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07/10/2014 | FRANCE | N°13-19692

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 07 octobre 2014, 13-19692


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Oxypharm, répartiteur pharmaceutique qui fournit du matériel médical aux pharmaciens, distribuait depuis 1986 des produits fabriqués par la société Laboratoires Escarius (la société Escarius), qui lui étaient facturés par la société Laboratoires Polymédic (la société Polymédic), ces sociétés étant toutes deux détenues par la même société holding ; qu'après avoir, au cours d'une réunion qui s'est tenue le 16 février 2011, fait part à la soc

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Oxypharm, répartiteur pharmaceutique qui fournit du matériel médical aux pharmaciens, distribuait depuis 1986 des produits fabriqués par la société Laboratoires Escarius (la société Escarius), qui lui étaient facturés par la société Laboratoires Polymédic (la société Polymédic), ces sociétés étant toutes deux détenues par la même société holding ; qu'après avoir, au cours d'une réunion qui s'est tenue le 16 février 2011, fait part à la société Polymédic de son intention de mettre un terme à leur relation sans préavis, la société Oxypharm a accepté par écrit, le 30 mars 2011, de la prolonger, et l'a finalement maintenue jusqu'au 31 janvier 2012 ; que les sociétés Polymédic et Escarius l'ont fait assigner en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour retenir l'état de dépendance économique de la société Polymédic envers la société Oxypharm, l'arrêt retient que la première est une société de facturation des seules livraisons effectuées par la société Escarius à la seconde ;

Attendu qu'en statuant ainsi, tout en retenant, pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par la société Oxypharm, que cette dernière ne démontrait pas avoir été la seule entreprise à devoir passer par la société Polymédic pour acheter les produits de la société Escarius, la cour d'appel s'est contredite ;

Et sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties :

Vu l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Attendu que le délai du préavis suffisant s'apprécie en tenant compte de la durée de la relation commerciale et des autres circonstances, notamment de l'état de dépendance économique du partenaire évincé, au moment de la notification de la rupture ;

Attendu qu'après avoir exclu la dépendance économique de la société Escarius, qui ne réalisait que 20 % de son activité avec la société Oxypharm, et retenu celle de la société Polymédic, qui était une société de facturation des livraisons effectuées par la société Escarius à la société Oxypharm, l'arrêt retient que cette dernière, eu égard à la durée et l'intensité de la relation, aurait dû respecter un préavis de 24 mois envers ces deux sociétés ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté que les deux sociétés n'étaient pas dans le même état de dépendance économique envers la société Oxypharm, et sans relever d'éléments justifiant qu'un préavis identique ait été nécessaire pour chacune d'elle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, infirmant le jugement sur la durée du préavis et le quantum des condamnations, il condamne la société Oxypharm à payer à la société Laboratoires Polymédic la somme de 117 216 euros, majorée des intérêts au taux légal capitalisés, et à la société Laboratoires Escarius la somme de 215 152 euros, majorée des intérêts au taux légal capitalisés, l'arrêt rendu le 10 avril 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne les sociétés Laboratoires Polymédic et Laboratoires Escarius aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer la somme globale de 3 000 euros à la société Oxypharm et rejette la demande de la société Polymédic ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Oxypharm

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Oxypharm à payer aux sociétés Laboratoires Polymédic et Laboratoires Escarius les sommes respectives de 117 216 euros et 215 152 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2012 et capitalisation des intérêts échus ;

