LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, ensemble l'article 1382 du code civil ; Attendu que les époux X..., parents d'une mineure de quinze ans, ayant appris en février 2010 la nature de la relation qu'elle avait entretenue avec M. Y..., son professeur de tennis, ont déposé plainte contre celui-ci pour atteinte sexuelle par personne ayant autorité, informant son employeur ainsi que divers organes administratifs et sportifs ; que M. Y... a assigné les époux X... le 1er décembre 2010 pour voir cesser tout acte de dénigrement à son encontre ; Attendu que pour condamner les époux X..., l'arrêt relève que M. Y... a fondé sa demande en réparation sur des allégations qu'il avait considérées comme portant atteinte à sa réputation et à sa dignité dans la mesure où M. X... l'avait présenté au président du Tennis club de Merville, comme un « prédateur », que le ministère public avait retenu à son encontre les faits de « corruption de mineur, pédopornographie pour des SMS et des utilisations de la webcam pour des faits à caractère pornographique ¿ et atteintes sexuelles sur mineur par personne ayant autorité » alors que seule cette dernière infraction a finalement été retenue et que la multiplication des courriers et démarches envers les membres du club, pris personnellement, mais aussi envers d'autres administrations et associations sportives, dans le but affiché d'écarter M. Y... de toute fonction en lien avec le tennis, caractérisait un comportement dénigrant excessif et un acharnement de la part des époux X..., qui auraient dû s'en remettre aux instances judiciaires et disciplinaires dans l'attente de sanctions éventuelles ;
Qu'en statuant ainsi alors que les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés que sur le fondement de cette loi et non sur celui de l'article 1382 du code civil, la cour d'appel a violé les articles susvisés, le premier par refus d'application, l'autre par fausse application ;
Vu l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire ;
Attendu que la prescription de trois mois édictée par l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881, qui n'a pas été interrompue par des actes de poursuite réguliers au regard des dispositions de cette loi, se trouve acquise de sorte qu'il ne reste rien à juger et qu'il n'y a pas lieu de renvoyer l'affaire ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu entre les parties par la cour d'appel de Douai le 14 mars 2013 ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Constate la prescription des faits ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf octobre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X...
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné in solidum Monsieur Stéphane X... et Madame Sylvie X... née Z...à payer à Monsieur Jean-François Y... la somme de 1. 000 ¿ au titre de son préjudice moral,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « (¿) Thomas A..., président du Tennis Club de MERVILLE, atteste que les époux X... lui ont fait comprendre qu'ils ne déposeraient pas plainte si Jean François Y... démissionnait de ses fonctions d'entraîneur, ce qui est clairement exposé dans le compte-rendu de la réunion du comité du 22 avril 2010 ; qu'il ajoute que Stéphane X... lui a décrit Jean-François Y... en évoquant un " profil de prédateur " ; qu'il précise également que certains membres du comité et du club ainsi que la Fédération Française de Tennis, la Ligue des Flandres de tennis, la Mairie de MERVILLE et la Voix du Nord ont été contactés par les époux X... à ce sujet ; (¿) que David B..., membre du comité du Tennis Club de MERVILLE atteste que la famille X... a réalisé des " pressions " et un " chantage " pendant plusieurs mois sur le comité pour exiger la cessation des fonctions d'entraîneur de Jean-François Y... au club ; que Baptiste C...confirme ces pressions, précisant que Stéphane X... procédait par messages, appels téléphoniques ou lettres recommandées avec accusé de réception adressées au club ; (¿) que Stéphane X... expose lui-même dans l'une de ses lettres au Président du club de tennis du 7 juin 2010 qu'il a en effet envoyé copie à la Mairie de MERVILLE de son courrier du 25 mai 2010, dans lequel il expose les faits reprochés au salarié du club et la plainte déposée, et qu'il a avisé la Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports et la Ligue des Flandres de Tennis de la situation ; Qu'il écrit