QU'une prestation compensatoire puisse être allouée sous forme d'un capital et d'une rente à la double condition que cette allocation soit exceptionnelle et soit spécialement motivée ; qu'en retenant, pour allouer à Mme Y... une prestation compensatoire payable sous la forme d'une rente cumulée à un abandon de biens en pleine propriété, qu'elle avait été victime d'un cancer, vingt ans plutôt en 1994, qu'elle avait subi une intervention chirurgicale en 2010 et que la fragilité de son état de santé ne lui permettait pas de subvenir à ses besoins sans expliquer, par une motivation spéciale, en quoi l'état de santé ou l'âge de Mme X... ne lui permettait pas de subvenir à ses besoins dans des proportions telles qu'elle était fondée à obtenir, à titre exceptionnel, le paiement d'une prestation compensatoire sous la forme d'une rente cumulée à l'abandon d'un bien en pleine propriété, la cour d'appel qui n'a pas satisfait à l'exigence d'une motivation spéciale, a privé sa décision de base légale au regard des articles 270 et 276 du Code civil ;
2. ALORS QUE le Conseil Constitutionnel a dit pour droit, par une réserve d'interprétation, dans sa décision 2011-151 QPC du 13 juillet 2011 que l'atteinte au droit de propriété résultant de l'attribution forcée prévue par le 2° de l'article 274 du Code civil en paiement de la prestation compensatoire ne peut être regardée comme une mesure proportionnée au but d'intérêt général poursuivi que si elle constitue une modalité subsidiaire d'exécution de la prestation compensatoire en capital ; que, par conséquent, elle ne saurait être ordonnée par le juge que dans le cas où, au regard des circonstances de l'espèce, les modalités prévues au 1° n'apparaissent pas suffisantes pour garantir le versement de cette prestation ; que, sous cette réserve, l'attribution forcée d'un bien à titre de prestation compensatoire ne méconnaît pas l'article 2 de la Déclaration de 1789 ; qu'en imposant à M. Y... de s'acquitter de la prestation compensatoire en abandonnant à son épouse la part dont il était titulaire dans le pavillon de TWICKENHAM qui dépendait de la communauté sans constater que cette attribution est seule de nature à apporter la garantie suffisante du versement de la prestation, la cour d'appel a violé l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, ensemble l'article 274-1° du Code civil.