LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 13 décembre 2012), que M. Joseph X... a en 1988 donné à bail rural verbal à M. Maurice X... diverses parcelles de terre ; que celui-ci a constitué en 2005, avec ses fils, un groupement agricole d'exploitation en commun de la Roche Pastire (le GAEC) à la disposition duquel il a mis les terres louées ; que le GAEC a obtenu le 14 décembre 2005 une autorisation d'exploiter ces terres ; que M. Maurice X... a sollicité en 2010 l'autorisation de M. Joseph X... de céder son bail à ses fils ; que devant le refus de M. Joseph X..., il a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux pour voir autoriser la dite cession ;
Attendu que M. Joseph X... fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen :
1°/ que l'autorisation d'exploiter demandée par, et accordée à une société dépourvue de personnalité morale, est privée de tout effet et ne peut être reprise, en raison de l'inexistence de la personne morale l'ayant sollicitée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté que la demande d'autorisation d'exploiter avait été formée par le GAEC en son nom, avant son immatriculation ; que dès lors, en jugeant que le GAEC avait pu reprendre cet acte ainsi que l'autorisation d'exploiter après son immatriculation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1842 et 1843 du code civil ;
2°/ que l'acte accompli pour le compte d'une société avant son immatriculation doit être annulé en tant qu'effectué par une société inexistante, si la personne qui l'a accompli n'a pas formellement précisé qu'elle agissait pour le compte d'une société en formation ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher si la personne ayant demandé l'autorisation d'exploiter avait formellement précisé qu'elle agissait pour le compte d'une société en formation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1842 et 1843 du code civil, ensemble l'article 6 du décret n 78-704 du 3 juillet 1978 ;
3°/ que la reprise d'un acte par une société lors de son immatriculation ne peut résulter de la signature des statuts, que si l'acte figure dans un état des actes accomplis pour le compte de la future société, intégré ou annexé aux statuts ; que dès lors, en retenant que le GAEC avait repris l'autorisation d'exploiter dans la mesure où ses statuts contenaient une clause prévoyant la reprise des engagements antérieurs souscrits en son nom, sans rechercher si un état des actes accomplis pour le compte de la future société avait été intégré ou annexé aux statuts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1843 du code civil, ensemble l'article 6 du décret n 78-704 du 3 juillet 1978 ;
4°/ que le preneur à bail doit être personnellement titulaire d'une autorisation d'exploiter ; que dès lors, en jugeant qu'il était indifférent que les cessionnaires ne soient pas titulaires d'une autorisation personnelle d'exploiter, dans la mesure où les terres objets de la cession avaient été mises à la disposition du GAEC de la Roche Parstire antérieurement à la cession, qu'elles étaient toujours exploitées par lui, que les cessionnaires étaient membres de ce groupement, et que le GAEC bénéficiait d'une autorisation d'exploiter, la cour d'appel a violé les articles L. 411-35, L. 331-2 et L. 331-6 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu, d'une part, que le GAEC, qui avait obtenu le 28 août 2005 la reconnaissance prévue par l'article R. 323-9 du code rural et de la pêche maritime et était en conséquence en formation, n'était pas tenu aux formalités exigées par l'article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 pour la reprise, lors de son immatriculation, de sa demande d'autorisation d'exploiter, dès lors que celle-ci ne constituait pas un engagement au sens de l'article 1843 du code civil ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que MM. Thomas et Olivier X..., étaient membres du GAEC, à la disposition duquel les terres louées étaient dès l'origine mises, la cour d'appel en a exactement déduit qu'ils n'étaient pas tenus d'être personnellement titulaires d'une autorisation d'exploiter ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Joseph X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Joseph X... à payer à M. Maurice X... la somme de 3 000 euros ; rejette la demande de M. Joseph X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq novembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour M. Joseph X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR autorisé la cession du bail rural verbal conclu entre M. Joseph X... et M. Maurice X..., portant sur les parcelles situées à Beaufort cadastrées section J n° 146, 150, 153 et section K n° 63, 1093 et 1149 pour une surface totale de 6 ha 51 a 27 ca, au profit d'Olivier X... et de Thomas X..., et D'AVOIR condamné M. Joseph X... à payer à M. Maurice X... la somme de 1.500 ¿ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« il