LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 décembre 2012), que Mme X... a été engagée en décembre 1991 par la société Santons Marcel Carbonel en qualité de décoratrice ; que, par lettre du 13 février 2007, une proposition de reclassement au poste de décorateur à domicile rémunéré à la tâche lui a été adressée par l'employeur dans le cadre d'un projet de licenciement économique ; qu'à la suite d'un stage de formation réalisé à sa demande pour ce type d'emploi, elle a refusé cette proposition estimant qu'il ne lui serait pas possible de réaliser un nombre suffisant de sujets lui permettant de percevoir un salaire décent ; que par lettre du 16 avril 2007, elle a été licenciée pour motif économique ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire qu'il a manqué à son obligation de reclassement et de le condamner à payer à la salariée diverses sommes au titre de la rupture, alors, selon le moyen, que constitue une proposition de reclassement loyale et sérieuse l'offre faite par l'employeur concernant un poste rémunéré à la tâche correspondant à la qualification professionnelle du salarié, peu important l'absence de référence expresse au salaire minimum légal ; que l'offre faite par l'employeur à sa salariée concernait un poste de décoratrice à domicile rémunéré à la tâche et correspondant au même niveau de qualification que celui occupé par la salariée qui exerçait le poste de décoratrice ; que l'employeur versait aux débats des bulletins de salaire de décorateurs à domicile rémunérés à la tâche desquels il ressortait que ces salariés bénéficiaient d'un salaire minimum correspondant au nombre d'heures réellement effectuées rémunérées au taux horaire minimum légal ; qu'en se bornant à déduire de l'absence de mention du SMIC, dans la proposition faite par l'employeur, le caractère déraisonnable de cette proposition, sans rechercher si dans les faits l'employeur n'assurait pas le SMIC aux salariés rémunérés à la tâche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a constaté que l'offre de reclassement précisait que la salariée ne serait plus rémunérée qu'à la tâche, l'employeur se réservant par ailleurs la faculté de ne pas payer le travail accompli en fonction de sa propre estimation de la qualité de celui-ci et qu'il n'était fait aucune référence à un salaire minimum garanti ; qu'elle a pu en déduire que cette offre de reclassement qui n'était pas raisonnable ne pouvait qu'être refusée par la salariée et que l'employeur avait ainsi manqué à son obligation d'exécuter loyalement son obligation de reclassement ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à verser à la salariée une somme au titre de l'indemnité légale de licenciement, de dire que les sommes dues en exécution du contrat de travail porteront intérêts de droit à compter du 29 octobre 2007, et que les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil, étant précisé que cette capitalisation était réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière, alors, selon le moyen, que les juges sont tenus de répondre aux moyens des parties ; que l'employeur faisait valoir que compte tenu de l'attitude de la salariée qui avait conduit à prolonger les délais de la procédure prud'homale, l'employeur ne devait pas subir les délais excessifs de la procédure et sollicitait en conséquence le rejet des demandes au titre des intérêts et à l'anatocisme de ses derniers ; qu'à ce titre, étaient dûment versés aux débats la décision du bureau de conciliation du 29 octobre 2007, la décision de radiation du 11 septembre 2008, la sommation de communication de pièces du 21 octobre 2008 et le bordereau de communication de pièces et de conclusions du défendeur du 21 novembre 2007 ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen soulevé par l'employeur tiré de ce que le comportement de la salariée ayant engendré un allongement de la procédure devait entraîner le rejet des demandes relatives au titre des intérêts et à l'anatocisme de ses derniers, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 1154 du code civil, les seules conditions apportées par ce texte pour que les intérêts échus des capitaux produisent des intérêts sont que la demande en ait été judiciairement formée et qu'il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière ; que la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Santons Marcel Carbonel aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Santons Marcel Carbonel
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la société SANTONS MARCEL CARBONEL avait failli à son obligation de reclassement, d'AVOIR dit que le licenciement de Madame X... était sans cause réelle et sérieuse, d'AVOIR en conséquence condamné la société SANTONS MARCEL CARBONEL à payer à sa salariée les sommes de 25.000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 1.000 ¿ en application de l'article 700 du Code de procédure civile, d'AVOIR dit que les créances indemnitaires ne produisaient intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire, et dit que les intérêts sur les sommes allouées seraient capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, étant précisé que cette capitalisation était réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière et d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de l'instance ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le bien-fondé du licenciement
Sur le motif économique
La lettre de licenciement en date du 16 avril 2007 qui fixe les limites du litige est libellée en ces termes :
« Comme nous l'envisagions au cours de notre entretien du 5 avril dernier, compte tenu que vous n'avez pas donné suite à notre proposition de reclassement, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique.
Celui-ci est justifié par les difficultés éprouvées par notre entreprise.
