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01/10/2014 | FRANCE | N°13-22214

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 01 octobre 2014, 13-22214


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Murinvest, devenue la société Bercing, en qualité de secrétaire-assistante de direction, par contrat à durée indéterminée en date du 27 juin 2007 à effet au 2 juillet 2007 ; que, le 18 novembre 2009, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 27 novembre 2009 ; qu'elle a été licencié

e pour motif économique le 15 décembre 2009 ; que, contestant son licenciement, elle a s...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 1233-3 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Murinvest, devenue la société Bercing, en qualité de secrétaire-assistante de direction, par contrat à durée indéterminée en date du 27 juin 2007 à effet au 2 juillet 2007 ; que, le 18 novembre 2009, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 27 novembre 2009 ; qu'elle a été licenciée pour motif économique le 15 décembre 2009 ; que, contestant son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que, pour dire le licenciement non fondé par un motif économique réel et sérieux, l'arrêt retient qu'au cours de l'année 2009, compte tenu notamment de la crise économique qui sévissait dans le secteur immobilier, le chiffre d'affaires de la société, qui a une activité de marchand de biens, a considérablement chuté, puisqu'il est passé de 18 000 000 à 2 000 000, que, pour autant, s'agissant d'une activité de marchand de biens, cette baisse du chiffre d'affaires a été pour la plus grande partie compensée par une variation de stock, de sorte que le résultat d'exploitation, quoi qu'en baisse entre 2008 et 2009, est resté bénéficiaire passant de 4 400 279 à 2 034 166 euros, que, par ailleurs, toujours en raison de la spécificité de l'activité, force est de constater que le poids de la masse salariale est très limité dans les charges de l'entreprise, puisqu'elle ne représente que 280 000 euros, qu'en outre, les capitaux propres de la société qui étaient de 29 000 KF en 2008 sont passés à 34 000 KF en 2011, ce qui atteste que la valeur des capitaux immobiliers qu'elle possède n'a pas été dépréciée sur la période, et que l'endettement de la société a légèrement diminué sur la période ;
Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme le faisait valoir l'employeur, à la date du licenciement, le résultat financier de l'entreprise n'était pas catastrophique, le montant des créances à recevoir à moins d'un an s'élevant à 3 384 988 euros alors que le montant des dettes exigibles sur la même période atteignait 23 379 279 euros, de sorte que la situation financière de la société à moins d'un an était négative de 19 994 291 euros, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a rejeté la demande deMme X... de 1 euro de dommages-intérêts au titre du comportement fautif de l'employeur durant l'exécution du contrat de travail, l'arrêt rendu le 27 juin 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Bercing
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné, en conséquence, la société MURINVEST à payer à Madame X... la somme de 35.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante : « La société rencontre d'importantes difficultés économiques, et notre situation à fin septembre est préoccupante. Nous n'avons réalisé aucune vente depuis le début de l'exercice et consenti seulement quatre contrats de location. Ceci est très insuffisant pour couvrir les charges de copropriété de tous les locaux encore vacants. En outre, la situation de nos filiales n'est pas bonne, notamment la SNC TOULOUSE COMPANS, propriétaire du centre commercial COMPANS à Toulouse, qui génère des pertes très importantes. En outre, mes problèmes de santé récurrents m'obligent à limiter mon activité. Je dois réduire les frais de structure. Je suis en conséquence contraint de supprimer un poste et en l'occurrence le poste de secrétaire assistante que vous occupez à mes côtés. Comme je vous l'indiquais dans la lettre de convocation à l'entretien préalable, aucune solution de reclassement n'a pu être trouvée au sein du groupe auquel appartient la société. Si vous refusez la convention, votre période de préavis d'une durée de trois mois court à compter de la première présentation de la présente lettre » ; qu'il ressort des éléments du dossier qu'au cours de l'année 2009, compte tenu notamment de la crise économique qui sévissait dans le secteur immobilier, le chiffre d'affaires de la société, qui a une activité de marchand de biens, a considérablement chuté, puisqu'il est passé de 18 millions à 2 millions ; que pour autant, s'agissant d'une activité de marchandage de biens, cette baisse du chiffre d'affaire a été pour la plus grande partie compensée par une variation de stock, de sorte que le résultat d'exploitation, quoi qu'en baisse entre 2008 et 2009, est restée bénéficiaire passant de 4.400.279 à 2.034.166 euros ; que par ailleurs, toujours en raison de la spécificité de l'activité, force est de constater que le poids de la masse salariale est très limité dans les charges de l'entreprise, puisqu'elle ne représente que 280.000 euros ; qu'en outre, les capitaux propres de la société qui étaient de 29.000 KF en 2008 sont passés à 34.000 KF en 2011, ce qui atteste que la valeur des capitaux immobiliers qu'elle possède n'a pas été dépréciée sur la période, et que l'endettement de la société a légèrement diminué sur la période ; qu'un dividende de 50.000 euros par an a ainsi pu être distribué aux actionnaires durant toute la période en question ; que la société expose que compte tenu de la diminution de son chiffre d'affaires, consécutif à l'absence de réalisation de ventes, elle a été conduite à diminuer sa masse salariale, en supprimant le poste de Madame X... afin de limiter ses charges dans l'attente d'une reprise lui permettant de vendre ses stocks, lesquels représentaient un actif important ; que toutefois, il apparaît que la diminution de la masse salariale n'était pas l'objectif recherché par l'employeur, dès lors que concomitamment au licenciement de Madame X..., il a embauché Madame Y..., en qualité de « Responsable contrôle gestion » ; qu'il s'agissait d'engager une personne susceptible de décharger Monsieur Z... d'une partie de ses tâches des gestion immobilière, compte tenu des difficultés de santé qu'il rencontrait ; qu'il convient de relever qu'il ne s'agit pas de l'embauche d'un commercial, qui aurait été destinée à relancer l'activité, mais de la création d'un poste de gestion immobilière, dans un contexte