LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles 16 et 431 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société BNP (la banque) a prêté à la société Cap de la corniche (la SCI), dont le capital a été cédé aux sociétés du groupe Symbiose, diverses sommes dont le remboursement était garanti par un cautionnement solidaire apporté par la chambre de commerce et d'industrie de Sète Frontignan et Mèze (la CCI) ; que, suivant un arrêt du 22 juin 2004, la CCI a été condamnée en sa qualité de caution à payer à la banque une certaine somme qui a été réglée à hauteur de 882 700 euros le 25 juin 2007 ; que, suivant un arrêt du 17 mars 2009, les sociétés du groupe Symbiose ont été condamnées à payer à la banque certaines sommes au titre de dividendes impayés dont elles se sont acquittées en totalité ; que la CCI a fait pratiquer une saisie-attribution sur le compte des sociétés du groupe Symbiose en vertu de l'arrêt du 17 mars 2009 et d'une quittance subrogative que la banque lui a délivrée en contrepartie du règlement intervenu le 25 juin 2007 ; qu'un juge de l'exécution ayant prononcé la nullité de la saisie et ordonné sa mainlevée, la CCI a interjeté appel de la décision ;
Attendu que l'arrêt mentionne que "l'affaire a été communiquée au ministère public qui a fait connaître son avis" ;
Attendu qu'en statuant, sans constater que les parties avaient eu communication des conclusions du ministère public et qu'elles avaient eu la possibilité d'y répondre utilement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la SA Thalacap, la SNC Thalabanyuls, la SNC Symbiose, la SCI Europa, la SA Symbiose et la SNC Thalassaintes-Thalacap aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la CCI ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la chambre de commerce et d'industrie de Sète Frontignan et Mèze
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit bien fondée la contestation élevée par les sociétés du groupe Symbiose à l'encontre de la saisie-attribution pratiquée le 11 décembre 2012 à la demande de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Sète-Frontignan-Mèze sur les comptes dont les sociétés SA Thalacap, SNC Thalabanyuls, SNC Symbiose, SCI Europa, SA Symbiose et SNC Thalassaintes-Thalacap sont titulaires dans les livres de la SA Arkea Banque et d'avoir, en conséquence, ordonné la mainlevée de ladite saisie-attribution et condamné la Chambre de Commerce et d'Industrie de Sète-Frontignan-Mèze à payer à ces mêmes sociétés une somme globale de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX ENONCIATIONS QUE « l'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis » ;
ALORS QUE le ministère public peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience ; que lorsqu'elles sont écrites, les conclusions du ministère public doivent être communiquées aux parties ou du moins être mises à leur disposition, au plus tard, au jour de l'audience afin que ces dernières puissent être en mesure d'y répondre utilement, au besoin moyennant une note en délibéré ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que « l'affaire a été communiquée au ministère public, qui a fait connaître son avis » (cf. arrêt p. 3 § 3) sans qu'il ne résulte toutefois des mentions de l'arrêt que le ministère public ait été présent à l'audience du 8 avril 2013 ; qu'il en résulte que ce dernier avait nécessairement rendu un avis écrit ; qu'il appartenait donc aux juges du fond de vérifier si cet avis avait été communiqué aux parties ou, du moins, mis à leur disposition au plus tard au jour de l'audience afin de leur permettre d'y répondre utilement ; qu'en s'abstenant toutefois de procéder à une telle vérification, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 431 du Code de procédure civile ainsi que de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit bien fondée la contestation élevée par les sociétés du groupe Symbiose à l'encontre de la saisie-attribution pratiquée le 11 décembre 2012 à la demande de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Sète-Frontignan-Mèze