En effet, l'exercice 2006 démontre que nous devons faire face à un résultat déficitaire de 276.008,00 ¿, une baisse de 3 % de notre chiffre d'affaires, un résultat d'exploitation négatif de 218.370,00 ¿
L'exercice clos le 31/12/2005 avait déjà fait apparaitre une baisse de 5 % du chiffre d'affaires. Par rapport à nos résultats de 2003, nos ventes de produits à nos revendeurs sont en baisse de 13 % et nos ventes boutiques sont en baisse de 16 %.
Ainsi, l'examen de notre situation comptable démontre qu'il ne s'agit pas d'un phénomène isolé, et si nous n'avions pas bénéficié au cours de l'exercice 2005 d'indemnités d'assurance, produit tout à fait exceptionnel, l'entreprise aurait déjà été, à ce moment là, dans une situation extrêmement critique.
Parallèlement, notre entreprise a connu une augmentation de 8 % du salaire moyen.
La diminution constante de notre chiffre d'affaires, une valeur ajoutée totalement absorbée par les frais de personnel et notre résultat d'exploitation négatif, font que nous ne pouvons maintenir notre organisation actuelle, sans mettre en péril, la pérennité de notre entreprise.
La société ATELIERS MARCEL CARBONEL, doit complètement se restructurer afin de maintenir son activité, en développant sa politique commerciale, et en réorganisant sa production.
Ce motif nous conduit, malheureusement, à supprimer votre poste. »
En l'absence d'éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties quant à la réalité du motif économique du licenciement.
Sur l'obligation de reclassement
Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié doivent être écrites et précises.
En l'espèce, par courrier du 13 février 2007, la SARLSANTONS MARCEL CARBONEL a proposé à Marie-Rose X... un poste de décoratrice à domicile rémunéré à la tâche.
Le courrier est ainsi rédigé :
« Notre entreprise rencontre des difficultés économiques qui la contraignent à organiser une restructuration : afin d'éviter votre licenciement nous avons procédé à une recherche active et individualisée de votre reclassement dans l'entreprise.
Nous vous proposons donc un poste de décorateur à domicile.
Nous vous précisons que nous vous fournirons le matériel et les matières premières nécessaires à votre activité ; les pièces décorées feront l'objet d'un contrôle de qualité par du personnel compétent de l'entreprise ; seules les pièces qui auront passé avec succès le contrôle qualité seront comptabilisées pour le calcul de la paie ; les pièces seront rémunérées en fonction des barèmes joints aux présentes. (¿). »
La salariée va répondre le 21 février « Afin de me permettre d'étudier au mieux cette proposition je souhaiterai, avec votre permission, suivre une formation en atelier pour réapprendre à décorer les sujets et pouvoir ainsi évaluer le salaire que je percevrai en travaillant à domicile.
En effet comme vous le savez, en atelier mon travail consiste à faire des accessoires et aider Denis Y... à décorer les crèches. Je n'ai donc plus décoré de santons depuis plusieurs années. (¿).
Elle écrira à son employeur le 16 mars 2007 « Cette période de formation m'a malheureusement démontré qu'il ne me serait pas possible de réaliser un nombre de pièces suffisant pour me constituer un salaire décent. (¿)
Pour cette raison je suis au regret de vous informer que je ne peux pas accepter votre proposition de reclassement. »
Il ressort de la proposition faite à la salariée que celle-ci ne serait plus payée qu'au rendement sans référence au SMIC avec la possibilité pour l'employeur de payer ou non le travail en fonction de sa propre estimation de la qualité.
Il est constant que la rémunération des salariés payés à la tâche doit être au moins égale au SMIC, proportionnellement aux heures effectuées.
Dès lors que le temps de travail relatif à chaque tâche n'est pas fixé, la salariée aurait du bénéficier au minimum du SMIC.
En faisant une proposition de reclassement déraisonnable que Marie-Rose X... ne pouvait que refuser, l'employeur n'a pas respecté l'obligation de reclassement à laquelle il était tenu de sorte que le licenciement de Marie-Rose X... est sa s cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences indemnitaires de la rupture et rappel de salaire
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Marie-Rose X... fait valoir que profondément affectée par la procédure de licenciement, elle a fait l'objet d'un arrêt de travail à compter de mars 2007 qui s'est prolongé pendant de longs mois avant d'être placée en invalidité catégorie 2 par décision du 19 février 2009.
A compter de cette date, elle a perçu une pension d'un montant de 727,46 ¿.
Rien ne permet de tenir la procédure de licenciement entièrement responsable du syndrome anxieux dont son psychiatre fait toujours état dans un certificat du 22 mars 2012.
Au visa de l'article L.122-14-4 ancien du code du travail applicable en l'espèce, et tenant à l'ancienneté de 15 ans de la salariée, à son âge (47 ans), sa qualification, et sa rémunération (1 373,52 ¿), ainsi qu'aux circonstances de la rupture, et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, il convient de fixer l'indemnités à la somme de 25.000 ¿.
