LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 février 2011), que la société Camargo, filiale de la société Française de gastronomie (la société FdG), spécialisée dans la distribution de produits alimentaires, a conclu, en qualité de fournisseur, un contrat d'approvisionnement exclusif en chair d'escargot avec la société Larzul, fabricant ; qu'il était stipulé que le prix serait fixé par le tarif en vigueur au jour de l'enregistrement de la commande et définitivement pour chaque année civile selon une variation ne pouvant excéder 3 % par rapport à l'année précédente ; que, se plaignant de manquements répétés de la société Camargo à ses obligations contractuelles, la société Larzul l'a fait assigner en réparation de son préjudice ; que la société FdG est intervenue volontairement à l'instance en appel ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société FdG et la société Camargo font grief à l'arrêt d'avoir constaté des manquements sérieux et répétés de cette dernière dans l'exécution du contrat d'approvisionnement exclusif et condamné en conséquence la société Camargo à payer une provision à la société Larzul alors, selon le moyen, qu'il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que les prix pratiqués par la société Camargo à l'égard de la société Larzul ne pouvaient varier, chaque année civile, que dans une fourchette de plus ou moins 3 %, ce dont il s'évince que la société Camargo n'avait pas le pouvoir de fixer discrétionnairement et unilatéralement ses prix qui demeuraient étroitement encadrés par la convention des parties ; qu'en estimant néanmoins que la société Camargo avait pu se rendre coupable, à l'égard de la société Larzul, d'un abus dans l'exercice d'un droit de fixer unilatéralement ses prix, la cour d'appel, qui ne tire pas les conséquences de ses propres constatations, viole l'article 1134, alinéa 1er et alinéa 3 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que l'article 3 du contrat, qui permettait à la société Camargo de fixer unilatéralement le prix de vente des marchandises vendues, moyennant une évolution, chaque année civile, comprise dans une fourchette de plus ou moins 3 % stipulait à sa charge, en contrepartie, l'obligation de faire ses meilleurs efforts pour déterminer les prix de manière à permettre à la société Larzul de faire face à la concurrence, l'arrêt constate que la société Camargo vendait à la société Larzul les chairs d'escargot à un prix moyen 25 % plus cher qu'à ses autres clients, que son taux de marge brute moyen était de 29 % sur les ventes à la société Larzul quand il était de 10 % sur les ventes aux autres clients et qu'elle a consenti à cette dernière une diminution importante du prix de vente à l'occasion du renouvellement du contrat, démontrant le caractère excessif des prix habituellement pratiqués ; qu'en l'état de ces motifs, dont il ressort que les prix unilatéralement fixés par la société Camargo, excessifs dès l'origine, ne permettaient pas à la société Larzul de faire face à la concurrence, la cour d'appel a pu retenir que la société Camargo avait abusé de son droit de fixer unilatéralement le prix des marchandises ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que le premier moyen n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Française de gastronomie et la société Camargo aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et condamne la société Camargo à payer à la société Larzul la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre novembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Blondel, avocat aux Conseils, pour la société Française de gastronomie et la société Camargo.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir écarté des débats les nouvelles pièces communiquées avec les conclusions de l'intimée du 15 décembre 2010, à savoir la lettre de la DDPP du Finistère du 22 mars 2010 (n°21), l'échange de courriel entre Monsieur Y... et Madame Z... (n°22) et le courriel de Monsieur Y... (n°23) adressés au conseil de la SAS CAMARGO respectivement le 29 novembre 2007 et le 21 août 2007 ;
AUX MOTIFS QUE les conclusions de la SAS CAMARGO signifiées le 15 décembre 2010 ne sont que la réponse nécessaire aux dernières écritures de l'appelante signifiées le 29 novembre 2010 ; qu'elles ne comportent pas de moyens nouveaux de sorte que le principe du contradictoire est respecté et qu'il n'y a pas lieu de les écarter des débats comme le voudrait la SAS LARZUL ; que par contre les nouvelles pièces communiquées en même temps que les conclusions de l'intimée du 15 décembre 2010, à savoir la lettre de la DDPP du Finistère du 22 mars 2010 (n°21), l'échange de courriel entre Monsieur Y... et Madame Z... (n°22) et le courriel de Monsieur Y... (n°23) adressés au conseil de la SAS CAMARGO respectivement le 18 novembre 2007 et le 21 août 2007 ont été produites tardivement, ne permettant pas à la SAL LARZUL de les commenter avant l'intervention de l'ordonnance de clôture, étant observé qu'elles auraient pu être communiquées bien avant ; qu'elles doivent, en conséquence, être écartées des débats ;