sur les comptes dont les sociétés SA Thalacap, SNC Thalabanyuls, SNC Symbiose, SCI Europa, SA Symbiose et SNC Thalassaintes-Thalacap sont titulaires dans les livres de la SA Arkea Banque et d'avoir, en conséquence, ordonné la mainlevée de ladite saisie-attribution et condamné la Chambre de Commerce et d'Industrie de Sète-Frontignan-Mèze à payer à ces mêmes sociétés une somme globale de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'« aux termes de l'article L. 211-1 du Code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent ; qu'aux termes du procès-verbal de saisie attribution du 11 décembre 2012 et de son acte de dénonciation aux sociétés saisies, la Chambre de Commerce et d'Industrie de Sète, Mèze, Frontignan déclare agir en vertu de l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier en date du 17 mars 2009 et d'une quittance subrogative que la société BNP Paribas lui a délivrée le 29 septembre 2011 ; qu'or, il résulte des termes mêmes de cette quittance subrogative, ainsi que du décompte arrêté le même jour par la BNP (également produit aux débats) que la somme de 882 700 ¿ en réalité 882 700,77 ¿ pour laquelle quittance est donnée à la CCI, a été réglée par celle-ci, en sa qualité de caution, le 25 juin 2007 (et fut alors imputée à hauteur de 829 335,51 ¿ sur les intérêts et de 53 365,26 ¿ sur le capital restant dû à cette date) ; qu'il ressort du même décompte que la condamnation dont la BNP Paribas bénéficiera à l'encontre des sociétés du groupe Symbiose suivant arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 17 mars 2009 ne porte que sur les sommes en principal et intérêts qui résultaient d'un décompte actualisé au 31 octobre 2008, lequel tenait évidemment compte du règlement de 882 700 ¿ effectué par la caution dès le 25 juin 2007 et qui avait été alors imputé sur la créance de la BNP comme indiqué précédemment ; qu'il est constant également que le montant de ces condamnations prononcées par l'arrêt précité du 17 mars 2009, soit la somme en principal de 1 300 348,09 euros et celle de 618 819,71 euros au titre des intérêts (desquelles l'arrêt déduisait expressément les sommes de 68 602 ¿ et de 64 996 ¿), a été depuis lors, et avant que n'intervienne la saisie attribution litigieuse, entièrement réglé par les sociétés du groupe Symbiose au moyen d'un versement de 765 000 ¿ le 6 mai 2009 et du règlement de 21 échéances de 52 460 ¿ chacune du 7 août 2009 au 13 avril 2011 pour un total de 1 101 660 ¿ ; qu'il s'ensuit que la créance de la BNP consacrée par les condamnations prononcées par l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 17 mars 2009 est éteinte par les règlements effectués par les sociétés du groupe Symbiose, débitrices principales ; qu'or, la Chambre de Commerce et d'Industrie de Sète, Mèze, Frontignan, certes subrogée dans les droits de la société BNP Paribas, ne dispose pas de plus de droits que n'en détiendrait la banque et ne peut donc plus se prévaloir de l'arrêt du 17 mars 2009 comme titre exécutoire susceptible de fonder une mesure d'exécution forcée ; que s'il est également invoqué dans les débats l'existence d'un arrêt de la Cour d'appel de Montpellier qui, en date du 16 février 1999, a prononcé, pour le prêt concerné, l'admission de la créance de la BNP au passif de la SCI Cap de la Corniche (l'une des sociétés du groupe Symbiose) à hauteur de la somme de 11 684 554 francs en capital, outre intérêts au taux légal (sur laquelle n'avait bien entendu pas encore été imputé l'acompte de 882 700 ¿ que la CCI, caution, versera en juin 2007), force est toutefois de constater que cette décision, du reste, non visée dans le procès-verbal de saisie attribution litigieux, ne constitue pas en elle-même un titre exécutoire et ne dispensait pas la BNP d'exercer, après échéance, une action en paiement des dividendes fixées par le plan de continuation ; que dans ces conditions, la Chambre de Commerce et d'Industrie qui ne disposait, ni à titre de subrogée dans les droits et actions de la société BNP