¿ Sur le solde dû au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement Au regard de son ancienneté et des termes de la convention collective applicable, la salariée est en droit de prétendre à une indemnité de 3 mois de salaire soit 4 120,56 ¿ (1 373,52 ¿ x3) pour les 15 premières années et 274,70 ¿ pour la seizième année soit une indemnité totale de 4 395,26 ¿.
Elle a perçu une indemnité s'élevant à la somme de 2 974 ¿.
La SARL SANTONS MARCEL CARBONEL sera en conséquence condamnée à lu inverser la différence soit la somme de 1 421,26 ¿ » ;
ALORS QUE constitue une proposition de reclassement loyale et sérieuse l'offre faite par l'employeur concernant un poste rémunéré à la tâche correspondant à la qualification professionnelle du salarié, peu important l'absence de référence expresse au salaire minimum légal ; qu'en l'espèce, l'offre faite par l'employeur à sa salariée concernait un poste de décoratrice à domicile rémunéré à la tâche et correspondant au même niveau de qualification que celui occupé par la salariée qui exerçait le poste de décoratrice ; que l'employeur versait aux débats des bulletins de salaire de décorateurs à domicile rémunérés à la tâche desquels il ressortait que ces salariés bénéficiaient d'un salaire minimum correspondant au nombre d'heures réellement effectuées rémunérées au taux horaire minimum légal ; qu'en se bornant à déduire de l'absence de mention du SMIC, dans la proposition faite par l'employeur, le caractère déraisonnable de cette proposition, sans rechercher si dans les faits l'employeur n'assurait pas le SMIC aux salariés rémunérés à la tâche, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-4 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné l'employeur à verser à sa salariée la somme de 1.421,26 ¿ à titre de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement, de 1.000 ¿ en application de l'article 700 du Code de procédure civile, d'AVOIR dit que les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail, en l'espèce l'indemnité de licenciement, portaient intérêts de droit à compter du 29 octobre 2007, et dit que les intérêts sur les sommes allouées seraient capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, étant précisé que cette capitalisation était réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière et d'AVOIR condamné l'employeur aux dépens de l'instance ;
AUX MOTIFS QUE « Sur le solde dû au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
Au regard de son ancienneté et des termes de la convention collective applicable, la salariée est en droit de prétendre à une indemnité de 3 mois de salaire soit 4 120,56 ¿ (1 373,52 ¿ x3) pour les 15 premières années et 274,70 ¿ pour la seizième année soit une indemnité totale de 4 395,26 ¿.
Elle a perçu une indemnité s'élevant à la somme de 2 974 ¿.
La SARL SANTONS MARCEL CARBONEL sera en conséquence condamnée à lu inverser la différence soit la somme de 1 421,26 ¿.
Sur les autres demandes des parties
Les sommes qui sont dues en exécution du contrat de travail, en l'espèce l'indemnité de licenciement portent intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le Bureau de Conciliation, convocation qui vaut sommation de payer, soit en l'espèce à partir du 29 octobre 2007.
En revanche, les créances indemnitaires ne produisent intérêts moratoires que du jour de leur fixation judiciaire.
Les intérêts sur les sommes allouées seront capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil, étant précisé que cette capitalisation est réservée pour les intérêts dus au moins pour une année entière.
L'équité en la cause commande de confirmer le jugement en ses dispositions relatives à l'application de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la SARL SANTONS MARCEL CARBONEL à payer à Marie-Rose X... la somme de 1 000 ¿ sur ce même fondement en cause d'appel et de la débouter de sa demande de ce chef.
La SARL SANTONS MARCEL CARBONEL, qui succombe, supportera les entiers dépens » ;
ALORS QUE les juges sont tenus de répondre aux moyens des parties ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que compte tenu de l'attitude de la salariée qui avait conduit à prolonger les délais de la procédure prud'homale, l'employeur ne devait pas subir les délais excessifs de la procédure et sollicitait en conséquence le rejet des demandes au titre des intérêts et à l'anatocisme de ses derniers (conclusions d'appel de l'exposante p.17) ; qu'à ce titre, étaient dument versés aux débats la décision du bureau de conciliation du 29 octobre 2007, la décision de radiation du 11 septembre 2008, la sommation de communication de pièces du 21 octobre 2008 et le bordereau de communication de pièces et de conclusions du défendeur du 21 novembre 2007 ; qu'en s'abstenant de répondre au moyen soulevé par l'employeur tiré de ce que le comportement de la salariée ayant engendré un allongement de la procédure devait entrainer le rejet des demandes relatives au titre des intérêts et à l'anatocisme de ses derniers, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.