ALORS QUE le juge doit, en toute circonstance, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en l'espèce, après avoir admis la recevabilité des dernières écritures de la SAS CAMARGO, signifiées le 15 décembre 2010, au motif pertinent qu'elles apportaient une réponse nécessaire aux conclusions adverses du 29 novembre 2010, la Cour écarte néanmoins les nouvelles pièces communiquées en annexe de ces dernières écritures motif pris qu'elles auraient été tardivement produites et qu'elles auraient pu être communiquées bien avant ; qu'en statuant de la sorte, sans vérifier, comme elle y était invitée (cf la « note sur les conclusions signifiées après la clôture par la société LARZUL »), si les pièces communiquées pour la première fois le 15 décembre 2010 n'avaient pas pour seul objet d'apporter au juge des éléments de justification qu'il lui étaient nécessaires pour apprécier le bien fondé de la réplique résultant des conclusions du 15 décembre 2010 aux moyens nouveaux invoqués par les conclusions adverses du 29 novembre 2010, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard des articles 15 et 16 du Code de procédure civile, ensemble au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir constaté de prétendus manquements sérieux et répétés de la SAS CAMARGO dans l'exécution du contrat d'approvisionnement exclusif du 31 janvier 2005 et condamné en conséquence la société CAMARGO à payer à la société LARZUL la somme de 1.417.778,72 ¿ à titre de provision à valoir sur son préjudice ;
AUX MOTIFS QUE le contrat en son article 3 permettait à la SAS CAMARGO de fixer unilatéralement le prix de vente des marchandises vendues (avec une évolution chaque année civile dans une fourchette de + ou ¿ 3%) avec l'obligation, en contrepartie de faire ses meilleurs efforts pour déterminer les prix de manière à permettre au fabricant de pouvoir faire face à la concurrence ; que la SAS LARZUL reproche à la SAS CAMARGO d'avoir profité de sa qualité de fournisseur exclusif et de son pouvoir de fixation unilatérale des conditions tarifaires pour imposer à son client captif des prix abusifs l'obligeant à vendre à perte pour pouvoir faire face à la concurrence ; que la SAS LARZUL rapporte la preuve du fait que la SAS CAMARGO lui vendait des chairs d'escargot en moyenne 25% plus cher qu'à ses autres clients (cf p.51 de l'appelante) ; qu'elle établir que le taux de marge brute moyen de la SAS CAMARGO au cours des années 2005, 2006 et 2007 a été de 15%, se décomposant en un taux de marge brute de 29% sur les ventes LARZUL et un taux de marge de 10% sur les ventes à d'autres clients ; qu'il apparaît également que dans le cadre du renouvellement, en avril 2007, contrat entre la SAS LARZUL et la société Métro négocié par la SA FDG, la SAS CAMARGO a pu abaisser son prix de vente de chairs d'escargot à la SAS LARZUL dans de très importantes proportions (entre ¿ 22 et 50% selon les espèces) ce qui démontre le prix excessif habituellement pratiqué ; que l'absence d'efforts de la SAS CAMARGO pour déterminer les prix de manière à permettre à la SAS LARZUL de pouvoir faire face à la concurrence est ainsi démontrée ; que la SAS LARZUL établit ainsi que la SAS CAMARGO n'a pas exécuté le contrat de bonne foi, abusant de son droit de fixer unilatéralement le prix des marchandises, ce qui était accentué par le fait que la SAS LARZUL étant liée à la SAS CAMARGO par un contrat d'approvisionnement exclusif, elle ne pouvait pas échapper aux conditions qui lui étaient imposées en changeant de fournisseur ;
ET AUX MOTIFS ENCORE qu'il existe pour la société LARZUL un préjudice financier résultant de la pratique par la société CAMARGO de prix plus élevés que ceux pratiqués pour d'autres clients ; qu'il y a lieu d'allouer à la société LARZUL une provision équivalente au montant des factures réclamées par la SAS CAMARGO ;
ALORS QU' il résulte des constatations mêmes de l'arrêt (arrêt attaqué p.6, § 2) que les prix pratiqués par la société CAMARGO à l'égard de la société LARZUL ne pouvaient varier, chaque année civile, que dans une fourchette de plus ou moins 3 %, ce dont il s'évince que la société CAMARGO n'avait pas le pouvoir de fixer discrétionnairement et unilatéralement ses prix qui demeuraient étroitement encadrés par la convention des parties ; qu'en estimant néanmoins que la société CAMARGO avait pu se rendre coupable, à l'égard de la société LARZUL, d'un abus dans l'exercice d'un droit de fixer unilatéralement ses prix, la cour d'appel, qui ne tire pas les conséquences de ses propres constatations, viole l'article 1134, alinéa 1er et alinéa 3 du code civil ;