Paribas, ni à titre personnel, d'un quelconque titre exécutoire à l'encontre des sociétés du groupe Symbiose, ne pouvait pratiquer une saisie attribution sur les comptes bancaires dont ces sociétés sont titulaires dans les livres de la banque Arkea ; qu'il convient en conséquence d'ordonner la mainlevée des saisies attributions ainsi pratiquées ; que l'indisponibilité des comptes des sociétés du groupe Symbiose à hauteur de 438 162 ¿ qu'a provoquée la saisie attribution mise en oeuvre sans titre exécutoire, a causé un préjudice certain aux dites sociétés dont elle a, en les privant brutalement de toute trésorerie, perturbé le fonctionnement normal, tout en portant atteinte à leur crédit ; qu'il convient, par application de l'article L. 121-2 du Code des procédures civiles d'exécution, d'allouer auxdites sociétés une somme totale de 20 000 ¿ à titre de dommages et intérêts » ;
1°/ ALORS QUE tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent ; que le subrogé, venant aux droits du créancier, peut exercer une saisie-attribution sur le fondement d'un titre exécutoire constatant l'existence, au bénéfice de ce dernier, d'une créance liquide et exigible ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que par arrêt du 17 mars 2009, la Cour d'appel de Montpellier avait condamné les sociétés du groupe Symbiose à payer à la société BNP Paribas, une somme en principal de 1 300 348,09 euros et de 618 819,71 euros au titre des intérêts légaux sur la base d'un décompte incluant le paiement réalisé le 25 juin 2007 par la CCI en sa qualité de caution ; que cette dernière, subrogée aux droits de la société BNP Paribas, était en droit de réaliser, pour obtenir le remboursement des sommes réglées, une saisie-attribution sur le fondement de l'arrêt du 17 mars 2009 constatant l'existence d'une créance liquide et exigible au bénéfice du subrogeant ; qu'en retenant cependant, pour ordonner la mainlevée de la saisie-attribution litigieuse, que la CCI ne pouvait se prévaloir de l'arrêt du 17 mars 2009 comme titre exécutoire susceptible de fonder une mesure d'exécution forcée, la Cour d'appel a violé l'article L. 211-1 du Code des procédures civiles d'exécution ainsi que les articles 1251 et 2306 du Code civil ;
2°/ ALORS QUE le paiement avec subrogation, s'il a pour effet d'éteindre la créance à l'égard du créancier, la laisse subsister au profit du subrogé qui disposera alors d'un recours, contre le débiteur, à mesure du paiement effectué ; que toutefois ce recours ne lui est ouvert qu'après le désintéressement complet du subrogeant ; que pour ordonner la mainlevée de la saisie-attribution litigieuse, la Cour d'appel a affirmé que l'exposante, subrogée dans les droits de la société BNP-Paribas, ne pouvait se prévaloir de l'arrêt du 17 mars 2009 comme titre exécutoire susceptible de fonder la saisie-attribution litigieuse dans la mesure où, la créance de cette dernière étant éteinte, elle ne pouvait disposer de plus de droits que n'en détenait la banque (cf. arrêt p. 10 § 6 et § 7) ; qu'en statuant ainsi, cependant que le désintéressement complet du créancier est un préalable nécessaire à tout recours ou mise en oeuvre d'une mesure d'exécution forcée par la caution à l'encontre du débiteur, la Cour d'appel a violé l'article L. 211-1 du Code des procédures civiles d'exécution ainsi que les articles 1251, 1252 et 2306 du Code civil ;
3°/ ALORS QU'en toute hypothèse, en affirmant, pour ordonner la mainlevée de la saisie-attribution litigieuse, que l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 16 février 1999 ne constituait pas un titre exécutoire, cependant qu'un tel fait était sans incidence sur la validité de cette mesure d'exécution forcée dès lors qu'aux termes du procès-verbal de saisie-attribution du 11 décembre 2012, l'exposante avait déclaré agir en vertu de l'arrêt de la Cour d'appel de Montpellier du 17 mars 2009, la Cour d'appel a statué par des motifs inopérants et privé ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 211-1 du Code des procédures civiles d'exécution.