n'est pas contesté qu'à compter de 1988, Maurice X... a bénéficié d'un bail rural verbal sur les parcelles cadastrées section J n° 146, 150 et 153 au lieudit « Perche » et section K n° 63, 1090, 1093 et 1449 au lieudit « Les Carroz » sises sur le territoire de la commune de Beaufort sur Doron appartenant alors à Edmond Y... ; que ces parcelles ont ensuite été cédées, à une date indéterminée, à Joseph X... ;que le GAEC de la Roche Parstire formé entre Maurice X... et Olivier X... a obtenu sa reconnaissance définitive par la préfecture le 28 août 2005, sous le numéro 73-05-012 ; que Joseph X... a été informé le 18 octobre 2005 de la formation du GAEC et de la demande d'autorisation d'exploiter que celui-ci formait en son nom ; qu'il n'apparaît pas qu'il s'y soit opposé ; que le 14 décembre 2005, le Préfet de Savoie a accordé au GAEC une autorisation d'exploiter, pour notamment la reprise de 88,90 hectares antérieurement exploités par Maurice X..., comprenant les parcelles litigieuses, ainsi qu'il ressort de la pièce 29 produite par ce dernier ; que le 21 janvier 2006, Maurice X... et son fils Olivier X... ont rédigé les statuts du GAEC de la Roche Parstire ; que par convention du même jour, Maurice X... a mis à disposition du GAEC, qui a été immatriculé le 13 février 2006, différentes parcelles dont il est locataire et notamment les parcelles précitées ; qu'il convient de relever que dans la mesure où l'article 30 de ces statuts prévoit que « le groupement régulièrement immatriculé reprend les engagements antérieurs souscrits en son nom. Ceux-ci sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par le GAEC », l'autorisation d'exploiter demandée et obtenue par le GAEC a été reprise par lui après son immatriculation ; que Joseph X... ne justifie donc pas de moyens sérieux pour prétendre que l'autorisation donnée par le préfet n'est pas valide, si bien que la Cour n'est pas tenu de saisir les juridiction administratives d'une question préjudicielle ; que le 1er avril 2010, une modification des statuts a permis à Thomas X... de devenir également associé du GAEC de la Roche Parstire ; que le 22 mai 2010, Maurice X... a sollicité l'autorisation de Joseph X... de céder les parcelles litigieuses, dont il rappelait le numéro cadastral et la superficie, à ses fils Olivier et Thomas X... ; que c'est donc à tort que Joseph X... prétend que Maurice X... ne lui a jamais fait connaître la superficie et la nature des biens qu'il exploite ; que le bailleur prétend que cette cession serait irrégulière dans la mesure où les cessionnaires ne possèdent pas d'autorisation d'exploiter ; que dans la mesure où les terres, objet de la cession, ont été mises à la disposition du GAEC de la Roche Parstire antérieurement à cette cession et sont toujours exploitées par lui, Olivier X... et Thomas X..., membres du GAEC, ne sont pas tenus d'être personnellement titulaires d'une autorisation d'exploiter et celle accordée à celui-ci permet la cession du bail ; que les conditions imposées par l'article L. 331-6 du Code rural sont donc intégralement remplies contrairement à ce que prétend Joseph X... » ;
ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE « l'article L. 331-6 du Code rural dispose que « tout preneur doit faire connaître au bailleur, au moment de la conclusion du bail ou de la prise d'effet de la cession de bail selon les cas, la superficie et la nature des biens qu'il exploite ; mention expresse en est faite dans le bail. Si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L. 331-2, la validité du bail ou de sa cession est subordonnée à l'octroi de cette autorisation. Le refus définitif de l'autorisation ou le fait de ne pas avoir présenté la demande d'autorisation exigée en application de l'article L. 331-2 dans le délai imparti par l'autorité administrative en application du premier alinéa de l'article L. 331-7 emporte la nullité du bail que le préfet du département dans lequel se trouve le bien objet du bail, le bailleur ou la société d'aménagement foncier et d'établissement rural, lorsqu'elle exerce son droit de préemption, peut faire prononcer par le tribunal paritaire des baux ruraux » ; que, sur le titulaire de l'autorisation d'exploiter en matière de cession de bail, lorsque les terres objet d'une cession de bail doivent être mises à disposition d'un GAEC, les cessionnaires, membres de ce GAEC, ne sont pas tenus d'être personnellement titulaires d'une autorisation d'exploiter ; qu'il résulte des statuts du GAEC de la Roche Parstire que Maurice X..., Olivier X... et Thomas X... sont associés dudit GAEC ; que par ailleurs, aux termes d'une convention du 21 janvier 2006, Maurice X... a mis à disposition du GAEC les parcelles situées à Beaufort, section J n° 146, 150, 153, section K n° 63, 1090, 1093 et 1449 d'une surface totale de 6 hectares 51 ares et 27 centiares, objet du bail rural verbal dont la cession est sollicitée ; que dès lors, c'est à tort que