Aux motifs que, « s'agissant de la rupture des relations commerciales en 2011, il n'est pas contesté que la société OXYPHARM a décidé de déréférencer les produits de la sociétés ESCARIUS ; que les parties diffèrent sur le point de départ du préavis et sur sa durée ; que si la société OXYPHARM considère que la rupture est intervenue à partir du 1er Février 2011, date à laquelle le préavis a commencé à courir, il convient de retenir, comme l'a fait le Tribunal, la date du 31 mars 2011, date de la lettre recommandée avec accusé de réception par laquelle la société OXYPHARM notifie clairement l'arrêt des relations commerciales ; que la société a acheté des produits jusqu'au 31 janvier 2012 ; que le préavis consenti a donc duré 10 mois ; que la dépendance alléguée entre les partenaires n'existe pas entre OXYPHARM et ESCARIUS, 20 % de l'activité de cette société lui étant imputable, mais existe, par nature, entre les sociétés POLYMEDIC et OXYPHARM, POLYMEDIC étant une société de facturation des seules livraisons effectuées par la société ESCARIUS à OXYPHARM ; qu'au regard de la durée des relations commerciales (24 ans), et de l'intensité de ces relations, un préavis de 24 mois était de rigueur ; que le jugement entrepris sera donc infirmé sur la longueur du préavis ¿ ; que les appelantes produisent les preuves comptables permettant d'établir leur préjudice (attestation d'expert-comptable, bilan) ; que si la société POLYMEDIC est une société fictive, dont le rôle est limité à la facturation et à l'encaissement, elle constitue une personne morale distincte qui a subi une perte de marge propre, à la suite de la résiliation brutale ; que 10 mois de préavis ayant été effectués, il reste 14 mois à indemniser ; que le préjudice qui découle d'une rupture brutale de relations commerciales établies est constitué de la perte subie ou du gain dont la victime a été privée ; que l'indemnité qui tend réparer ce type de préjudice correspond à la perte de marge brute sur le chiffre d'affaires qui aurait dû être perçue si un préavis conforme aux usages du commerce avait été consenti ; qu'il convient d'allouer à la société POLYMEDIC la marge brute qu'elle aurait perçue pendant 14 mois, qui sera calculée sur la base de la moyenne de la marge brute au titre des trois derniers exercices clos, soit 100 471 (545 152 euros X 18,43 %) par an, 100 471 étant la moyenne du chiffre d'affaires (570 591 + 566 628 + 247)/3), et équivaut à la somme de 117 216 euros pour 14 mois ; qu'il convient d'allouer à la société ESCARIUS la marge brute qu'elle aurait perçue pendant 14 mois, qui sera calculée sur la base de la moyenne de la marge brute au titre des trois derniers exercices clos, soit 184 416 (480 000 euros X 38,42 %) par an, 184 416 étant la moyenne du chiffre d'affaires (516 803 + 494 471 + 429 437)/3), et équivaut à la somme de 215 152 euros pour 14 mois ; qu'il y a lieu de condamner la société OXYPHARM à payer à la société LABORATOIRES POLYMEDIC la somme de 117 216 euros et à la société LABORATOIRES ESCARIUS la somme de 215 152 euros, lesdites sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2012 et ces intérêts échus étant capitalisés ; que le jugement déféré sera donc infirmé sur le quantum des condamnations mises à la charge de la société OXYPHARM » (arrêt attaqué, p. 4, dernier § à p. 5, pénult. §) ;

Alors d'une part que tout jugement doit être motivé ; que, pour retenir l'existence d'un lien de dépendance entre les sociétés Oxypharm et Polymédic, et fixer en conséquence à 24 mois la durée de préavis qui aurait dû être respectée, l'arrêt attaqué (p. 5, 1er §) énonce que Polymédic était « une société de facturation des seules livraisons effectuées par la société ESCARIUS à OXYPHARM » ; qu'en revanche, pour rejeter la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formée par Oxypharm, l'arrêt (p. 5, dernier §) relève que cette dernière ne démontrait pas « avoir été la seule entreprise à être contrainte de passer par Polymédic pour acheter les produits de la société ESCARIUS » ; qu'en statuant par ces motifs contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors d'autre part qu'en cas de simulation, les tiers qui y ont intérêt ont le droit de se prévaloir de la situation occulte ; qu'au cas présent, dans ses conclusions d'appel du 15 février 2013 (p. 19, § 9 à p. 20, § 7, p. 30, § 8 et 9), la société Oxypharm se prévalait du caractère fictif de la société Polymédic pour faire valoir que l'existence d'un éventuel état de dépendance économique devait s'apprécier uniquement dans la personne de la société Escarius ; qu'en constatant elle-même que Polymédic était une société fictive, derrière laquelle agissait la seule société Escarius, et qu'Escarius ne se trouvait pas dans un état de dépendance économique vis-à-vis d'Oxypharm (arrêt, p. 5, § 1 et 4), mais en retenant néanmoins l'existence d'un tel état de dépendance entre Polymédic et Oxypharm, pour fixer à 24 mois la durée de préavis qui aurait dû être respectée, la cour d'appel a violé les articles 1321 du code civil et L. 442-6, I, 5° du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 13-19692
Date de la décision : 07/10/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 10 avril 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 07 oct. 2014, pourvoi n°13-19692


Composition du Tribunal
Président : Mme Mouillard (président)
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.19692
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