encore dans un courrier du 22 février 2011 adressé au Comité du club en transmettre (sic) copie à ces mêmes instances, outre la Sous-Préfecture de DUNKERQUE, étant observé que cette correspondance porte essentiellement sur l'attitude de rejet à l'égard de leur famille et la volonté du club d'étouffer l'affaire ; qu'il précise toutefois dans cet écrit que le Parquet d'HAZEBROUCK a retenu contre Jean-François Y... les faits de " corruption de mineur, pédopornographie pour des SMS et des utilisations de la webcam pour des faits à caractère pornographique ¿ et atteintes sexuelles sur mineur par personne ayant autorité " alors que seule cette dernière infraction a été retenue par le Parquet dans le cadre de la saisine du tribunal correctionnel ; (¿) que rien atteste en revanche de ce que les organes de presse locaux aient été informés par Stéphane X... de ces faits ; qu'il n'est pas non plus apporté d'éléments établissant une réaction quelconque des organes administratifs et sportifs au niveau départemental ou national rendus destinataires de ces courriers ; Qu'enfin, les " rumeurs " qui auraient été colportées par les époux X..., et dont la teneur n'est pas déterminée par les pièces produites, demeurent relativement circonscrites puisque seule Maria D..., commerçante, atteste avoir reçu la visite de Stéphanie X..., lequel a tenu à lui exposer les faits litigieux ; (¿) que les autres attestations produites se contentent d'évoquer, sans précision aucune, les pressions qu'auraient commises les époux X... sur différentes personnes afin de discréditer Jean-François Y..., sans pour autant que ces témoins aient personnellement été confrontés à ces propos ; qu'elles font seulement état de convictions personnelles sur les circonstances de cette affaire et sur les qualités humaines de Jean-François Y... ; qu'il ne peut en être retiré aucun élément probant ; Qu'en définitive, il ne peut être reproché aux époux X..., parents d'une jeune fille de 15 ans ayant eu des relations sexuelles consenties avec son professeur de tennis, d'avoir déposé plainte contre Jean-François Y..., quand bien même le lien d'autorité existant entre lui et l'adolescente demeurait sujet à discussion ; que les époux X... ne sont pas non plus fautifs d'avoir informé le club de tennis dans le cadre duquel ces relations sont nées et qui était de surcroît l'employeur de Jean-François Y..., afin qu'il puisse prendre les décisions qui lui sembleraient appropriées dans cette situation ; Qu'il importe peu que Jean-François Y... ait été relaxé de l'infraction d'atteinte sexuelle sur mineure de 15 ans par personne ayant autorité, étant observé que le jugement de relaxe n'est pas motivé ; Qu'en revanche, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que la multiplication des courriers et démarches envers le club, certains de ses membres pris personnellement, mais aussi envers d'autres administrations et associations sportives, dans le but affiché d'écarter Jean-François Y... de toute fonction en lien avec le tennis, caractérisait un comportement dénigrant excessif et un acharnement de la part des époux X..., qui auraient dû se contenter de s'en remettre aux instances judiciaires et disciplinaires dans l'attente de sanctions éventuelles »,
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « Monsieur Jean-François Y... reproche aujourd'hui aux époux X..., non d'avoir dénoncé des faits imaginaires, mais d'avoir porté atteinte à sa réputation et à sa dignité. L'examen des pièces versées aux débats révèle qu'indépendamment du dépôt de plainte, les époux X... ont entrepris diverses démarches manifestement destinées à nuire à Monsieur Jean-François Y.... C'est ainsi qu'il ressort du témoignage de Monsieur Thomas A..., président du Tennis Club de Merville, que les époux X... ont souhaité la démission de Monsieur Jean-François Y.... Ce même témoin précise que les époux X... ont relaté une enquête officieuse destinée à vérifier le passé de Monsieur Jean-François Y..., évoquant au passage son profil de " prédateur ". Monsieur Thomas A...fait également allusion à des démarches effectuées par les époux X... auprès de la Fédération Française de Tennis, de la Ligue des Flandres de Tennis, de la mairie de Merville et du journal La Voix du Nord, afin de signaler le comportement de Monsieur Jean-François Y.... De même résulte t-il de l'attestation de Monsieur Frédéric E...que Madame Sylvie X... a exprimé le