Joseph X... soutient que les cessionnaires doivent justifier à titre personnel d'une autorisation d'exploiter ; que ce moyen sera donc rejeté ; que, sur l'autorisation d'exploiter du GAEC de la Roche Parstire, et sur le défaut de personnalité morale du GAEC, ce dernier justifie avoir obtenu le 14 décembre 2005 l'autorisation d'exploiter pour notamment 88,90 hectares antérieurement exploités par Maurice X... ; que Joseph X... fait valoir qu'à la date de l'autorisation, le GAEC n'était pas constitué et n'avait donc pas la personnalité morale ; que l'article 1842 du Code civil dispose que les sociétés autres que les sociétés en participation jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation ; que jusqu'à l'immatriculation, les rapports entre les associés sont régis par le contrat de société et par les principes généraux du droit applicables aux contrats et obligations ; qu'aux termes de l'article 1843 du Code civil, la société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits qui sont alors réputés avoir été dès l'origine contractés par celle-ci ; qu'en application de ces dispositions, les formalités accomplies par un associé au nom d'une société en formation peuvent être reprises par la société immatriculée ; que la formation du GAEC entre Maurice X... et Olivier X... résulte des statuts du 21 janvier 2006 qui ont été enregistrés au centre des impôts d'Albertville le 13 février 2006 ; que le GAEC a été immatriculé au registre du commerce et des sociétés d'Albertville le 13 février 2006, date à laquelle il a acquis la personnalité juridique ; que l'autorisation d'exploiter du 14 décembre 2005 est donc antérieure à la constitution du GAEC ; que les statuts du GAEC prévoient expressément en leur article 30 que « le groupement régulièrement immatriculé reprend les engagements antérieurs souscrits en son nom » et que « ceux-ci sont réputés avoir été dès l'origine contractés par le GAEC » ; que dès lors, le fait que l'autorisation d'exploiter a été délivrée au nom du GAEC le 14 décembre 2005 alors que ce groupement ne jouissait pas de la personnalité morale est sans incidence, le GAEC ayant repris les engagements souscrits antérieurement en son nom ; que ce moyen sera donc rejeté » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'autorisation d'exploiter demandée par, et accordée à une société dépourvue de personnalité morale, est privée de tout effet et ne peut être reprise, en raison de l'inexistence de la personne morale l'ayant sollicitée ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a elle-même constaté que la demande d'autorisation d'exploiter avait été formée par le GAEC en son nom, avant son immatriculation ; que dès lors, en jugeant que le GAEC avait pu reprendre cet acte ainsi que l'autorisation d'exploiter après son immatriculation, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles 1842 et 1843 du Code civil ;
ALORS, en tout état de cause, QUE l'acte accompli pour le compte d'une société avant son immatriculation doit être annulé en tant qu'effectué par une société inexistante, si la personne qui l'a accompli n'a pas formellement précisé qu'elle agissait pour le compte d'une société en formation ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher si la personne ayant demandé l'autorisation d'exploiter avait formellement précisé qu'elle agissait pour le compte d'une société en formation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1842 et 1843 du Code civil, ensemble l'article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la reprise d'un acte par une société lors de son immatriculation ne peut résulter de la signature des statuts, que si l'acte figure dans un état des actes accomplis pour le compte de la future société, intégré ou annexé aux statuts ; que dès lors, en retenant que le GAEC avait repris l'autorisation d'exploiter dans la mesure où ses statuts contenaient une clause prévoyant la reprise des engagements antérieurs souscrits en son nom, sans rechercher si un état des actes accomplis pour le compte de la future société avait été intégré ou annexé aux statuts, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1843 du Code civil, ensemble l'article 6 du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 ;
ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE le preneur à bail doit être personnellement titulaire d'une autorisation d'exploiter ; que dès lors, en jugeant qu'il était indifférent que les cessionnaires ne soient pas titulaires d'une autorisation personnelle d'exploiter, dans la mesure où les terres objets de la cession avaient été mises à la disposition du GAEC de la Roche Parstire antérieurement à la cession, qu'elles étaient toujours exploitées par lui, que les cessionnaires étaient membres de ce groupement, et que le GAEC bénéficiait d'une autorisation d'exploiter, la Cour d'appel a violé les articles L. 411-35, L. 331-2 et L. 331-6 du Code rural et de la pêche maritime.