où il est soutenu que l'activité avait diminué de manière drastique, et où l'employeur soutient qu'il ne percevait pas encore les prémices de la reprise ; que ce recrutement atteste pourtant de ce que l'employeur considérait que l'activité pour l'année 2010 serait suffisante pour justifier de l'embauche d'un gestionnaire ; que l'employeur ne s'explique pas par ailleurs sur la manière dont les tâches d'assistante de direction, jusqu'ici confiées à Madame X..., ont été assurées, alors même qu'il est constant que si le poste a été supprimé, les fonctions, elles, ont nécessairement subsisté, au moins pour la plus grande partie ; qu'il n'apporte pas non plus de réponse à la question posée de la salariée sur les tâches effectivement confiées à madame Y..., recrutée dès son licenciement sur un autre intitulé de poste ; que ces éléments sont à analyser dans un contexte où il est constant d'une part que les relations de la salariée avec madame A... qui gérait de fait l'entreprise en l'absence de Monsieur
Z...
étaient difficiles, et d'autre part que l'employeur avait découvert peu de temps auparavant que Madame X... souffrait de problèmes de santé sérieux, et où il n'hésite pas à lui reprocher dans ses conclusions de ne pas en avoir fait état à l'occasion de son embauche ; que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, al Cour retient que le motif économique ayant fondé le licenciement n'est pas établi, et qu'ainsi le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;
1°) ALORS QUE des pertes financières ou de graves difficultés de trésorerie établissent les difficultés économiques justifiant le licenciement pour motif économique ; qu'en se fondant, pour juger que la preuve des difficultés économiques n'était pas rapportée et que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, sur le seul résultat d'exploitation de l'entreprise, étant passé de 4.400.279 à 2.034.166 euros entre 2008 et 2009, quand il est constant qu'au 31 décembre 2009, le résultat financier de l'entreprise était catastrophique, le montant des créances à recevoir à moins d'un an s'élevant à 3.384.988 euros alors que le montant des dettes exigibles sur la même période atteignait 23.379.279 euros, de sorte que la situation financière de la société MURINVEST à moins de un an était négative de 19.994.291 euros, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
2°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que pour démontrer l'existence de difficultés économiques, la société MURINVEST versait aux débats l'attestation de Monsieur B..., expertcomptable, lequel constatait que si la situation de la société MURINVEST paraissait confortable en terme de capitaux propres, la situation financière à moins d'un an au 31 décembre 2009 était totalement différente en ce sens que l'état des échéances des dettes s'élevait à 23.379K euros quand l'état des créances s'élevait à 3.385K euros, que l'amélioration de l'endettement à court terme était due uniquement à un étalement des dettes à court terme en dettes à moyen et long terme, et que l'absence d'étalement des dettes à court terme dans un contexte de faible rotation des stocks aurait conduit l'entreprise à une cessation de paiements ; qu'en jugeant que la preuve des difficultés économiques n'était pas rapportée et que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que le résultat d'exploitation, quoiqu'en baisse entre 2008 et 2009, était resté bénéficiaire passant de 4.400.279 à 2.034.166 euros, sans examiner même sommairement cet élément de preuve qui lui était proposé et qui démontrait l'existence de difficultés financières durables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1233-3 du code du travail ;
3°) ALORS QUE le juge doit apprécier la réalité des difficultés économiques de l'employeur au jour du prononcé du licenciement ; qu'en retenant que les capitaux propres de la société MURINVEST, qui étaient de 29.000K euros en 2008, étaient passés à 34.000K euros en 2011, ce qui attestait que la valeur des capitaux immobiliers que l'exposante possédait n'avait pas été dépréciée sur la période 2008/2009 et que l'endettement de la société avait légèrement diminué sur la période, les juges du fond, qui ont apprécié la réalité des difficultés économiques de la société MURINVEST en 2011, soit postérieurement au licenciement de Madame X... le 15 décembre 2009, ont violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
4°) ALORS QUE la suppression d'un poste, même si elle s'accompagne de la reprise des tâches par un autre salarié de l'entreprise, est une suppression d'emploi au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, pour juger que le motif économique de licenciement n'était pas établi au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail, que si le poste de Madame X... avait été supprimé, les fonctions avaient quant à elles nécessairement subsisté au moins pour la plus grande partie (arrêt, p.4, antépénultième §) ; qu'en statuant de la sorte, après avoir constaté que l'emploi occupé par la salariée avait été supprimé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article L. 1233-3 du code du travail ;
5°) ALORS QUE la suppression d'emploi au sens de l'article L. 1233-3 du code du travail n'implique pas de compression des effectifs dès lors que la création d'un nouvel emploi, de nature différente, est justifiée par la réorganisation de l'entreprise ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, pour juger que le motif économique de licenciement n'était pas établi et que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'il n'était pas démontré quelles tâches avaient effectivement été confiées à Madame Y..., recrutée dès le licenciement de Madame X... sur un autre poste pour décharger Monsieur Z..., dirigeant de l'entreprise, d'une partie de ses tâches de gestion immobilière, compte tenu des difficultés de santé qu'il rencontrait (arrêt attaqué, p.4, §3 et 5) ; qu'en constatant ainsi que ce recrutement était justifié par la nécessité, en raison de la maladie du dirigeant, de réorganiser l'entreprise pour assurer la suppléance dans ses fonctions, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a, à nouveau, violé l'article L. 1233-3 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13-22214
Date de la décision : 01/10/2014
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 27 juin 2013


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 01 oct. 2014, pourvoi n°13-22214


Composition du Tribunal
Président : M. Huglo (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:13.22214
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