souhait que Monsieur Jean-François Y... ne puisse plus être entraineur à Merville, ce même témoin relatant par ailleurs une certaine " pression " des époux X... sous forme de messages adressés les semaines suivantes. Il ressort en outre de l'attestation de Madame Céline F...que Madame Sylvie X... l'a interrogée sur sa relation supposée avec Monsieur Jean-François Y..., indiquant au passage recueillir des informations et des témoignages d'anciennes relations de l'intéressé. Il résulte enfin d'un courrier en date du 25 mai 2010 adressé au président du tennis club de Merville que les époux X... ont incité le comité à ne pas renouveler le contrat à durée déterminée de Monsieur Jean-François Y... prenant fin le 30 juin 2010, évoquant incidemment la procédure pénale en cours et un courrier adressé à la Direction Départementale de la Jeunesse et des Sports. Une telle correspondance présente un caractère comminatoire, dès lors qu'elle établit de manière implicite un lien entre un maintien en fonction de Monsieur Jean-François Y... et la responsabilité civile et pénale du club susceptible d'être encourue à raison de l'embauche de l'intéressé. La pression exercée sur le club, dans le but non dissimulé d'obtenir l'éviction de Monsieur Jean-François Y..., est confortée par un second courrier en date du 7 juin 2010 pointant de prétendus manquements déclaratifs de l'association sportive. Si l'émotion parfaitement compréhensible des époux X... à l'annonce de relations intimes de Monsieur Jean-François Y... et leur fille mineure pouvait légitimement les conduire à déposer plainte pour atteintes sexuelles, il ne leur appartenait toutefois pas de s'ériger en enquêteur et en justicier, avec la conscience voire l'intention de nuire à la réputation et à la carrière de Monsieur Jean-François Y.... Il leur revenait uniquement de signaler les faits aux seules autorités compétentes et de s'en remettre aux instances disciplinaires et judiciaires afin que des sanctions soient éventuellement prises. Le comportement excessif et malveillant des époux X... s'avère fautif au sens des dispositions légales précitées. (¿) La faute des époux X... présente en revanche un lien direct avec l'atteinte à la réputation de Monsieur Jean-François Y..., laquelle résulte des intrusions et diffusions sans discernement précédemment exposées »,
ALORS QUE, D'UNE PART, les abus de la liberté d'expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent être réparés que sur le fondement de cette loi et non sur celui de la responsabilité civile de droit commun de sorte qu'en condamnant les époux X... sur le fondement de responsabilité civile de droit commun tout en relevant que Monsieur Jean-François Y... avait fondé sa demande en réparation sur des allégations qu'il estimait porter atteinte à sa réputation et à sa dignité dans la mesure où Monsieur X... l'avait présenté à Monsieur Thomas A..., président du Tennis Club de MERVILLE, comme un " prédateur " et qu'il avait écrit que le Parquet d'HAZEBROUCK a retenu à l'encontre de Monsieur Jean-François Y... les faits de " corruption de mineur, pédopornographie pour des SMS et des utilisations de la webcam pour des faits à caractère pornographique ¿ et atteintes sexuelles sur mineur par personne ayant autorité " quand bien même seule cette dernière infraction avait été retenue par le Parquet dans le cadre de la saisine du tribunal correctionnel, la Cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1382 du Code civil et, par refus d'application, l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881,
ET, A TITRE SUBSIDIAIRE, ALORS QU'une personne n'engage sa responsabilité civile qu'à la condition que soit établie une faute délictuelle à son encontre de sorte qu'en se contentant de relever, pour condamner les époux X... à indemniser Monsieur Jean-François Y..., que ces derniers avaient multiplié les courriers et les démarches envers son employeur ainsi que les instances disciplinaires et judiciaires pour les alerter des agissements non contestés de Monsieur Jean-François Y..., lequel avait entretenu des relations sexuelles avec leur fille âgée de 15 ans à l'occasion de l'exercice de son activité de professeur de tennis au club de MERVILLE et de capitaine de l'équipe dans laquelle elle participait à des compétitions, la Cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'une faute délictuelle, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.